D'ici la fin de la décennie, la Chine pourrait contrôler près d'un tiers de la production mondiale de semi-conducteurs, dépassant ainsi Taïwan pour la première fois. Une trajectoire qui se dessine en dépit des sévères restrictions commerciales imposées par les États-Unis et leurs alliés.

Avec 30% de la capacité de production globale projetée, l'Empire du Milieu pourrait ravir le leadership à Taïwan dans moins de six ans, porté notamment par son porte-étendard SMIC. © Shutterstock
Avec 30% de la capacité de production globale projetée, l'Empire du Milieu pourrait ravir le leadership à Taïwan dans moins de six ans, porté notamment par son porte-étendard SMIC. © Shutterstock
L'info en 3 points
  • D'ici 2030, la Chine pourrait dominer la production mondiale de semi-conducteurs, surpassant Taïwan avec 30% du marché.
  • Malgré des restrictions internationales, la Chine investit massivement pour réduire sa dépendance technologique et sécuriser ses chaînes.
  • La Chine se concentre sur les puces "matures", essentielles pour divers secteurs, tout en comblant son retard technologique.

Le paysage mondial des semi-conducteurs est au bord d'un basculement majeur. Actuellement dominé par Taïwan, ce secteur stratégique voit l'émergence d'un concurrent aux ambitions démesurées : la Chine. Poussé par une volonté politique d'autosuffisance, l'empire du Milieu investit massivement pour devenir le premier pôle de production de puces électroniques au monde.

Une expansion industrielle sans précédent

Selon les analyses du cabinet Yole Group, la Chine devrait représenter 30% de la capacité de production mondiale des fonderies d'ici 2030. Cette performance la placerait en tête, devant Taïwan dont la part de marché actuelle de 23% stagnerait. La Chine, qui détient aujourd'hui 21% des capacités, connaît une croissance spectaculaire alimentée par une politique d'investissement public et privé agressive.

Cette montée en puissance est déjà tangible. En 2024, la production chinoise a atteint 8,85 millions de wafers (galettes de silicium) par mois, soit une augmentation de 15% en un an, et devrait franchir le cap des 10,1 millions en 2025. Pour soutenir ce rythme, le pays a lancé la construction de 18 nouvelles usines de fabrication (fabs), à l'image du nouveau site de 12 pouces de Huahong Semiconductor à Wuxi, entré en production début 2025. Selon les analystes de Barclays, la capacité de production chinoise pourrait même doubler d'ici cinq à sept ans.

Cette quête d'autonomie est une réponse directe aux pressions internationales, notamment les sanctions américaines qui visent à freiner l'accès de la Chine aux technologies de pointe. Le récent durcissement des règles d’exportation par Taïwan, touchant des acteurs comme le géant SMIC, n'a fait que renforcer la détermination de Pékin à bâtir un écosystème national complet. L'objectif est clair : réduire sa dépendance envers les fournisseurs étrangers pour sécuriser ses chaînes d'approvisionnement, un enjeu vital pour son industrie technologique.

Un leadership en volume, mais un retard technologique

Malgré cette expansion impressionnante en volume, la Chine fait face à un défi de taille : le retard technologique. Les sanctions l'empêchent d'acquérir les équipements de lithographie les plus sophistiqués, notamment les machines à ultraviolets extrêmes (EUV) du néerlandais ASML, indispensables pour graver les puces les plus fines. Elle est également privée des logiciels de conception de puces (EDA) les plus performants. Par conséquent, la Chine reste pour l'instant à plusieurs générations de distance des leaders comme TSMC ou Samsung sur les nœuds de gravure les plus avancés.

Avec 30% de la capacité de production globale projetée, l'Empire du Milieu pourrait ravir le leadership à Taïwan dans moins de six ans, porté notamment par son porte-étendard SMIC. © Shutterstock

Consciente de cet obstacle, la Chine concentre ses efforts sur la production de semi-conducteurs sur des nœuds de gravure dits « matures ». Moins complexes, ces puces sont néanmoins essentielles au fonctionnement de très nombreux secteurs, comme l'industrie automobile, l'électronique grand public ou encore l'Internet des Objets (IoT). En devenant le leader incontesté sur ce segment, la Chine s'assure une position dominante sur un marché volumineux et stratégique, tout en continuant à investir dans la recherche et développement pour, à terme, combler son retard technologique.

La stratégie chinoise est aussi portée par une demande intérieure gargantuesque. Le pays consomme environ 40% des semi-conducteurs produits dans le monde, mais n'en produit localement qu'une fraction, avec un taux d'autosuffisance d'à peine 12% en 2022. Ce déséquilibre crée un appel d'air massif pour les fonderies nationales, qui disposent d'un marché captif pour écouler leur production croissante. Alors que le marché global des semi-conducteurs pourrait approcher les 1 000 milliards de dollars d'ici 2030, la Chine devrait capter près de 60% de cette croissance.

Source : WCCFTECH