La CNIL dit "non" aux micros de surveillance

03 octobre 2023 à 11h30
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L'intelligence artificielle est un atout majeur dans l'amélioration des systèmes de vidéosurveillance, au grand dam de certains © GoodStudio / Shutterstock
L'intelligence artificielle est un atout majeur dans l'amélioration des systèmes de vidéosurveillance, au grand dam de certains © GoodStudio / Shutterstock

Installés en octobre 2021 dans la ville d'Orléans, des capteurs sonores couplés aux caméras de surveillance ne devraient plus être utilisés, faute de cadre légal.

La technologie évolue, et la crainte de voir notre société dériver vers celle dépeinte dans le roman 1984 de George Orwell grandit d'année en année. Cela n'empêche pas les pouvoirs publics et de nombreuses entreprises de tenter d'innover dans le domaine de la surveillance, pour le meilleur et pour le pire, si tant est que l'on puisse en donner une appréciation objective.

La capitale de la région Centre-Val de Loire s'est essayée à l'exercice en cherchant à augmenter les capacités de ses caméras de surveillance. Elle n'avait cependant peut-être pas prévu de recevoir un rappel à l'ordre de la part de la CNIL.

Donner des oreilles aux caméras

En partenariat avec une start-up locale, Sensivic, la mairie d'Orléans a doté des caméras chargées de surveiller quatre places de sa commune de capacités auditives. Sous forme de boîtiers blancs, ces microphones ont pour but de reconnaître certains sons spécifiques. Coups de feu, explosions, accidents, ou encore cris font partie des bruits « anormaux » que la société est capable d'identifier, puis de localiser pour permettre d'orienter automatiquement les appareils de vidéosurveillance dans leur direction.

Sensivic ne propose pas que des solutions destinés aux communes © Sensivic
Sensivic ne propose pas que des solutions destinés aux communes © Sensivic

Le gendarme de la vie privée n'est toutefois pas satisfait de ce système, estimant que le lien entre vidéosurveillance et audiosurveillance touche à « un traitement de données à caractère personnel ». De plus, il rappelle qu'il n'existe pas de cadre légal entourant ce genre de pratique en France. En effet, « les dispositions applicables du Code de la sécurité intérieure […] prévoient uniquement la possibilité d'installer des systèmes de vidéoprotection sans captation du son », explique-t-il.

Ainsi, les dispositifs de Sensivic ont été déclarés illégaux par la CNIL, marquant une première victoire pour La Quadrature du Net. C'est cette association qui avait saisi la commission, pointant principalement du doigt la convention signée entre la société et la mairie d'Orléans. Parallèlement, elle a déposé une plainte auprès du tribunal administratif, qui est le seul à pouvoir forcer la commune à ne pas poursuivre son expérimentation.

Un cadre juridique comme garde-fou

Pour Florent Montillot, adjoint à la mairie d'Orléans chargé de la sécurité, il s’agit d’une « polémique totalement dépassée, ridicule ». Selon lui, le partenariat avec Sensivic vise à mieux « protéger des gens » grâce à l'utilisation des nouvelles technologies. L'élu a également expliqué au journal Le Monde que l'objectif de la mairie « n'a jamais été d'identifier des personnes, mais des situations pour pouvoir y réagir le plus efficacement possible ». Pour le moment, la ville a découplé les systèmes de vidéosurveillance et les microphones, qui ne servent plus qu'à entraîner l'algorithme de la start-up.

De son côté, le directeur marketing de Sensivic, Hervé Zandrowicz, se veut rassurant. « Tous les sons qui sont captés par les micros sont immédiatement traduits en métadonnées », explique-t-il. Plus encore, les enregistrements sont très courts, de l'ordre de la milliseconde, et peuvent donc difficilement être utilisés pour obtenir des informations privées. Enfin, les données ne seraient conservées ni par l'entreprise ni par la mairie.

La CNIL est chargée de veiller à ce que les nouvelles technologies ne portent pas atteinte à la vie privée des citoyens © Stephane de Sakutin / AFP
La CNIL est chargée de veiller à ce que les nouvelles technologies ne portent pas atteinte à la vie privée des citoyens © Stephane de Sakutin / AFP

Cependant, ces arguments n'ont pas été suffisants pour peser sur le jugement de la CNIL. Reste à voir comment cette affaire pourrait influencer un éventuel cadre juridique adapté « aux caractéristiques techniques et aux enjeux » d'une telle technologie, ajoute l'organisme.

