L'agence spatiale européenne s'intéresse aux piles au plutonium pour de futures missions

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
02 septembre 2021 à 18h02
8
Curiosity est l'un des exemples les plus réussis d'une mission longue avec un générateur qui fonctionne grâce à une pile au plutonium. © NASA/JPL-Caltech
Curiosity est l'un des exemples les plus réussis d'une mission longue avec un générateur qui fonctionne grâce à une pile au plutonium. © NASA/JPL-Caltech

Dispose-t-on des capacités pour concevoir et opérer des piles chauffantes RTG pour nos futures missions d'exploration spatiale en Europe ? L'ESA a engagé Tractebel (groupe ENGIE) pour évaluer la possibilité de produire du plutonium 238 en quantité suffisante pour les véhicules à venir.

Pas question de s'emballer cependant, c'est un long processus…

2.21 Gigowatts !

Dites, vous ne sauriez pas produire du Plutonium 238 ? De préférence de bonne qualité, et sous une forme finale de palets de hockey que l'on pourrait stocker de façon sécurisée… ? En substance, c'est pour répondre à cette question que l'ESA a engagé Tractebel (groupe ENGIE) et ses partenaires, Orano et le centre de recherche SCK CEN.

La méthode, elle, n'est pas secrète, mais le processus industriel pour obtenir des quantités significatives de Pu 238 est complexe et coûteux à mettre en place. L'idée ici est de bombarder du Neptunium 237 fourni par l'usine de retraitement de la Hague dans un processus dit de « capture neutronique » pour produire du Plutonium 238 (procédé qui prendrait place à la centrale de Mol en Belgique).

Le club des piles radioisotopiques

Seuls les États-Unis, la Russie et la Chine ont aujourd'hui les capacités de production et une chaîne industrielle complète qui leur permet d'envisager des missions spatiales futures avec des piles radioactives RTG. La chaleur du Plutonium 238 y est convertie en électricité, ce qui fournit une source stable et efficace pour des durées longues : il n'y a qu'environ 15 % de perte de rendement en 20 ans avec le Pu 238… Et si un jour de telles piles peuvent être produites avec de l'Americium 241, la fenêtre sera ouverte pour des durées triplées, voire quadruplées.

Yuyu-2 se chauffe au Plutonium, lui aussi. Et ça lui réussit bien... © CLEP/CNSA
Yuyu-2 se chauffe au Plutonium, lui aussi. Et ça lui réussit bien... © CLEP/CNSA

Des options intéressantes pour des missions lointaines, mais aussi pour la (re)conquête lunaire, notre satellite ayant la désagréable habitude d'avoir la majorité de ses régions à l'ombre pour des périodes de deux semaines. La Chine y utilise par ailleurs des RHU (Radioisotope Heater Unit) qui ne génèrent pas d'électricité mais gardent les instruments et ordinateurs de ses véhicules au chaud.

Les affaires sont les affaires

Ce n'est pas la première fois que l'ESA s'intéresse à ces technologies, mais c'est en s'adressant aux industriels – pour disposer d'une réponse concrète et d'un agenda réaliste – que l'agence européenne pourra construire une proposition solide pour des missions qui prendront place d'ici la fin de la décennie, voire le début de la suivante (il est notamment question d'un véhicule lunaire européen). C'est aussi la clé pour obtenir l'aval des états membres lors d'une prochaine session ministérielle… Car un tel sujet, pour placer l'Europe au niveau des USA ou de la Chine, nécessitera un investissement conséquent. Les panneaux solaires sont aussi parfois préférés aux piles RTG à cause de leur coût !

Enfin, sait-on jamais, peut-être l'ESA pourrait-elle s'engager dans une filière très rentable : les États-Unis tentent eux aussi de relancer leur filière depuis plusieurs années, à cause de multiples missions nécessitant cette technologie. Il pourrait y avoir un marché de niche à capter.

Source : Tractebel

Eric Bottlaender

Spécialiste espace

Spécialiste espace

Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

Lire d'autres articles

Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

Lire d'autres articles
Vous êtes un utilisateur de Google Actualités ou de WhatsApp ? Suivez-nous pour ne rien rater de l'actu tech !
google-news

A découvrir en vidéo

Rejoignez la communauté Clubic S'inscrire

Rejoignez la communauté des passionnés de nouvelles technologies. Venez partager votre passion et débattre de l’actualité avec nos membres qui s’entraident et partagent leur expertise quotidiennement.

S'inscrire

Commentaires (8)

nicgrover
C’est vrai que les planètes lointaines font toujours rêver mais on a tendance à oublier l’intendance… Les moyens d’y parvenir et de s’y maintenir.<br /> C’est aussi un bon moyen de recycler les déchets des centrales. «&nbsp;Cependant j’aurais préféré l’Europenium au lieu d’Americium…&nbsp;»<br /> Merci encore pour cet article.
LoloCaumont
Je crois savoir qu’on stocke déjà quelques dizaines de TONNES de plutonium à la Hague (sic)… et c’est même pas le bon ?
ebottlaender
Beh… Non.<br /> Les isotopes ne sont pas toujours nos potes.
cid1
(humour) Et dire qu’ils vont faire ça à MOL en Belgique, ben ouais si ça saute ce ne sera pas grave, c’est quand mème que des petits Belges…
Element_n90
Les US vont bien être obligé de reconstruire une usine vu qu’ils ont acté des sondes se basant sur un RTG pour leur énergie (DragonFly sur Titan). Donc comment pourraient-ils faire autrement ?<br /> Le plutonium 238 n’a qu’un seul débouché, la fabrication de RTG ? Ca risque de faire chère la création de filière.<br /> Il n’y avait pas un projet de réacteur plus puissant du coté de la NASA, le Kilopower Krusty ? C’est peut-être le moment de passer aux réacteurs de génération suivante.<br />
Element_n90
@all<br /> 2.21 Gigowatts !<br /> Qui a compris ??<br />
Anne-Onyman
Ahhh, le futur… J’y retourne!
Micka
Je pense que le Docteur Emmett Brown doit le savoir.
ebottlaender
Les US ont pour l’instant des réserves, et si j’ai bien compris ils ne veulent pas tout reprendre mais «&nbsp;simplement&nbsp;» augmenter la production pour générer suffisamment de nouveaux palets à l’horizon 2030.<br /> Le kilopower par contre n’est plus une pile chauffante ou équivalent, mais un véritable petit réacteur nucléaire, il fonctionne donc à l’uranium 235 principalement.
Voir tous les messages sur le forum
Haut de page

Sur le même sujet