Alors que les ayants droit multiplient les appels à renforcer la lutte contre le piratage en ligne, les fournisseurs d’accès à Internet européens (FAI) dénoncent une dérive inquiétante.

- Les FAI européens, via EuroISPA, critiquent les blocages excessifs de sites pirates, menaçant les services légitimes.
- Des incidents en Italie et Espagne montrent les dangers des blocages mal ciblés, affectant des services légaux.
- En France, le blocage des VPN pour contrer le piratage soulève des questions sur la vie privée et l'efficacité.
Dans une déclaration adressée à la Commission européenne, EuroISPA — la plus grande organisation représentative des FAI sur le vieux continent — alerte sur des mesures de blocage jugées disproportionnées, aux conséquences parfois lourdes pour les internautes et les services légitimes.
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Une lutte sans doute nécessaire… mais pas sans limites
Depuis plusieurs années, le blocage de sites pirates et flux IPTV est devenu un levier clé de la stratégie antipiratage en Europe. Sur décision de justice, les FAI sont régulièrement contraints d’empêcher l’accès à certains sites diffusant illégalement des contenus protégés par le droit d’auteur, notamment dans le domaine du sport et du streaming en direct.
Les intérêts sur ce marché sont si forts que la pression ne cesse de monter, et on se demande parfois quand la cocotte explosera avec un débordement de trop ! Dans une série de recommandations adressées à Bruxelles, de nombreux ayants droit — parmi lesquels la MPA, l’IFPI, beIN Sports, la Premier League ou encore Eurocinema — ont récemment appelé à étendre les pouvoirs de blocage et à renforcer le dispositif KYBC (Know Your Business Customer), afin d’identifier les opérateurs de services illicites.
Pour EuroISPA, cette approche soulève de sérieuses inquiétudes. L’association, qui regroupe plus de 3 300 membres, met en garde contre une logique de « répression tous azimuts » susceptible d’entraver le bon fonctionnement du réseau et de compromettre des services parfaitement licites.
« Nous sommes profondément préoccupés par l'approche adoptée par certains ayants droit européens et certains États membres, qui ont mis en place des mesures de blocage réseau disproportionnées », affirme EuroISPA.
Des cas concrets de surblocage
Hélas, les craintes des FAI ne sont pas théoriques. Plusieurs épisodes récents ont mis en évidence les effets secondaires parfois délétères de la lutte contre le piratage, en particulier lorsqu’elle repose sur des mécanismes de blocage trop larges ou mal ciblés.
Italie : Google Drive et des milliers de sites touchés
Le cas italien illustre l’ampleur du problème. Dans le cadre du programme national “Piracy Shield”, une adresse IP appartenant à Cloudflare a été bloquée, rendant des dizaines de milliers de sites inaccessibles pour les internautes italiens. Plus grave encore, le domaine drive.usercontent.google.com — utilisé par Google Drive — a lui aussi été bloqué par erreur, rendant le service indisponible pendant plus de douze heures.
23 octobre 2024 à 13h49
Selon EuroISPA, ces blocages résultent de signalements émanant de « trusted flaggers » (utilisateurs de confiance), qui ont fourni des informations erronées. L’incident met en lumière les dangers d’un filtrage automatisé ou précipité, sans vérification suffisante.
Espagne : LaLiga et les CDN pris pour cible
En Espagne, un autre épisode a mis en cause la ligue de football LaLiga, qui a obtenu en justice le blocage d’infrastructures CDN (Content Delivery Network) hébergées notamment par Cloudflare. Or, ces serveurs étaient partagés par des services tout à fait légitimes, lesquels n’ont reçu aucun avertissement préalable.
10 avril 2025 à 19h53
EuroISPA accuse la ligue d’avoir dissimulé à la justice les risques de dommages collatéraux, mettant ainsi en péril la neutralité du Net et le droit à l’information. Plusieurs sites ont subi des pannes sans être impliqués dans la diffusion de contenus pirates.
« Cette approche brutale démontre une méconnaissance du fonctionnement d’Internet et viole les principes fondamentaux de neutralité du réseau », déplore l’organisation.
Le cas Français inquiète
La France n’échappe pas à cette tendance à l’élargissement des mesures de blocage. Dans une décision inédite rendue en mai 2025, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné le blocage de plusieurs sites pirates directement au niveau des fournisseurs de VPN. L'objectif : contourner les protections offertes par ces services qui permettent souvent aux internautes d’accéder aux sites illégaux malgré les blocages traditionnels opérés par les FAI.
15 mai 2025 à 19h21
Cette décision marque un tournant dans la stratégie antipiratage française, en étendant la responsabilité au-delà des FAI classiques. Elle soulève toutefois de nombreuses interrogations techniques et juridiques, notamment sur la capacité des VPN à se conformer à ces obligations, sur la protection de la vie privée de leurs utilisateurs, et sur les risques de blocages excessifs ou mal ciblés.
Des délais intenables et des mesures à risque
Parmi les autres points soulevés par l'organisation, les délais d’exécution des blocages, parfois réduits à 30 minutes, laissent peu de marge aux petits FAI pour vérifier la légitimité des demandes. EuroISPA reconnaît que le blocage peut être un outil efficace, à condition que celui-ci soit encadré et adapté aux réalités techniques du terrain, avec des garanties juridiques suffisantes pour éviter les abus.
L'association rejette toute extension des obligations de blocage, notamment vers les fournisseurs DNS ou VPN, ou à travers un élargissement du principe KYBC. Ces évolutions, selon elle, pourraient fragiliser l’infrastructure du Web et exposer les intermédiaires à des responsabilités excessives.
À l’heure où la lutte contre le piratage s’intensifie, les FAI tire la sonnette d'alarme ! Reste désormais à la Commission européenne de trancher, entre contrôle renforcé et préservation de l’Internet ouvert.
Source : Torrent Freak