La Maison-Blanche a une nouvelle fois repoussé l'échéance pour la vente de TikTok, accordant un sursis de 90 jours à l'application chinoise. Cette décision prolonge une saga complexe où s'entremêlent tensions géopolitiques et intérêts commerciaux, laissant 170 millions d'utilisateurs américains dans l'incertitude.

- La Maison-Blanche accorde un sursis de 90 jours à TikTok, prolongeant l'incertitude pour 170 millions d'utilisateurs américains.
- Les négociations pour la vente de TikTok sont au point mort, entravées par des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine.
- L'avenir de TikTok aux États-Unis dépend désormais de discussions diplomatiques, au-delà d'une simple transaction commerciale.
Le sort de TikTok aux États-Unis est devenu un véritable feuilleton politique à rebondissements. Face à une date butoir fixée au 19 juin, le président Donald Trump a choisi, pour la troisième fois, de retarder l'application de la loi qui contraint ByteDance à céder ses activités américaines.
Un feuilleton politico-économique qui s'éternise
Par la voie d'un décret présidentiel, Donald Trump va donc offrir une nouvelle bouffée d'oxygène de 90 jours à TikTok. Selon la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, le président « ne veut pas que TikTok s'éteigne » et souhaite utiliser ce délai pour « s'assurer que cet accord soit conclu afin que le peuple américain puisse continuer à utiliser TikTok avec l'assurance que ses données sont en sécurité ». Comme nous l'anticipions il y a quelques semaines, vous n'avez pas fini d'entendre parler du TikTok ban, et l'échéance semble pouvoir être repoussée indéfiniment.
Cette décision intervient alors que la loi « Protecting Americans from Foreign Adversary Controlled Applications Act », votée en 2024 par les deux partis, est techniquement en vigueur. Adoptée sur fond de craintes liées à la sécurité nationale, elle vise à empêcher que les données des utilisateurs américains ne soient exploitées par Pékin à des fins d'espionnage ou de propagande. La date limite initiale pour la vente était fixée au 19 janvier 2025, mais elle a déjà été repoussée à deux reprises avant cette nouvelle annonce.
L'obstination de l'exécutif à prolonger la survie de TikTok aux États-Unis s'explique aussi par des considérations plus personnelles. Donald Trump a lui-même confié avoir un « petit faible » pour l'application, reconnaissant son efficacité comme outil de campagne lors de la dernière élection présidentielle. Cette position illustre l'équilibre précaire que cherche à maintenir la Maison-Blanche entre les impératifs de sécurité nationale et les avantages politiques et économiques que représente la plateforme.
Des négociations au point mort
Pourtant, un accord semblait sur le point d'être finalisé en avril dernier, prévoyant la création d'une nouvelle entité américaine pour gérer les opérations de TikTok. Dans ce montage, ByteDance serait devenu un actionnaire minoritaire avec moins de 20 % des parts, sans aucun contrôle sur les algorithmes ou la gestion des données. Plusieurs géants de la tech américaine, dont Oracle et Microsoft, s'étaient positionnés comme des repreneurs potentiels.
Ces négociations avancées ont toutefois été torpillées par la décision de Donald Trump d'imposer de nouveaux droits de douane élevés sur les importations chinoises. En représailles, Pékin aurait opposé une fin de non-recevoir à toute vente de TikTok, liant directement le sort de l'application à la résolution du conflit commercial plus large qui oppose les deux puissances économiques.
Au-delà des querelles commerciales, le principal obstacle technologique reste l'algorithme de recommandation de TikTok, souvent décrit comme sa « sauce secrète ». Le gouvernement chinois a clairement indiqué qu'il n'approuverait aucune transaction incluant le transfert de cette technologie jugée stratégique. Cette condition complique singulièrement la recherche d'un accord qui satisferait à la fois les exigences de la loi américaine et les autorités chinoises.
L'incertitude plane sur les 170 millions d'utilisateurs américains
Cette série de reports soulève des questions sur leur base légale. La loi autorise le président à accorder un unique délai de 90 jours en cas de « progrès significatifs » vers une solution. Or, le blocage actuel des négociations rend cet argument difficile à soutenir, et l'administration Trump pourrait s'exposer à des contestations juridiques de la part du Congrès.
En dépit de l'intérêt manifesté par plusieurs acquéreurs potentiels comme Oracle, Microsoft ou encore le consortium Project Liberty, la résolution de l'affaire semble de moins en moins dépendre d'une simple transaction commerciale. L'avenir de TikTok sur le sol américain est désormais intimement lié aux pourparlers diplomatiques et aux tractations en coulisses entre Washington et Pékin. Pour les 170 millions d'Américains qui utilisent l'application, l'incertitude demeure donc totale. Chaque nouveau sursis accordé par la Maison-Blanche ne fait que repousser une décision qui semble pourtant inéluctable, qu'il s'agisse d'une vente forcée ou d'une interdiction pure et simple.
Source : The Register
15 mai 2025 à 13h14