Les habitants de cette grande ville française étaient surveillés par une IA sans avoir été mis au courant

Alexandre Boero
Chargé de l'actualité de Clubic
30 janvier 2023 à 12h15
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La « vidéosurveillance algorithmique », nourrie à l'IA, est à l'origine d'une polémique touchant la ville de Reims, qui collabore depuis 2021 avec le géant Thales pour surveiller ses citoyens… sans les en informer.

Dès 2021, à Reims, la police municipale a commencé à utiliser un algorithme vidéo qui, grâce à l'intelligence artificielle, permet une surveillance et une analyse du comportement des Rémois dans une ville où les caméras de surveillance sont légion. Nos confrères de StreetPress révèlent les contours de la collaboration entre la mairie et Thales Group, qui se livrent à une expérimentation à grande échelle, le tout dans le dos des citoyens.

Reims, une référence française de la vidéosurveillance algorithmique ?

Reims a adopté Savari, un bébé né de Thales Group. Mais de quoi parle-t-on ? Le géant français de la défense décrit Savari comme une solution qui utilise des algorithmes vidéo intelligents et le deep learning (ou « apprentissage profond », un sous-domaine de l'IA) pour des missions de surveillance, de supervision et d'analyse automatique de situations. Il peut s'agir d'un banal regroupement ou d'une intrusion.

Elle sert aussi à détecter, identifier et classifier les formes et les objets, comme les armes, en l'espace de quelques instants seulement. Cette vidéosurveillance intelligente est même capable de sévir dans le domaine routier, grâce à un système de lecture des plaques d'immatriculation qui lui permet notamment de verbaliser ceux qui ne paient pas leur stationnement.

Savari a donc séduit celui qui est à la tête de la cité des rois depuis près de 10 ans, Arnaud Robinet (du parti Horizons). Et cela tombe bien, car plus de 245 caméras de surveillance ont été installées dans l'agglomération (selon les chiffres communiqués en janvier 2023 par la mairie de Reims), venant s'ajouter aux 36 déjà en place. Un centre de surveillance urbain a même été inauguré en 2016 au sein de l'hôtel de police. Une vingtaine d'opérateurs y travailleraient nuit et jour, 7 jours sur 7. Au même titre que Marseille, Toulouse ou Nîmes, qui ont toutes passé des contrats avec des entreprises spécialisées, Reims expérimente la vidéosurveillance algorithmique.

Un flou juridique dont profitent les industriels et les élus, au détriment des citoyens

À Reims justement, l'opposition s'indigne. « Ce qui me choque, c'est que ça a été fait dans une grande opacité. Ce n'est pas normal que les citoyens ne soient pas informés », peste Léo Tyburce, élu Europe Écologie Les Verts. En novembre 2021, l'adjoint à la sécurité Xavier Albertini avait plus ou moins rassuré les élus, évoquant alors une étude avec « une entreprise nationale d'un logiciel (ndlr : sans la nommer) qui n'est pas de la reconnaissance faciale », qui permet de « reconnaître n'importe quel véhicule qui se trouve pris dans le champ des caméras ».

Alors, aujourd'hui, comment justifier cette collaboration avec Thales Group ? Le nombre de plus en plus important de caméras, donc de vidéos à analyser, est évoqué par le maire Robinet pour justifier l'utilisation d'un algorithme. L'argument fait mouche auprès des professionnels du secteur, qui jugent « nécessaire » l'usage de l'intelligence artificielle pour aider les humains, trop peu nombreux pour gérer autant de caméras et de flux. Du côté des opposants, cet argument ne tient pas. « Il y a un énorme marché privé qui est en train de se lancer et qui est en partie financé par des fonds publics », explique un représentant de La Quadrature du Net, qui réclame de longue date la fin de la vidéosurveillance en France.

Le budget de la mairie de Reims consacre en effet une belle parenthèse à 7 millions d'euros aux investissements pour la vidéosurveillance et l'équipement de la police municipale. Un logiciel dit « d'aide à la relecture » a été financé, et ce, sans en informer les habitants, piégés par le flou juridique qui entoure le déploiement de ces outils de « vidéosurveillance algorithmique », de plus en plus précis et polyvalents.

