Ils pensaient passer entre les mailles du filet. Invisibles, anonymes, nombreux, les abonnés aux services IPTV illégaux n’ont jamais été véritablement inquiétés par la justice française.

- La France renforce sa lutte contre l'IPTV illégale, visant à punir fournisseurs et possiblement abonnés avec des sanctions accrues.
- Une proposition de loi pourrait autoriser l'Arcom à bloquer les plateformes de streaming illégales en temps réel.
- La traçabilité des utilisateurs gagne en faisabilité ; l'impunité actuelle dépend d'un choix politique susceptible d'évoluer.
En Europe, les temps changent pour les amateurs d’IPTV illégale. Là où l’utilisateur final bénéficiait encore récemment d’une certaine impunité, les autorités affûtent désormais leurs outils pour remonter la chaîne jusqu’à lui. En Grèce comme en Italie ou en Espagne, les signaux d’un durcissement à venir se multiplient. La tolérance pourrait bien toucher à sa fin, même en France.
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Le flou juridique qui protégeait (encore) les utilisateurs
Depuis plusieurs années, la France a axé sa lutte contre l’IPTV pirate sur les fournisseurs, notamment les panels (des grossistes) ainsi que les revendeurs. L’utilisateur final, quant à lui, reste très rarement poursuivi, bien que l’usage d’un abonnement IPTV illégal puisse être qualifié de recel de contrefaçon. En théorie, le fait d’accéder sciemment à des flux diffusés sans autorisation constitue une infraction, rarement sanctionnée en pratique, même si l’utilisateur ne participe pas à la distribution du service.
Si les abonnés identifiés sont rarement poursuivis, cela ne signifie pas qu’ils sont inconnus des autorités. L’Arcom a considérablement renforcé ses capacités d’investigation depuis 2022. Avec son “commando anti-piratage” et de nouveaux partenariats techniques, elle peut aujourd’hui bloquer des flux en temps réel, collecter des adresses IP connectées à des panels, et détecter les applications IPTV détournées via des boîtiers ou téléviseurs connectés. Cependant, toute identification nominative d’un utilisateur nécessite obligatoirement une décision judiciaire et la coopération d’un fournisseur d’accès à Internet. Pour l’instant, cette puissance reste préventive et dissuasive, mais elle existe, et elle évolue.
Une pression politique et économique qui change la donne
Le changement viendra sans aucun doute d'en haut. D’un côté, l’Arcom demande depuis 2023 de nouveaux pouvoirs pour bloquer plus vite, plus fort, plus haut dans la chaîne. De l’autre, les ayants droit — notamment dans le sport — multiplient les appels au secours.
L’élément déclencheur ? Le rapport sénatorial publié en novembre 2024, qui qualifie le piratage du football français de "menace existentielle" pour son économie. La Ligue 1, particulièrement ciblée, aurait perdu près de 130 millions d’euros en 2023 à cause des flux illégaux à en croire les ayants droit. Le recours massif à l'IPTV, via Telegram, Kodi, ou des boîtiers Android "jailbreakés", y est présenté comme un fléau national. Des acteurs comme l’Alliance for Creativity and Entertainment (ACE) ou l’EUIPO mènent également des actions à l’échelle européenne pour démanteler les réseaux.
La riposte législative : un "délit de piratage" en ligne de mire
C’est dans ce contexte qu’est née l’idée d’un nouveau délit spécifique, clairement énoncé dans les recommandations du Sénat : créer un délit de piratage audiovisuel, qui s’appliquerait en priorité aux diffuseurs illégaux de contenus sportifs, mais qui, à terme, pourrait bien faire évoluer la lecture judiciaire du rôle de l'utilisateur.
Même si le texte, tel qu’il est proposé aujourd’hui, n’englobe pas encore les consommateurs finaux, il pose les bases d’une évolution juridique majeure : reconnaître le piratage d’événements sportifs comme un délit autonome, au même titre que la contrefaçon d’œuvre culturelle.*
Si ce glissement est acté, il ouvrira la porte à un élargissement futur de la responsabilité, notamment dans les cas de consommation répétée ou de complicité (ex. : abonnement partagé, redistribution à des tiers, usage dans un cadre professionnel, etc.). En outre, ce projet s’inscrit dans une logique plus large : blocus DNS étendus, blocages en cascade, et pression croissante sur les services intermédiaires (Cloudflare, Google, fournisseurs de VPN ou DNS alternatifs). La France, à l’image du “Piracy Shield” italien, veut pouvoir neutraliser rapidement toute infrastructure pirate, et identifier les utilisateurs qui s’y connectent.
Une future loi pour donner les pleins pouvoirs à l’Arcom
Et ce n’est pas tout. Le 18 mars 2025, une proposition de loi a été déposée au Sénat avec pour objectif de muscler significativement la lutte contre le piratage audiovisuel, en particulier dans le domaine du sport professionnel.
Au cœur du texte : la possibilité pour l’Arcom d’imposer des blocages de sites illégaux à la fois préventifs et en temps réel, à condition qu’une ordonnance judiciaire l’y autorise. L’idée est de neutraliser les plateformes pirates avant même la diffusion des événements sportifs, plutôt que d’intervenir après coup.
Le texte prévoit également un alourdissement notable des sanctions :
- Trois ans de prison et 300 000 € d’amende pour ceux qui mettent à disposition une plateforme illégale,
- Jusqu’à 7 ans d’emprisonnement et 750 000 € d’amende en cas de récidive en bande organisée,
- Et même un an de prison et 15 000 € d’amende pour ceux qui font la promotion de ces services via les réseaux sociaux, la publicité ou l’affiliation.
Si elle est adoptée, cette loi élargira considérablement le périmètre d’action de l’Arcom, lui permettant d’agir plus rapidement, plus haut dans la chaîne, et de s’attaquer aussi aux relais de visibilité des services pirates. C’est un changement de paradigme : le blocage devient proactif, l’intimidation plus large, et la riposte désormais prête à viser toutes les strates de l’écosystème illégal.
Vers la fin de l’illusion d’anonymat
Jusqu’ici, l’illusion d'anynomat restait ancrée dans les habitudes des consommateurs. Un pseudo, un VPN, un paiement discret. Mais l’Arcom, épaulée par ses nouveaux outils techniques, pourrait à l'avenir remonter une chaîne complète : du panel à l’adresse IP, du revendeur au client. Et les fournisseurs d’accès à Internet, sollicités par voie judiciaire, n’auraient d’autre choix que de coopérer.
L’idée d’une traçabilité de masse est désormais tangible. Certes, les abonnés ne sont pas (encore) poursuivis en France, mais ils sont potentiellement identifiés. L’impunité ne tient plus qu’à un choix politique… qui pourrait basculer si le cadre législatif s’y prête.
Un virage européen… que la France s’apprête à prendre
Si la France ne sanctionne pas encore massivement les utilisateurs de flux IPTV illégaux, il ne s'agit pas là d'une question technique. C’est une question de volonté politique et juridique. Et tout indique que ce basculement pourrait avoir lieu à l'avenir.
Entre les propositions de loi, la pression des ayants droit, les déclarations de la LFP et les outils de plus en plus sophistiqués de l’Arcom, la fin de l’impunité des abonnés est moins une hypothèse qu’un horizon probable.