Plus tôt dans l'année, celui-ci avait déjà dû se pencher sur un dossier similaire, concernant l'utilisation de drones par la gendarmerie. La surveillance prend donc un nouveau tournant en France, et nous saurons bien assez tôt si les tribunaux, le gouvernement et les élus tiendront compte des mises en garde de la CNIL.

Source : France 3

Maxence Glineur

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Geek hyper connecté et féru de podcasts, je suis toujours en train de lire ou écouter des points infos en tout genre. Entre histoire, tech, politique, musique, jeux-video et vulgarisation scientifique : toute l'actualité (ou presque) attise ma curiosité. Sinon, j'aime le rock et le lofi, les game-nights toujours trop longues, les bons films et les nanards.

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Commentaires (4)

dante0891
Pour ceux ayant vu la série Rictus, on y arrive presque finalement <br /> Est-ce une fiction ou est-ce que ça va devenir réalité ?<br /> Même si ici ça permet de traiter seulement des bruits pas communs.
jac07
il parait que nous sommes en democratie ???
Atlas_78
Mais arrêtez un peu avec la sacro sainte liberté, protection de votre vie privée que vous passez votre temps à étaler sur les réseaux sociaux. Le jour où vous serez agressés dans la rue, mais que la police vous répondra «&nbsp;on ne sait pas qui c’est, les visages sont floutés&nbsp;» ou «&nbsp;vos allégations de menaces de mort ?. Désolé on n’a pas le son&nbsp;»… Là vous serez heureux, la protection du plus grand nombre (qui s’en fout en général) au détriment de l’individu !..<br /> « n’a jamais été d’identifier des personnes, mais des situations pour pouvoir y réagir le plus efficacement possible » ce n’est pas non plus de l’arbitraire, mais du cas par cas !. Je ne sais pas vers quoi l’on se dirige… Mais je crains que vous ne fassiez qu’empirer l’insécurité…
griffondor
moi qui croyait que les caméras avaient déjà des micros , zut alors ^^
MattS32
jac07:<br /> il parait que nous sommes en democratie ???<br /> Oui, justement. En dictature, la Cnil n’aurait pas son mot à dire. Ou alors elle n’existerait carrément pas. Ou juste une Cnil fantoche qui dirait systématiquement oui à tout.
Oncle_Picsou
Atlas_78:<br /> s le son »… Là vous serez heureux, la protection du plus grand nombre (qui s’en fout en gé<br /> Il faut traiter l’insécurité à la source, pouvoir dire "mais regardez, on voit bien que c’est XXXX qui a violé/tabassé/tué YYYY " après coup, ca n’a qu’un interet très limité.
KlingonBrain
Mais arrêtez un peu avec la sacro sainte liberté, protection de votre vie privée que vous passez votre temps à étaler sur les réseaux sociaux. Le jour où vous serez agressés dans la rue, mais que la police vous répondra « on ne sait pas qui c’est, les visages sont floutés » ou « vos allégations de menaces de mort ?. Désolé on n’a pas le son »… Là vous serez heureux, la protection du plus grand nombre (qui s’en fout en général) au détriment de l’individu !..<br /> « n’a jamais été d’identifier des personnes, mais des situations pour pouvoir y réagir le plus efficacement possible » ce n’est pas non plus de l’arbitraire, mais du cas par cas !. Je ne sais pas vers quoi l’on se dirige… Mais je crains que vous ne fassiez qu’empirer l’insécurité…<br /> Et pourtant, l’humanité à bien vécu jusque la sans avoir besoin de ces gadgets.<br /> Et je vous suggère d’étudier l’histoire pour comprendre qu’il existe des dangers autrement plus graves que ces quelques faits divers. Si vous ne savez pas quoi chercher, allez donc lire les témoignage des habitants de l’Ex RDA sur l’horreur d’une société de techno surveillance.<br /> Et pour finir, rappelons que ce n’est pas une caméra qui vous sauvera en cas d’agression. Même si le système est performant, il faudra toujours le temps que la Police arrive.<br /> Le problème, c’est que ces solutions technologiques sont coûteuses et que c’est autant d’argent en moins pour payer des agents de terrain.
Blackalf
