Ariane 6 ne vole toujours pas mais les Européens préparent déjà ses évolutions

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
31 octobre 2023 à 20h05
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Ariane 6, la belle de nuit ! Photo prise lors des derniers essais réussis, en octobre © ESA/CNES/Arianegroup/CSG/S.Martin
Ariane 6, la belle de nuit ! Photo prise lors des derniers essais réussis, en octobre © ESA/CNES/Arianegroup/CSG/S.Martin


Les essais se poursuivent, en particulier au
Centre Spatial Guyanais, mais de nombreuses équipes peaufinent les équipements de demain. Au menu ? L'étage supérieur Phoebus et ses gains de performances, le futur moteur réutilisable Prometheus qui passe de nouvelles étapes, et Arianegroup, qui prépare Susie.

Le secteur des lanceurs européens traverse une crise, et les vagues ne se calmeront que lorsque les fusées pourront de nouveau voler régulièrement, avec l'efficacité qui fut celle du continent durant quatre décennies. Mais au-delà du feuilleton autour de la saga Ariane et de sa sulfureuse cousine Vega, les travaux de développement se poursuivent en coulisses. Pour Ariane 6, cela va se traduire en plusieurs vagues d'évolutions, qui vont améliorer ses performances sans nécessairement augmenter les coûts.

Du concret avec Phoebus

Il y a l'introduction attendue de nouveaux boosters auxiliaires à poudre plus grands (les P160)… mais aussi l'étage supérieur Phoebus, actuellement en développement via une équipe commune de l'ESA, ArianeGroup et MT Aerospace. Cet étage de fusée, qui remplacera à partir de 2026-2028 l'actuel deuxième étage d'Ariane 6, dispose de réservoirs et d'une structure spécifique en fibre de carbone, ce qui le rendra plus léger et présage de bien meilleures performances (on évoque un gain supérieur à une tonne de charge utile) !

Reste que Phoebus est un projet expérimental, il faut donc une longue séquence de tests. Bonne nouvelle, ces derniers peuvent commencer, car un premier réservoir prototype de deux mètres de diamètre est prêt pour une campagne d'essais étendue. Les équipes sont particulièrement attentives à leur résistance en conditions cryotechniques, pour qu'ils puissent accueillir de l'hydrogène liquide (la plupart des alliages de fibre de carbone « classiques » ont des problèmes face au froid extrême). Il s'agit d'un domaine innovant, un seul autre lanceur de l'envergure d'Ariane 6 envisageant des réservoirs en carbone est lui aussi en cours de développement. Il s’agit du Neutron de Rocket Lab.

Le réservoir de test en composite carbone pour Phoebus. Plus complexe qu'un « simple » container... © ESA
Le réservoir de test en composite carbone pour Phoebus. Plus complexe qu'un « simple » container... © ESA

Du réutilisable avec Prometheus

Un autre terrain que les Européens souhaitent ardemment explorer, c'est celui de la réutilisation des étages principaux. Pour cela on le sait, l'ESA s'est engagée sur plusieurs programmes dont l'élément central est toutefois le moteur méthane-oxygène liquide Prometheus. Ce dernier a été allumé pour la première fois il y a quelques mois (le 22 juin), mais c'est en octobre qu'il a réussi son test le plus prometteur pour l'instant, un allumage suivi par 30 secondes de poussée, avant une extinction prévue et un ré-allumage ! Des progrès qui paraissent discrets, mais tout est à faire en Europe sur le sujet. Les équipes d'Arianegroup affirment préparer en parallèle le démonstrateur Thémis en vue de ses premiers « sauts » avec un moteur Prometheus prévus à partir de l'année prochaine à Kiruna, en Suède. Malgré tout, aucune date n'est annoncée pour ce programme déjà très en retard. Il s'agit de préparer le futur à moyen ou long terme…

Du progrès avec Susie ?

Arianegroup a également choisi de montrer ses progrès avec le programme Susie (
Smart Upper Stage for Innovative Exploration), dévoilé l'année dernière et qui reste à ce jour un concept, encore non financé par les instances européennes. Susie, qui est à la fois un deuxième étage de lanceur réutilisable, une option pour une capsule habitée ou cargo et une navette autonome, sera (si le projet se concrétise) capable de se poser seul à la verticale et sans parachute. C'est cet aspect en particulier que les équipes ont choisi de tester en élaborant une maquette chargée de valider les modèles, et notamment les surfaces de contrôle de vol atmosphérique.

Une manière aussi de préparer le terrain, à quelques jours des réunions ministérielles de l'ESA, en montrant que le projet Susie se base sur du concret et non sur quelques diapositives Powerpoint. Cela suffira-t-il à convaincre les États dans un contexte tendu ? Rien n'est moins sûr. Mais les différentes instances, ESA en tête, ont raison de poursuivre le développement, on sait déjà qu'Ariane 6 va pouvoir évoluer et améliorer ses éléments majeurs plus simplement qu'avec la génération précédente. Si seulement elle pouvait voler…

Source : ESA

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (1)

MHC
Des projets en retard, qui patinent, qui pour certains ne tiennent qu’à laborieusement rattraper notre retard sur SpaceX avec des calendriers à rallonge et des dates de lancement où SpaceX encore pris encore plus d’avance.<br /> Le même constat est à déplorer pour le nucléaire avec nos EPR qui ont mis tant de temps à être livrés (12 ans de retard) et dans d’autres domaines pourtant stratégiques.<br /> Les secteurs de recherche publics ou semi-publics s’avèrent malheureusement bien moins efficaces que leurs homologues du secteur privé. Il faudra en tirer des conclusions et agir vite pour revenir durablement dans la course à l’innovation.
tinou7789
Pour le nucléaire je préfère notre façon de faire plutôt que les concurrents qui augmentent les seuils de tolérance pour s’adapter aux problèmes plutôt que l’inverse.
MHC
Sur le nucléaire, on est en retard sur les technologies d’avenir que sont les SMR, les centrales au thorium (la première centrale de ce type fonctionne en Chine), les réacteurs de 4ème génération sur lesquels ont était pourtant en avance dans les années 90, la fusion nucléaire (ITER patine et à l’international, on sent bien que les grandes puissances font désormais cavaliers seuls et ne comptent plus vraiment sur ITER…)…
tinou7789
Pas vraiment un retard des EPR sont lancés en Chine avec la participation d’EDF. On a choisit une techno différente. Le smr chinois est un prototype.
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