Volte face de la France qui rejette la directive UE en faveur des chauffeurs Uber et autres livreurs Deliveroo

26 décembre 2023 à 12h21
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Les plateformes comme Uber s'appuient fortement sur le travail des indépendants, dont la situation est très souvent précaire © Diego Thomazini / Shutterstock
Les plateformes comme Uber s'appuient fortement sur le travail des indépendants, dont la situation est très souvent précaire © Diego Thomazini / Shutterstock

Les livreurs et les chauffeurs de VTC devront encore patienter avant d'obtenir un meilleur statut, et il faudra surtout convaincre les ministres de plusieurs pays, dont la France et l'Allemagne.

L'Union européenne ne cesse de prendre des mesures pour réguler les entreprises de la tech. Parmi ses cibles actuelles, on trouve des sociétés comme Uber et Deliveroo, qui ont massivement recours à des travailleurs indépendants. En effet, ces derniers ne bénéficient pas du statut de salarié auprès de ces plateformes, alors que le travail qu'ils effectuent pourrait tout à fait le justifier, selon certains.

Cependant, après deux ans de discussions, les responsables politiques européens ne sont toujours pas parvenus à se mettre d'accord sur une réglementation. Ce qui n'est pas le meilleur des signaux pour les livreurs et les VTC.

La révolte des ministres du Travail

Le 12 décembre, les différentes institutions de l'UE ont fait un pas en avant concernant une directive visant à renforcer les droits des millions de livreurs et de chauffeurs travaillant pour des entreprises telles qu'Uber. Le projet doit permettre à près de 28 millions de personnes d'obtenir, si elles le souhaitent, un statut proche de celui des salariés, en répondant aux critères fixés par deux indicateurs. Définis par l'exécutif européen, ceux-ci sont actuellement au nombre de cinq et doivent aider à présumer qu'un travailleur est sous la subordination d'une plateforme.

Or, vendredi dernier, le Conseil de l'Union européenne a fait volte-face. Réunissant les ministres du Travail des 27 États membres, il a décidé de ne pas se prononcer sur la directive. Une dizaine de gouvernements (France, Italie, Hongrie…) avaient, en effet, fait connaître leur désaccord, et l'Allemagne envisageait même de s'abstenir. Or, pour être validé, un tel projet doit obtenir une majorité qualifiée de 55 % des pays de l'UE, qui doivent représenter 65 % de sa population. L'issue du vote étant très claire, il n'a pas eu lieu.

Alors, pourquoi cette réglementation ne convainc-t-elle pas certains ? Le ministre français du Travail, Olivier Dussopt, a été interrogé par le Sénat : « cette directive est très différente du projet du Conseil adopté le 12 juin dernier », explique-t-il. « Quand vous passez de trois critères sur sept à deux critères sur cinq, quand vous allez vers une directive qui permettrait des requalifications massives, y compris de travailleurs qui tiennent à leur statut d’indépendants, nous ne pouvons pas la soutenir. »

Les sacs Uber Eats seront-ils encore synonymes de précarité dans les mois à venir ? © Michael Derrer Fuchs / Shutterstock
Les sacs Uber Eats seront-ils encore synonymes de précarité dans les mois à venir ? © Michael Derrer Fuchs / Shutterstock

Un blocage qui arrive au mauvais moment ?

Cette décision ne plaît pas à tout le monde, tant à l'opposition qu'aux travailleurs. « Notre gouvernement et les lobbies ont soutenu Uber et compagnie, et fait pression pour que l’accord ne passe pas », soutient Leïla Chaibi, eurodéputée du groupe de la gauche au Parlement européen. Alors que la Belgique, moins favorable au projet que l'Espagne, prend la présidence tournante de l'UE, et que les élections européennes approchent, l'élue française craint qu'une version moins contraignante finisse par être acceptée. Selon elle, cela serait contre-productif pour les travailleurs.

De leur côté, ceux-ci n'ont pas l'intention de céder. « En janvier, nous organiserons des manifestations à l’échelle européenne », annonce Brahim Ben Ali, secrétaire général du collectif INV VTC. « Je vais solliciter un rendez-vous avec le ministre du Travail allemand, qui peut avoir un rôle décisif, et le ministre belge ». De toute évidence, l'augmentation du salaire minimum promise par Uber France n'a pas réussi à apaiser la gronde, qui a déjà provoqué des manifestations dès le week-end dernier.

Source : Le Monde

Maxence Glineur

Geek hyper connecté et féru de podcasts, je suis toujours en train de lire ou écouter des points infos en tout genre. Entre histoire, tech, politique, musique, jeux-video et vulgarisation scientifique...

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Commentaires (9)

Pernel
Soutien aux chauffeurs.
Kahn-San
Le gouvernement préfère défendre les intérêts des grosses boites qui ne paient pas d’impôts en France que les travailleurs précaires …
Proutie66
Macron et Uber faut dire…<br /> Le Monde.fr – 10 Jul 22<br /> «&nbsp;Uber Files&nbsp;»&nbsp;: révélations sur le deal secret entre Uber et...<br /> Des documents internes à l’entreprise, analysés par «&nbsp;Le Monde&nbsp;», montrent comment, entre 2014 et 2016, le ministre de l’économie a œuvré en coulisse pour la société de VTC, qui tentait d’imposer une dérégulation du marché et affrontait...<br />
alabifr
Accepter cette directive, c’est encourager encore plus l 'exploitation des travailleurs et enrichir encore et toujours les multinationales. Bonne décision que de s’y opposer,;contrairement aux apparences, ça serait une régression dans le droit des travailleurs.
alabifr
Tu crois qu’ils s’enrichiraient moins ? Ça fera un appel d’air sur le nombre de personnes travaillant de cette manière, donc les exploiteurs comme uber n’en seront qu’avantagés et grossiront encore plus. Bien facile d’être officiellement contre et penser le contraire, tout en contournant les lois
MattS32
alabifr:<br /> ça serait une régression dans le droit des travailleurs.<br /> Donc refuser de donner aux employés d’Uber et Deliveroo les mêmes droits qu’aux salariés, ça serait une régression des droits des travailleurs ? Qu’est ce qui régresserait dans l’affaire ?<br /> alabifr:<br /> donc les exploiteurs comme uber n’en seront qu’avantagés et grossiront encore plus<br /> Justement, si ça devient des salariés, ça devient du salariat, et plus de l’«&nbsp;exploitation&nbsp;», puisqu’ils auront obligation de respecter les minimas de rémunération des salariés (qui ne sont pas du tout respectés actuellement), de leur payer la couverture sociale qui va avec le salariat (et qu’il n’ont pas actuellement), deviendront responsables des accidents (ce qu’ils ne sont pas actuellement), ne pourront plus s’en laver les mains quand des sans papier travaillent pour eux, etc…
Jeremy_Other
Ne vous inquiètez pas, on a pédalé jusqu’à Bruxelles début novembre, en mettant la pression aux députés du parlement, spoiler : On recommencera. Ça fait des années qu’on se bat et on ne lâchera rien. Pour tous les collègues qui sont morts, et pour tout le reste.
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