Une nouvelle panne de Hubble ? La NASA hésite à aller sauver l'ancienne star des télescopes

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
05 décembre 2023 à 19h17
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Le télescope Hubble vu depuis une navette en 2009. © NASA
Le télescope Hubble vu depuis une navette en 2009. © NASA

Le débat autour d'une potentielle mission de service sur le télescope spatial Hubble, en orbite terrestre, a repris de plus belle après une nouvelle panne. L'un des gyroscopes qui servent à orienter l'iconique véhicule est en panne, et les observations scientifiques sont actuellement à l'arrêt. Les choix sont limités.

Le 19 novembre, le télescope Hubble a souffert d'un nouveau problème au niveau de l'un de ses stabilisateurs gyroscopiques. Il s'est logiquement mis dans un mode de sécurité, ce qui stoppe les observations scientifiques, protège ses instruments et contacte les stations au sol pour faire un bilan et obtenir des instructions pour poursuivre ses opérations. Dans les jours qui ont suivi, l'équipe de la NASA en charge du télescope en orbite basse autour de la Terre a tenté de remettre le système gyroscopique en ligne, mais sans succès. S'il reste en panne (il y a encore des solutions logicielles à explorer), ce sera le troisième sur six à subir un arrêt depuis le remplacement de ces pièces lors de la dernière visite d'une navette au vénérable Hubble en 2009… Il peut fonctionner de manière dégradée avec deux, et même un seul gyroscope, mais c'est loin d'être idéal.

Le doyen regarde toujours l'Univers

De façon générale, il y a chaque année entre 2 et 3 pannes avec Hubble, ce qui n'est pas étonnant pour un véhicule spatial qui a fêté ses 34 ans ! Et comme toujours, le débat sur une potentielle mission de service surgit, avec de bons arguments de part et d'autre. L'agence américaine est confrontée à deux problèmes sur le sujet. Le premier, c'est son budget : même si elle est la plus riche du monde, la NASA n'a pas les moyens de financer de mission particulière pour s'occuper de Hubble. Pire, il y a même eu des débats politiques cet automne pour réduire le budget alloué au télescope en 2024. C'est le deuxième souci, techniquement Hubble « devait » être inopérable depuis déjà longtemps, mais il a si peu d'équivalents qu'il est préférable de poursuivre les mesures. La NASA, elle, a investi massivement et opère désormais le télescope James Webb, tandis que dans ses salles blanches, le futur télescope Nancy Grace Roman (NGR) est bientôt complet. Même la Chine lance Xuntian, son Hubble, l'an prochain.

Si c'est gratuit, Hubble est le produit.

Ceci étant, face aux innombrables commentaires chaque année pour sauver Hubble ou le ramener sur Terre, la NASA avait accepté l'an dernier de recevoir des propositions pour différents types de missions de service, pour autant que les constructeurs et opérateurs puissent en assumer eux-mêmes les coûts.

Le milliardaire Jared Isaacman, qui travaille main dans la main avec SpaceX pour son petit programme spatial privé Polaris, avait publiquement déposé une proposition. Malgré tout, le contenu n'en a jamais été révélé, que ce soit par la NASA ou par SpaceX. L'agence américaine aurait finalement reçu huit propositions. Et les débats font rage comme Hubble est en panne, sur les possibilités de missions pour s'en occuper.

L'une des dernières images publiées de la part du télescope Hubble. De ce point de vue là, difficile de ne pas vouloir le sauver ! © NASA/ESA/HST/Kilpatrick
L'une des dernières images publiées de la part du télescope Hubble. De ce point de vue là, difficile de ne pas vouloir le sauver ! © NASA/ESA/HST/Kilpatrick

Il n'y a pas profusion de solutions

En réalité côté SpaceX, les options disponibles sont très limitées, en dehors de l'utilisation d'un Starship (qui pourrait « gober » Hubble). Un cargo Dragon ou une capsule Crew Dragon pourraient s'amarrer à Hubble grâce à quelques modifications, mais ensuite ? En dehors de rehausser son orbite, ce serait très complexe : le système d'amarrage empêcherait des astronautes de sortir, il faudrait un bras robotisé pour sortir les pièces du « coffre » externe de la capsule, etc.

