La France veut franchir un cap : produire sur son sol des puces gravées entre 2 nm et 10 nm, aujourd’hui l’apanage de Taïwan et de la Corée du Sud. Emmanuel Macron mise sur l’arrivée de TSMC et Samsung pour combler le retard européen et sécuriser les chaînes d’approvisionnement.

Le message est clair : sans production locale de semi-conducteurs avancés, l’autonomie numérique européenne restera un vœu pieux. Au salon VivaTech, le chef de l’État a rappelé que l’Hexagone ne pouvait plus se contenter de puces dites « matures », gravées à 28 nm ou plus. Il s’agit désormais de convaincre les deux géants capables de descendre sous les 5 nm – TSMC et Samsung – de construire une foundry (usine de fabrication de puces) en France.
Rattraper le peloton de tête
Seules quelques entreprises maîtrisent les gravures extrêmes faisant tenir des milliards de transistors sur un seul millimètre carré. Sans elles, impossible de fournir les processeurs qui propulsent l’IA, la 5G ou les calculateurs automobiles de nouvelle génération. Les États-Unis ont déjà attiré TSMC en Arizona et Samsung au Texas grâce à des subventions massives et des exemptions fiscales. Paris veut répliquer ce modèle en combinant crédits d’impôt, aides issues du plan France 2030 et énergie nucléaire bas-carbone jugée attractive pour alimenter les salles blanches.
En Allemagne, le projet d’usine TSMC à Dresde progresse lentement, laissant une fenêtre de tir à la France. Bruxelles, via le Chips Act européen, promet 43 milliards d’euros, mais chaque État membre doit bâtir son offre de terrain, d’infrastructures et de talents.
12 juin 2025 à 14h16
Des savoir-faire mais un manque de volume
STMicroelectronics, né dans l’Hexagone, supprime pourtant 1 000 postes d’ici 2027, preuve que la compétition sur les marges est féroce. Cette contraction fragilise la filière alors même que Paris veut muscler sa capacité de production avancée.
La France excelle dans la R&D (CEA-Leti à Grenoble, laboratoire IMEC en Belgique côté voisin) et dans la chimie des matériaux. Toutefois, ces atouts ne remplacent pas la puissance d’investissement de TSMC, dont une seule megafab dépasse 20 milliards de dollars.
Accueillir une fonderie 2 nm exige des milliers d’ingénieurs process, spécialistes lithographie EUV et techniciens de maintenance. Le gouvernement mise sur la reconversion des salariés issus de STMicroelectronics et sur l’attractivité des grandes écoles pour combler le déficit.
Limiter la dépendance asiatique
Le manifeste de 300 acteurs français réclamant une « véritable indépendance technologique » pointe le coût annuel de 265 milliards d’euros lié à la domination des GAFAM et des fondeurs asiatiques. Obtenir ne serait-ce qu’une ligne de production 3 nm en France réduirait les risques logistiques liés aux tensions géopolitiques en mer de Chine.
À l’image des gigafactories de batteries, une megafab de semi-conducteurs génère un cluster d’équipements, de chimistes et de fournisseurs locaux, stimulant l’emploi hautement qualifié. L’effet boule de neige pourrait repositionner l’Europe sur un marché où elle pèse moins de 10 % contre plus de 60 % pour l’Asie de l’Est.
Même avec des incitations fortes, construire une fabuleuse ligne EUV prend cinq à sept ans. D’ici là, le créneau 2 nm pourrait déjà tendre vers 1,8 nm, rendant la cible mouvante. Reste que sans objectif ambitieux, la France risquerait de rester spectatrice de la prochaine vague technologique.
Source : WCCFTECH
13 juin 2025 à 20h29