Renaud DUTREIL, ministre de la Fonction publique, veut placer les TIC au cœur de la réforme de l'Eta

27 septembre 2004 à 00h00
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Renaud DUTREIL : "Les technologies de l'information sont un des leviers du contrat gagnant-gagnant-gagnant entre citoyens, fonctionnaires et contribuables."

AB - Renaud DUTREIL bonjour. On vous associe à la famille libérale au sein de l'UMP. En vous nommant ministre de la Fonction publique, le Premier ministre n'a-t-il pas fait entrer le loup dans la bergerie ?

RD - Bonjour. On assimile trop vite le libéralisme à une confiance aveugle dans la "main invisible" du marché. Je suis partisan du pilotage politique, du volontarisme, de la réforme.

Je crois qu'une société livrée à elle-même crée le désordre et l'injustice et que notre rôle, à nous politiques, est de permettre aux individus de s'exprimer librement, dans une société attentive aux autres.

La Fonction publique souffre de beaucoup d'injustices et de pesanteurs qui ne font pas le bonheur des fonctionnaires. Mon rôle est de leur donner des perspectives et de moderniser leur environnement.

AB - Les technologies de l'information sont à l'origine de gains de productivité dans les entreprises depuis 20 ans. Est-il possible de reproduire cette logique dans le service public ?

RD - Pour moi, la réforme de l'Etat est un contrat gagnant-gagnant-gagnant passé entre les citoyens, les fonctionnaires et les contribuables.

Pour les citoyens, je souhaite un service public de meilleure qualité, plus accessible, plus proche de leurs attentes.

Pour les fonctionnaires, je souhaite des conditions de travail plus modernes, plus humaines et un travail plus motivant et enrichissant.

Enfin, pour les contribuables, qui sont il faut le rappeler ceux qui règlent la facture du service public, je souhaite qu'ils aient le sentiment que leur impôt est utilisé à bon escient et que ce qu'ils paient en trop leur soit restitué sous forme de réduction d'impôt.

Les technologies de l'information, par les gains de productivité qu'elles apportent au fonctionnement de l'Etat, sont l'un des leviers de ce contrat gagnant-gagnant-gagnant entre les citoyens, les fonctionnaires et les contribuables.

Sachez qu'aujourd'hui, alors que les gains de productivité dans le secteur privé sont de plus de 2% par an, les gains de productivité dans le secteur public ne sont que de 0,5%. Il faut augmenter ce chiffre afin de donner plus de marge de manœuvre à la réalisation de notre contrat entre les citoyens, les fonctionnaires et les contribuables.

AB - Comment les fonctionnaires accueillent le programme ADELE ? Peut-on parler de continuité avec l'action de Michel SAPIN et celle du gouvernement de Lionel JOSPIN ?

RD - Les fonctionnaires attendent qu'on améliore leurs conditions de travail ainsi que le contenu de leur travail. La dématérialisation d'un certain nombre de tâches permet aujourd'hui aux fonctionnaires de se consacrer à une activité à plus forte valeur ajoutée. Ils sont très demandeurs d'une telle évolution.

Par exemple, plus de la moitié des feuilles de maladie sont désormais traitées informatiquement. Le délai moyen de traitement est passé de 2 mois à quelques jours et les agents pourront se consacrer à des tâches moins répétitives.

Aujourd'hui, nous n'en sommes plus à la gesticulation politique ou à la description d'un avenir imaginaire comme nos prédécesseurs ont pu le faire : nous sommes dans le concret, avec un service public qui se réforme et s'améliore au quotidien.

AB - L'Etat est en train de déployer des centres d'appels au service de ses citoyens, notamment le "3939". Pour faire des économies, seriez-vous prêt à élargir le choix des prestataires privés ?

RD - J'ai souhaité mettre en place un numéro de téléphone unique, le 3939, permettant à tout usager d'obtenir en moins de trois minutes une réponse ou une orientation à une demande de renseignement administratif.

Etant donné le succès des expérimentations de ce numéro en Aquitaine et en Rhône-Alpes, le 3939 sera généralisé à l'ensemble du territoire dès le mois d'octobre de cette année.

Les renseignements fournis par le 3939 sont de qualité et je vois mal un "call center" implanté à l'étranger apporter un niveau de service suffisant par rapport à ce que souhaitent nos concitoyens. Faire des économies n'a de sens que si le service rendu à nos concitoyens n'est pas détérioré.

AB - Plus d'un tiers des fonctionnaires en France vont partir à la retraite ces prochaines années. L'Etat mène-t-il une politique de "knowledge management" pour conserver et diffuser leurs connaissances ?

RD - En effet, les effectifs de la fonction publique vont connaître dans les prochaines années un renouvellement sans précédent. Dans ce contexte, la continuité dans le traitement des dossiers et la transmission des connaissances acquises par les agents au cours de leur vie professionnelle sont des enjeux essentiels.

D'ores et déjà, des formations existent et sont suivies par les fonctionnaires sur la gestion des connaissances, le "knowledge management".

Mais il faut aller plus loin ! Je crois notamment qu'il est fondamental de renforcer la place, dans la formation initiale et continue des agents publics, du tutorat par des fonctionnaires plus expérimentés qui assureront ainsi une transmission des savoirs et des compétences. Il faut aussi, en parallèle, développer l'usage des outils informatiques de "knowledge management" dans nos administrations.

Certains pays étrangers sont très en avance sur nous sur tous ces sujets. Nous devons nous inspirer des bonnes pratiques qu'ils ont développées. Je pense en particulier à nos amis du Québec avec lesquels nous entretenons une coopération étroite.

AB - La France compte quelques champions du progiciel : Business Objects, Cegid, Dassault Systèmes, etc. Par ailleurs, plusieurs sociétés, en particulier dans le logiciel libre, font preuve de dynamisme. Ne pensez-vous pas que l'informatisation de l'administration française puisse être l'occasion de contribuer à leur développement ?

RD - Nos entreprises luttent sur un marché mondial où seules les entreprises les plus performantes peuvent se développer. Les champions du logiciel que vous citez n'ont pas attendu l'informatisation de l'Etat français pour se développer en France et même pour conquérir des marchés étrangers.

Par sa politique d'achat, l'Etat français influence peut être un peu le développement de ses fournisseurs mais il ne faut pas surestimer cet impact. Et puis, la première tâche de l'Etat reste d'offrir un service public de qualité à nos concitoyens et pour ce faire, il doit choisir les fournisseurs les plus performants.

Oui, je souhaite que nous travaillions avec des fournisseurs français. Mais pour cela, il est de leur responsabilité de rester les plus performants.

AB - Monsieur le ministre, je vous remercie.
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