Hubble réussit à observer la formation d'une exoplanète particulière, sur 13 ans de mesures

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
06 avril 2022 à 19h00
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Vue d'artiste de AB Aurigae B. Attention, il s'agit purement d'une interprétation artistique... © NASA, ESA, Joseph Olmsted (STScI)
Vue d'artiste de AB Aurigae B. Attention, il s'agit purement d'une interprétation artistique... © NASA, ESA, Joseph Olmsted (STScI)

Grâce à sa longévité, les équipes scientifiques ont pu capturer le processus de la formation de AB Aurigae B, une exoplanète géante qui « naît » sous nos yeux. Mais surprise, cette dernière ne suit pas le processus classique, et serait le produit d'une instabilité du disque protoplanétaire. Une nouveauté !

Les mesures se poursuivent aussi depuis le sol.

Système solaire de d'jeuns

Notre Système Solaire n'en est plus à ses premières orbites, du haut de ses 4,6 milliards d'années. Mais lorsqu'il était jeune, tout était bien plus chaotique. Quelques millions d'années après la formation de son étoile, de premières protoplanètes se forment au sein des disques de matière qui environnent l'astre en fusion…

Un processus fascinant que le télescope Hubble observe depuis le début de sa carrière au sein de plusieurs systèmes de notre coin de la galaxie. Et avec AB Aurigae, l'observatoire orbital est servi. Il l'observe depuis 13 ans ! Cette étoile située à environ 530 années lumières n'est âgée que de 2 à 3 millions d'années, et le disque de matière qui l'entoure, conséquent, commence à peine à refroidir. Une opportunité en or pour l'observation, d'autant qu'il nous fait « face » dans son intégralité.

Disque rayé

En 13 ans, les équipes ont eu le temps de constater qu'à une très grande distance de l'étoile, une exoplanète pouvait se former autrement que dans le schéma classique dit de l'accrétion, où de la matière agglomérée attire de plus en plus d'autres blocs de matière jusqu'à former un embryon solide. C'est ainsi que s'est formée Jupiter, par exemple.

C'est plus clair si vous êtes planétologue, c'est sûr. © NASA, ESA, Thayne Currie (Subaru Telescope, Eureka Scientific Inc.)
C'est plus clair si vous êtes planétologue, c'est sûr. © NASA, ESA, Thayne Currie (Subaru Telescope, Eureka Scientific Inc.)

Mais ce qu'a observé Hubble (et qui a été confirmé indépendamment par un grand nombre d'observations terrestres, en particulier de l'observatoire japonais Subaru) est un phénomène qui jusque là n'avait pas été relevé. Très loin de son étoile, à environ 13,5 milliards de kilomètres, le disque de matière qui l'entoure se serait effondré sur lui-même, ce qui a formé une zone, une « poche » au sein de laquelle est en train de naître une planète géante, neuf fois plus massive que Jupiter. Les scientifiques estiment que c'est à cause de cette énorme distance par rapport à son astre : le disque se serait refroidi plus rapidement que les zones plus proches, précipitant sa fin. Est-ce bien une planète ? C'est justement en l'observant évoluer sur la durée que l'équipe a pu répondre de façon positive.

Prévisions sur le long terme

Deux autres exoplanètes candidates plus petites et pour l'instant non confirmées seraient en formation autour de la même étoile, encore 4 à 6 fois plus loin d'AB Aurigae… On en saura sans doute plus dans les années ou décennies à venir ! En effet, vu les distances en jeu, il faut du temps pour bien constater ce que voient les télescopes, tout comme il en faut pour former définitivement une planète.

En 13 ans, les scientifiques ont vu l'étoile évoluer et ont pu étudier son orbite. Mais c'est aussi un avantage car les grandes unités terrestres équipées de coronographes peuvent masquer la lueur de l'étoile et capter le fameux disque de matière en évolution. Les équipes soulignent, dans leur article scientifique publié dans Nature, la chance que représente Hubble pour ce type de mesures à des intervalles réguliers, et des instruments qui ne changent pas durant des décennies. Jusqu'à ce que les prochains prennent le relais ?

Source : Hubblesite

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (13)

Zimt
On est vraiment que dalle …
Felaz
Et on ne sait pas encore tout…
Gh0st_D0g
Le saura-t-on seulement un jour ?
max_971
Plus on voit loin, plus on voit dans le passé.<br /> Peut-on faire un « zoom » pour voir en accéléré ?
Martin_Penwald
@Max Je ne comprends pas la question.
CallMeLeDuc
ben en fait on le sait déjà dans un multivers de notre futur
Nmut
Vraie question?<br /> La réponse est non: on ne voit qu’un point particulier à une époque particulière dépendant de la distance (temps que mets les ondes à nous parvenir). Zoomer sur le point ne changera rien, le temps continue de s’écouler à la même vitesse pour 2 points fixes l’un par rapport à l’autre (c’est un poil plus compliqué mais c’est le principe).
bennukem
moi je sais , mais juste pas envie de le dire
Vankovic
@Max<br /> Un zoom n’est qu’une fonction optique qui change le « point de vue » en agrandissant une partie de l’image.<br /> Exemple : avec un zoom puissant, si on zoome sur une personne devant un clair de lune, la lune parait immense par rapport à son échelle habituelle. C’est comme regarder un petit objet avec une loupe, ça ne change pas la nature de l’objet.<br /> La vitesse de la lumière est une constante indépendante de la vitesse de déplacement de l’émetteur de cette lumière. Donc aucune technique ne peut s’affranchir de cette limite physique.<br /> La seule solution serait de se diriger vers cette étoile à une vitesse proche de la lumière.<br /> Avec un véhicule qui subirait une accélération constante de 1g, on pourrait atteindre des endroits très éloignés, voir les « limites » de notre Univers le temps d’une vie humaine*.<br /> Par contre sur un point « fixe » considéré comme référence locale s’écoulerait des milliards d’année le temps de cette vie humaine…<br /> *paradoxalement, pour un objet accéléré qui se rapproche de la vitesse de la lumière, le temps du trajet en années n’est pas égal à la distance en A.L à parcourir.<br /> C’est ainsi que des particules comme les neutrinos qui sont des objets relativistes (qui se déplacent à un vitesse proche de la lumière et dont la masse est quasiment nulle), ont de notre point de vue une durée de vie stable infiniment longue.
nicgrover
Pourquoi y a-t-il toujours une carte de visite qui traîne sur les plus belles images…<br /> Trêve de plaisanterie, même si pour la personne ordinaire ce genre d’image ne dit pas grand-chose, pour les scientifiques, assister à la naissance d’une planète doit être une décennie extraordinaire…
JeanV
Il y a le livre « Tau Zero » de Poul Anderson qui illustre très bien cet effet relativiste qui peut être assez déroutant. Le livre date un peu (1970) mais il reste juste, sur le mécanisme.<br /> Sinon, merci @ebottlaender pour tous tes articles sur l’Espace, et j’aurais bien aimé être à ta place, ou à tes côtés au CNES de Toulouse pour voir les satellites/Sondes en construction !! (en référence à un ton article sur la sonde JUICE)
ebottlaender
Je n’y vais pas bien souvent, mais j’espère que je vous ai partagé l’expérience correctement <br /> Merci !
DrGeekill
Je ne saurais dire mieux que Mr Spock : Fascinant
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