Source : StreetPress

Alexandre Boero

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Journaliste, chargé de l'actualité de CLUBIC. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJC...

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Journaliste, chargé de l'actualité de CLUBIC. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJCAM), pour écrire, interroger, filmer, monter et produire au quotidien. Des atomes crochus avec la Tech, certes, mais aussi avec l'univers des médias, du sport et du voyage. Outre le journalisme, la prod' vidéo et l'animation, je possède une chaîne YouTube (à mon nom) qui devrait piquer votre curiosité si vous aimez les belles balades à travers le monde, les nouvelles technologies et Koh-Lanta :)

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Commentaires (24)

REMI_77
S’il y a 120 personnes qui travaille dans le centre de vidéo surveillance jour et nuit, à quoi sert l’ « IA »… ? A mon avis il y a une belle coquille et un beau raccourci entre l’effectif total du commissariat et la vidéosurveillance… De toute façon tant qu’il n’y a pas de reconnaissance faciale systématique, je ne vois pas l’intérêt du débat. Les caméras sont un outil comme d’autres pour assurer un semblant de sécurité. Quand la caméra est à l’origine de la résolution d’un crime, elle est bénite par les uns, lorsque c’est pour un PV, elle est maudite par d’autres (et par les premiers )… Bref un débat sans fin et sans solution pour des opinions différentes…
themancool87_1_1
j’espère que les Rémois vont porter plainte contre le maire / la ville.
AlexLex14
REMI_77:<br /> S’il y a 120 personnes qui travaille dans le centre de vidéo surveillance jour et nuit, à quoi sert l’ « IA »… ? A mon avis il y a une belle coquille et un beau raccourci entre l’effectif total du commissariat et la vidéosurveillance…<br /> Non non, ils sont bien 120 dédiés à cette mission
vidarusny
Et sinon, quel est l’évolution de la délinquance à Reims ? parce que si elle augmente il y a une vraie question sur l’intérêt…
kiwi5
j’imagine qu’il y a 3x40 plutot que 120 la fois, je ne sais pas quel taille fait Reims mais au final cela parait assez peu pour la superficie surveillee
AlexLex14
Ah bein le roulement est évident (on l’espère pour eux du moins )<br /> Après, de telles équipes pour une ville de moins de 200 000 habitants, hum, il me paraît difficile de dire si ça semble trop ou pas assez Tout dépend j’imagine des besoins réels de la mairie et de la finalité.<br /> De toute façon, au vu de ce qui a été légalement décidé pour les JO de l’an prochain, je pense qu’il y aura de moins en moins de place pour le débat autour de la vidéosurveillance au sens large…
REMI_77
Une rapide recherche sur google confirme que Reims compte environ 120 policier municipaux, qui ne doivent pas être tous affectés à la vidéosurveillance… Ou alors c’est ce que l’on appelle le « télétravail »
AlexLex14
Bon, j’ai réussi à avoir le fin mot de l’histoire (article MAJ au passage).<br /> Nos confrères n’avaient pas les bons chiffres à jour.<br /> Caméras installées à Reims (au 3 janvier 2023) : 245<br /> Opérateurs dédiés à la vidéo-protection (officiellement, le reste…) : 21<br /> Policiers municipaux : 131<br /> Voilà pour les chiffres officiels livrés par la mairie de Reims
SPH
Je suis Rémois !<br /> Cela ne me dérange pas d’être surveillé par des CAM sous IA. Quand on n’a rien à se reprocher, ça passe…<br /> Niveau délinquance, on a connu pire mais en ce moment, c’est calme (cependant, je ne peux le dire que pour mon quartier).<br /> Voila voila
Nicolas51
Rémois également et exactement le même point de vue
bmustang
même s’il y a 1 habitant surveillé sans être informé, je trouve cela dégueulasse et honteux pour une ville comme reims
