Live Japon: Toshiba, 140 ans d'histoire

15 février 2014 à 08h37
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Elle ne mesure que 60 cm de haut, ne pèse que 38 kilos, mais elle a du tempérament et est sacrément retorse. Elle, c'est la "man nen dokei", littéralement la "Pendule de 10 000 ans", une machine à égrener le temps conçue en 1851 et dont les scientifiques ont mis plus de 150 ans avant d'en comprendre le mécanisme.
Cette "man nen tokei" est un trésor cher au groupe Toshiba. Et pour cause, c'est dans l'imaginaire de celui qui allait ensuite devenir le fondateur de cet empire industriel, le "génie des merveilles mécaniques" Hisashige Tanaka, qu'est né cet objet d'art orné de bois, de verre, d'émaux et de métaux, minutieusement peints et travaillés. Des inventions, il y en eu beaucoup d'autres ensuite pour ce groupe qui s'apprête à fêter l'année prochaine 140 ans d'histoire.


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"Une usine sans centre de recherche est comme un insecte sans antenne": cette phrase a, dit-on, inspirer la philosophie de Toshiba, un conglomérat dont les origines remontent à la deuxième moitié du XIXe siècle et dont l'histoire est désormais relatée dans un musée à Kawasaki, en banlieue de Tokyo.

Tout débute en 1875 à Ginza, au centre de Tokyo, un quartier aujourd'hui huppé où un certain Hisashige Tanaka, un passionné de poupées-automates, installe son usine de télégraphes.

L'homme avait déjà montré son génie avec la "man nen dokei" d'une précision déconcertante et dont le processus complexe a vaincu trois équipes d'investigateurs fascinés, en 1949, 1955 et 1968.
La quatrième tentative pour résoudre l'énigme, lancée en mars 2004 par Toshiba (propriétaire de l'objet) et le Musée national des sciences, a été la bonne.
Les ingénieurs, professeurs et chercheurs ont enfin compris, en la démontant, comment fonctionne le fantastique mécanisme de la +man nen dokei+, capable de suivre précisément le rythme du temps durant 10.000 ans. La pendule, qui peut fonctionner durant une année en n'étant remontée qu'une seule fois, a donné lieu à une foultitude d'enquêtes et autant de documents. Plus qu'une horloge, c'est un trésor de technologies, le nec plus ultra de l'art de l'époque.
"Sa précision est telle que même les techniques d'aujourd'hui ont des difficultés à l'égaler", selon des représentants de Toshiba rencontrés dans le musée retraçant l'histoire du groupe.

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Les six faces de la "man nen dokei" illustrent l'écoulement du temps avec une exactitude absolue: à la manière d'une montre occidentale; suivant les phases de la lune; au rythme des jours de la semaine; au fil du calendrier annuel lunaire japonais; selon les heures du jour et de la nuit (réparties en quatre blocs de six heures); enfin conformément aux signes du zodiaque asiatique.
Une équipe de plus de cinquante experts d'art et de scientifiques de Toshiba, du Musée national des sciences, de l'horloger Seiko et de l'Université de Tokyo a oeuvré un an pour autopsier la pendule et en analyser les mécanismes.
Ils l'ont examiné au rayon X afin de déterminer la nature des matériaux, ils l'ont "clonée" sous forme virtuelle en trois dimensions sur ordinateur pour suivre la marche de ses engrenages, ils l'ont entièrement désossée, composant par composant pour n'omettre aucune pièce du mécanisme, si petite fut-elle. Un véritable jeu de patience et de persévérance au bout duquel ils sont enfin parvenus à décrypter ses secrets.

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"Le plus difficile a été de réussir à reproduire un objet qui fonctionne exactement comme l'original, aussi précisément, dans la durée", ont expliqué les chercheurs. La "Pendule de 10.000 ans" a ainsi mobilisé une armée d'experts à plein temps, durant un an, pour un coût de plus de 100 millions de yens (750.000 euros). S'ils ont percé le mystère du mode de fonctionnement datant d'un siècle et demi de la petite horloge, et ont finalement réussi à la reproduire, les chercheurs s'interrogent toujours sur "l'éclair de génie" de son concepteur.