De la même façon pour d'autres opérateurs, sauf à développer des moyens techniques qui n'existent pas aujourd'hui (ou à les adapter, ce qui coûterait des centaines de millions), il y aurait peu d'options pour remplacer par exemple les gyroscopes. Ou changer un instrument. Peut-être, en envoyant un véhicule assurant lui-même l'orientation de Hubble ? Encore faudrait-il le synchroniser avec les demandes d'observation… Reste l'option la plus probable : malgré l'indignation publique que cela va représenter, Hubble pourrait bien terminer sa carrière lorsque surviendra la panne de trop.

Source : SpaceNews

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (10)

ayaredone
Toute chose a une fin et il a eu une belle carrière. La relève est là, autant investir dans le futur ?
Gloumouf
C’est triste, mais est ce qu’il apporte quelque chose maintenant que Webb fonctionne à merveille? Certes il ne capte pas la même longueur d’onde mais la lumière visible est bien moins utile que les IR en astronomie.
AtomosF
Ils peuvent toujours ressortir la navette du musée.
Korgen
A supposer qu’on dépense des millions pour remettre la navette en état, encore faut-il disposer d’un lanceur.
xryl
Il faut voir les solutions comme un investissement, et dans ce cas, y voir si ça fait sens:<br /> Réparer Hubble<br /> Actuellement, soit il faudrait fabriquer un robot capable de le faire, soit envoyer un humain (et donc avoir une combinaison + un véhicule spatial capable de manœuvrer autour du satellite et le former). La première idée peut être très intéressante à l’avenir et il y a pas mal de monde qui développe ce genre de solution. Par contre, on est encore très loin de la dextérité nécessaire pour les réparations, qui impliquent de démonter une grosse partie du satellite, changer les pièces internes et le remonter, sans toucher à l’optique ni quoi que ce soit de vital.<br /> La deuxième idée est actuellement celle qui est la plus sexy, les combinaisons spatiales extravéhiculaire des années 2000 étant trop grosse et lourde / peu maniable pour ce genre de travail. Mais le développement de telles combinaisons coûte tellement cher. De plus, c’est un travail de fourmi que d’avoir à démonter un tel engin pour remplacer les gyros.<br /> Redescendre Hubble et le remonter<br /> Puisqu’il est compliquer de réparer Hubble in situ, il est envisagé de le désorbiter, le réparer sur Terre et le remettre en orbite. Autant pour les 2 dernières étapes, on sait à peu près faire, autant le désorbiter sans le détruire, c’est actuellement très difficile. C’est là où le Starship pourrait être très utile, Hubble entrant dans la soute, il pourrait franchir l’atmosphère sans être détruit. Mais le Starship, c’est pour l’instant trop tôt. Je pense que c’est l’opération la plus probable.<br /> Le laisser crever<br /> Après tout, tous les gyros utilisés pour l’orientation des satellites ont un moment cinétique limité qui s’épuise à terme à chaque utilisation. Là on arrive à bout, il est possible de le laisser mourir. Il est hors de question de le désorbiter (il n’a pas assez de matière pour le ralentir suffisamment). Ce qui est dommage, car, même si le JWST est plus perfomant, le temps d’accès au Webb est hyper demandé, Hubble peut encore remplir beaucoup de tâches utiles.
chabgyver
Ca serait bien de le ramener sur Terre, Hubble est mythique, il mérite de finir mieux que n’importe quel satellite, sa place est dans un musée.
Shooot
Il est en orbite basse terrestre, à une altitude de 547 km, c’est jouable (réparable).<br /> Alors que le James Webb est à 1,5 million de km de la Terre (au point de Lagrange L2), faut pas qu’il tombe en panne, il est déjà endommagé par les micrométéorites.<br /> JW aura une durée de vie bien plus courte donc faut réparer Hubble
cid1
Triste, il n’y a plus de mission possible en navette spatiale pour le réparer, à moins d’en sortir une du musée et de payer ce que ça couterait en $ et en sueur, sang…
Korgen
Comme je disais plus tôt, ce n’est pas faisable. Une navette sans lanceur c’est une brique qui reste à terre, or il n’y a plus un seul lanceur adapté pour les navettes spatiales.
LeChien
Ça en est où ce concept de fronde/centrifugeuse lanceur ?<br /> Parce que pour lancer un module inhabité qui va aller faire son petit job comme un grand en orbite pas trop lointaine, il me semble que c’était justement la «&nbsp;cible&nbsp;».
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