peper_1_1
Ce n’est pas parce que tu n’as rien à te reprocher aujourd’hui qu’on ne pourra pas te le reprocher plus tard.
SPH
J’ai bien l’intention de ne rien faire de répréhensible dans ma vie. Donc…
Highmac
Ca n’inquiète personne : 245 caméras ?<br /> Se sentir « fliqué » en permanence alors que tu es citoyen lambda, c’est pas terrible !<br /> Ca montre bien le contexte et l’évolution vers laquelle se dirigent notre société…
atmen
Vision à court terme et très naïve, vous ne savez pas ce qui peut être interdit demain, jusqu’où la technologie peut elle évoluer et par qui peut elle être exploitée. Regarder du côté de la chine devrait faire peur à tout le monde.
heauton
L’IA sert à faire comprendre qu’il y a 120 imbéciles pour cacher que c’est le contraire. But des adorateurs de la menterie.
heauton
D’ailleurs depuis ces installations, avez-vous remarqué qu’il n’y a plus aucun roi qui s’en va se faire couronner à Reims ?
Krimog
Si je comprends bien l’ordre (officiel) des choses, ils avaient 21 personnes disponibles pour faire de la télésurveillance, ils ont installé 245 caméra et là ils se sont dit « oh bah zut, on a trop de caméras pour que nos 21 agents puissent les regarder ! Si on mettait de l’IA ? »
StephaneGotcha
J’espère que les citoyens choqués face au traitement par un algo des caméras de sécurité de la ville, dénonceront ces agissements en faisant des story instagram et vidéos tiktok en terrasse place d’Erlon (centre ville de Reims) …<br /> Je rappelle que le sujet ici c’est l’utilisation de l’IA pas l’utilisation de la vidéo surveillance.
curulman
Le truc c’est que désormais n’importe quelle caméra de sécurité accouplé au cloud dispose d’une IA , le problème n’est pas la vidéo-surveillance ni même l’IA , le problème est quelle config a reçu l’IA ? chez moi elle sait juste faire la différence entre un humain, un animal ou une voiture … Après supposons que celle de Thales fasse de la reconnaissance faciale permanente là ça deviendrait problématique …
peper_1_1
Ce que tu fais légalement aujourd’hui pourra quand même, peut-etre, t’être reproché demain.<br /> Pour illustrer le propos, depuis 2017, l’homosexualité est interdite en Tchétchénie. En fait, on peut même parler de chasse aux homosexuels…
Blackalf
atmen:<br /> Regarder du côté de la chine devrait faire peur à tout le monde.<br /> Sauf que ça fait 3.000 ans que c’est comme ça chez eux et que le peuple l’a toujours accepté.<br /> Pourquoi toujours comparer l’incomparable ? il y a une nette différence entre la Chine et les pays occidentaux. Les gouvernements européens surveillent ? mais ils y sont bien obligés, vu le nombre grandissant de personnes capables de tous les délits, infractions et incivilités au nom de leur liberté. <br /> peper_1_1:<br /> Ce que tu fais légalement aujourd’hui pourra quand même, peut-etre, t’être reproché demain.<br /> Pour illustrer le propos, depuis 2017, l’homosexualité est interdite en Tchétchénie.<br /> Si on veut aller par là, allons-y à fond : « regardez ce qui se passe en Iran et en Afghanistan, ça va arriver chez nous tôt ou tard ». Est-ce pertinent ? non.
vidarusny
Quand tu habites dans une petite bourgade tu as toujours eu les RG… et tu n’es pas au courant ! devons-nous crier au scandale ?
JeanFIZ
C’est quoi cette rhétorique Big Brother employée par les journalistes et les détracteurs.<br /> Le mot surveillance est employé à tord et à travers. Il n’y a jamais eu de surveillance.<br /> L’anonymat des citoyens n’a jamais été mis à mal. Il s’agit d’analyse de foules et de masses et de comportements individuels anonymisés. Pour le bien de tous et pour la sécurité de tous.
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