M. Tanaka n'a pas légué son secret, mais un empire industriel fondé avec Ichisuke Fujioka et Shoichi Miyoshi qui avaient créé en 1890 la société Hakunetsu, une firme spécialisée dans les ampoules à incandescence qui s'installera plus tard à Kawasaki, dans la région de Tokyo. La fusion des deux entreprises (celle de Tanaka d'un côté et celle de ses compères de l'autres) en 1939 donnera naissance à Tokyo Shibaura Electric, qui deviendra Toshiba en 1978.

De l'ère Meiji débutée en 1868 aux premières années de l'ère Showa (ouverte en 1926), avant-guerre, la société Tanaka rebaptisée Shibaura fabriqua le premier aspirateur, le premier réfrigérateur et la première machine à laver électriques du Japon, sous l'influence de l'industrie occidentale: "ce lave-linge marche toujours", explique Junji Nakayama, directeur du Musée des Sciences de Toshiba, à Kawasaki. Actionné, l'engin fait cependant un boucan d'enfer.
Ce n'est pas le seul vestige électroménager avant-gardiste de l'époque et encore fonctionnel conservé en ce lieu récemment ouvert au public. Mais c'est un des rares qui aient précédé la guerre, avant que le gouvernement japonais n'interdise aux entreprises de fabriquer des appareils domestiques afin de réserver les matériaux aux équipements jugés indispensables pour "l'effort de guerre".

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Au sortir du conflit, placés sous occupation américaine, les industriels japonais ont presque dû reprendre tout à zéro, avant de recommencer à proposer des lave-linge , réfrigérateurs, climatiseurs, TV, etc. Sanyo, Matsushita (aujourd'hui Panasonic), Hitachi, Sony, toutes ces marques fleurons des technologies du Japon prirent leur réel essor dans les années 1950, une fois l'occupant américain parti. Les gouvernements successifs de cette époque ont accompagné les industriels dans leur volonté d'apporter aux citoyens le confort dont jouissaient déjà chez eux les Américains. Débutait alors la période dite de haute croissance.
Toshiba se distingua alors par le premier autocuiseur électrique automatique nippon en 1955 et par le premier téléviseur couleur japonais en 1960.


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Le groupe s'initia aussi à l'informatique, avec la conception d'un gros calculateur électronique en 1954 ainsi qu'un "wapuro" (word processor, traitement de texte). Il s'agissait grosso d'une machine à écrire en japonais. A l'instar des PC aujourd'hui, il suffisait de taper la prononciation des mots à saisir pour qu'elle soit alors automatiquement convertie en idéogrammes nippons. Les "wapuro" ont été les premiers objets informatiques à entrer dans la plupart des foyers japonais.
C'est à la firme polyvalente Toshiba que l'on doit aussi la première machine mondiale de tri postal, en 1967.


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Aujourd'hui, Toshiba est, au côté de son compatriote Hitachi, le seul groupe à réussir le tour de force de fabriquer une gamme incommensurable de produits, allant des puces électroniques (c'est un spécialiste des mémoires flash NAND) aux réacteurs nucléaires (avec sa propre division Toshiba et sa filiale américaine Westinghouse).
Au milieu de tout cela, on trouve des PC, des TV, des escaliers mécaniques, des ascenseurs, toujours de l'électroménager et des appareils audiovisuels, des ampoules (plus à incandescence mais à diodes électroluminescentes), et encore une foultitude de composants, objets et services pour professionnels et particuliers.

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Pour avoir une illustration pratique de cette étendue, il faut se rendre à l'hôpital Toshiba à Tokyo, un lieu où tout le matériel, des PC des hôtesses d'accueil et médecins aux appareils de radiographie, écrans, machines de paiement et autres équipements, porte le logo Toshiba. Cet hôpital est ouvert à tous une partie de la journée, mais il reste en priorité réservé aux salariés du groupe qui compte plus de 200.000 employés dans le monde, dont quelque 35.800 pour la maison-mère au Japon. Toshiba, surtout connu du grand public pour ses ordinateurs et appareils audiovisuel, est ainsi aujourd'hui l'un des plus gros industriels nippons, avec un chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 6.000 milliards de yens (45 milliards d'euros).
Ce présent, le passé et l'avenir se côtoient au musée de Kawasaki.
"Nous conservons les données relatives à l'exemplaire numéro un de chaque produit fabriqué, c'est notre patrimoine", précise M. Nakayama selon qui des milliers d'objets sont déjà répertoriés.
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