Oncle_Picsou:<br /> Atlas_78:<br /> s le son »… Là vous serez heureux, la protection du plus grand nombre (qui s’en fout en gé<br /> Il faut traiter l’insécurité à la source, pouvoir dire "mais regardez, on voit bien que c’est XXXX qui a violé/tabassé/tué YYYY " après coup, ca n’a qu’un interet très limité.<br /> Entre avoir été victime vous ou un de vos proches de quelque chose, savoir que le coupable n’a jamais été identifié et court toujours, et qu’il ait été identifié et va être jugé et condamné pour ce qu’il a fait, ça fait quand même une différence ne serait-ce que d’un point de vue psychologique.<br /> Exemple concret en ne parlant que de dégâts matériels, cas n°1 : vous trouvez votre voiture en stationnement défoncée, pas de témoins et le responsable a pris la fuite. Les réparations seront de votre poche si vous n’avez pas d’assurance tous risques.<br /> Cas n°2 : une caméra a pris la plaque du responsable et la justice et les assurances vont intervenir. L’intérêt est-il toujours aussi limité ?
Oncle_Picsou
Je suis entièrement d’accord avec toi sur le fait que cela peu servir dans le cadre du vandalisme, ou vol d’opportunité par exemple. Mais comme tu le dis, ce ne sont que des dégâts materiels.<br /> Pour l’insécurité par contre, je ne pense pas que + de surveillance soit la solution miracle comme l’a très bien expliqué KlingonBrain.<br /> Dans tous les cas, si la justice faisait son travail, on aurait pas besoin d’en arriver là.
Blackalf
Oncle_Picsou:<br /> Pour l’insécurité par contre, je ne pense pas que + de surveillance soit la solution miracle comme l’a très bien expliqué KlingonBrain.<br /> Personnellement, je pense qu’on n’en sait rien, justement. Qui sait combien d’actes sont évités précisément à cause de la présence de caméras ? personne.<br /> On peut faire un parallèle avec les radars : quand ils savent qu’ils sont là, les conducteurs au pied lourd le lèvent mais font beaucoup moins attention dans les zones où ils savent qu’il n’y en a pas. Je pense que c’est pareil pour les caméras, les délinquants vont commettre leurs méfaits ou vandaliser là où il n’y en a pas.
Ikili
KlingonBrain:<br /> Et pourtant, l’humanité à bien vécu jusque la sans avoir besoin de ces gadgets.<br /> Cet argument n’a aucun sens. L’humanité à survécu des centaines de milliers d’années sans la médecine ou technologie moderne, tu ne verras donc pas de problème à ne plus les utiliser ?<br /> KlingonBrain:<br /> existe des dangers<br /> Des «&nbsp;dangers&nbsp;», des «&nbsp;risques&nbsp;», donc, contrôlables et encore hypothétiques. Ici on parle de faits divers réels et avérés. C’est toujours bien de se demander ce qu’il peut se passer, mais encore une fois, on est en France, tes risques sont complétement hypothétiques. Il y a des instances qui veillent, cf ici la CNIL.<br /> Une grande différence tu noteras.<br /> De plus, ces arguments basés sur la peur n’ont aucun sens non plus : aujourd’hui, nous somme dans une Démocratie, pas un régime totalitaire. Nous avons des instances qui régulent tout ça, par exemple ici, la CNIL. Si un méchant gouvernement totalitaire arrive au pouvoir, et arrive à détruire toutes ces instances, crois moi, ce n’est pas parceque «&nbsp;on a rien installé par le passé par peur de&nbsp;», qu’il va s’empêcher de mettre ses plans à exécution. Il installera quoi qu’il se passe si c’est son souhait.<br /> KlingonBrain:<br /> Et pour finir, rappelons que ce n’est pas une caméra qui vous sauvera en cas d’agression.<br /> Pourquoi limiter ta réflexion à «&nbsp;sauver la victime&nbsp;» ?<br /> Une caméra, si avertie ou visible, a un effet dissuasif. Donc si, potentiellement, une victime sera sauvée avant même qu’elle devienne victime.<br /> De plus, une caméra, permet d’avoir un visuel, donc potentiellement de retrouver l’agresseur et d’avoir des preuves, et donc, je te le met dans le mille : sauver potentiellement une autre victime plus tard.<br /> Et pour finir, si, une caméra peut sauver une victime. Certaines caméras sont regardées 24/24 par les FDO, il suffit d’un signalement, ou même d’une attention particulière à un endroit car on sait que c’est à risque, pour qu’une victime soit sauvée. Typiquement en cas d’agression physique ou de viol, dans des endroits rapidement accessible comme les transports. C’est très loin d’être la majorité, je te l’accorde, mais dire que ça n’existe pas est une erreur.<br /> Comme @Atlas_78 et beaucoup, je comprends vos peurs sur votre sacro sainte liberté et protection de la vie privée, mais j’ai vraiment du mal à y apposer un seul argument logique. Je crois que vous êtes un peu trop tourné sur ce qui se passent dans d’autres pays, dans d’autres contexte (RDA par ex), que réellement ce qui se passe en France d’aujourd’hui.
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