Le Conseil d’État pourrait réactiver dans les prochains jours un dispositif contraignant les sites pour adultes à contrôler l’âge de leurs visiteurs. La mesure avait été suspendue en juin par le tribunal administratif de Paris.

Depuis un an, les plateformes de vidéos pornographiques comme Pornhub, Youporn et xHamster vivent sous la menace d’un blocage en France. En juin, elles avaient obtenu un sursis. Mais ce répit pourrait s’achever plus vite que prévu. Le Conseil d’État s’apprête à réexaminer le dossier et pourrait annuler la suspension prononcée par le tribunal administratif de Paris.
La procédure a été relancée par les ministres de la Culture et du Numérique, Rachida Dati et Clara Chappaz, qui avait contre-attaqué très rapidement. Elles demandent la remise en vigueur d’un arrêté pris début juin, qui impose à 17 plateformes de mettre en place une véritable vérification d’âge, conforme aux critères techniques fixés par l’Arcom. Le texte ne prévoit aucune alternative ni souplesse. Les plateformes concernées doivent se mettre en conformité ou s’exposent à des sanctions, dont un possible blocage d’accès via les FAI.
La vérification d’âge pourrait de nouveau s’imposer dès la semaine prochaine
Le bras de fer entre le gouvernement et les sites pour adultes a connu une première victoire pour les plateformes, quand le tribunal administratif a suspendu l’arrêté le 16 juin. Cette décision faisait suite à une requête de Hammy Media, maison mère chypriote de xHamster, qui pointait un doute sérieux sur la compatibilité du dispositif avec le droit européen. Le juge avait évoqué une urgence à suspendre le texte, le temps de clarifier la question.
Mais trois semaines plus tard, le Conseil d’État pourrait remettre cette décision à la poubelle. Le rapporteur public a recommandé l’annulation de l’ordonnance du tribunal, estimant que celui-ci avait mal évalué la situation. Selon lui, « la condition d’urgence ne peut être regardée comme remplie », car les arguments avancés par les plateformes ne démontrent pas une menace grave et immédiate. Le Conseil d’État, qui suit souvent les conclusions du rapporteur, devrait rendre sa décision au début de la semaine prochaine.
Parmi les éléments reprochés à la première décision, on notera l'absence de prise en compte de l’intérêt public lié à la protection des mineurs, et une confusion entre deux textes législatifs distincts. L’ordonnance du tribunal s’appuyait en effet sur une question préjudicielle transmise à la Cour de justice de l’Union européenne, mais qui concernait une autre loi que celle appliquée ici.

Cloudflare, X.com et la suite du dossier
Le trio joue le rôle de martyr. Pour autant, depuis l’entrée en vigueur de la loi SREN, l’Arcom peut aussi demander à bloquer des plateformes ne respectant pas les exigences de contrôle d’âge. Elle a déjà utilisé ce levier contre Camschat.net, avec le soutien des FAI. Mais lorsqu’elle a adressé la même demande à Cloudflare, la réponse n’a pas été aussi docile.
L’entreprise américaine, qui fournit un service DNS, a préféré contester la décision devant le tribunal administratif. Elle estime que la France aurait dû notifier sa réglementation à la Commission européenne, et que le texte contrevient au Digital Services Act. Selon elle, le cadre européen laisse aux plateformes la liberté de choisir les moyens pour protéger les mineurs, ce qui rend le contrôle d’âge imposé en France problématique. Par ailleurs, Cloudflare indique qu’elle ne peut techniquement pas répondre aux exigences demandées, compte tenu de l’architecture de ses services.
Ces arguments n’ont pas convaincu le tribunal administratif, qui a rejeté sa demande en avril. Cloudflare a fait appel, et l’audience d’instruction s’est tenue fin juin. Le rapporteur public, une nouvelle fois, a appuyé la position de l’administration française. La décision finale sera rendue dans le courant de l’été.
Entre-temps, plusieurs voix continuent de critiquer l’efficacité du dispositif. Les avocats de Pornhub ont rappelé que les internautes trouveront toujours un moyen de contourner les restrictions, notamment en se tournant vers d’autres sites, parfois hébergés sur des plateformes généralistes comme X.com, désormais présenté comme « principal fournisseur de contenus pornographiques ». Le cabinet d’avocats représentant Aylo, maison mère de Pornhub et Youporn, dénonce de son côté un affichage politique et regrette l’absence d’alternative technologique réellement efficace.
Si la vérification d’âge est réactivée par le Conseil d’État, les plateformes devront réagir vite. En cas de non-conformité, elles risquent une amende allant jusqu’à 500 000 euros ou 6 % de leur chiffre d’affaires mondial hors taxes. Et surtout, un blocage pur et simple chez les FAI. À moins de revoir leur politique d’accès, certains sites pourraient devenir inaccessibles en France dès cet été. Les nuits risquent d'être moins chaudes, mais ça ne sera pas à cause de la météo.
Source : L'Informé (accès payant)