Live Japon : la ruée vers l'électricité

30 août 2009 à 21h25
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En 2020, une voiture neuve sur deux vendues au Japon sera un véhicule de nouvelle génération, hybride, tout électrique ou à pile à combustible, a pour ainsi dire décrété le gouvernement japonais. Mais pour cela, les amis, il va falloir construire de nouvelles infrastructures, qui plus est communicantes et intelligentes, a-t-il prévenu, enjoignant aux constructeurs, industriels de divers secteurs, prestataires de services et autres bonnes volontés de travailler ensemble à cette fin, pour le bien-être de l'humanité et la santé de la planète.

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Le fait est que les choses s'accélèrent dans l'univers de l'automobile, au Japon autant qu'ailleurs. L'électricité est à la mode. Mitsubishi Motors et Fuji Heavy Industries (marque Subaru) viennent de mettre en circulation dans l'archipel leurs premières voitures électriques, pour le moment réservées à la clientèle professionnelle. Nissan va commercialiser à grande échelle son premier modèle l'an prochain. Les hybrides à recharger sur secteur arriveront dans la foulée. Les automobiles à pile combustible sont promises pour 2015 (Toyota). Tous ces nouveaux moyens de locomotion "propres" exigent la mise en place de nouveaux réseaux (bornes de recharge ou remplacement, systèmes d'information), lesquels nécessitent des fonctionnalités inédites qui ouvrent de nouveaux marchés aux opérateurs de télécommunications et fournisseurs de solutions informatiques. C'est qu'il va falloir apporter du neuf pour convaincre les conducteurs de changer radicalement leurs habitudes et les anti-autos de modifier leur jugement. "Au Japon, dans les villes, un véhicule particulier parcourt seulement 30 kilomètres par jour en moyenne, donc même si la voiture électrique que nous allons lancer a une autonomie limitée à 160 km, cela apparaît suffisant", explique Kazuiro Doi, directeur des technologies de l'information chez Nissan. "Et pourtant, les conducteurs seront angoissés, perplexes", reconnaît-il. De fait, "il est essentiel de pouvoir leur dire en route où sont les points de recharge, autrement dit de mettre en place une plate-forme d'échange d'informations entre les voitures et les stations", en déduit M. Doi.

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Dans le cas de la voiture électrique, il faudra par exemple pouvoir indiquer les bornes dans un rayon de tant de kilomètres, dire combien sont libres ou vont l'être dans un délai donné et préciser au conducteur s'il a assez d'énergie pour s'y rendre et si le parcours n'est pas bouchonné, auquel cas, il serait mieux de faire un détour, si possible. "Si les trois bornes de la station la plus proche sont occupées et que la première libre ne le sera que dans 30 minutes, il est peut-être plus astucieux d'aller à une autre où une place est disponible, fut-elle un peu plus loin, à condition d'avoir l'autonomie suffisante et qu'il y ait réellement un gain de temps à la clef", détaille M. Doi. Bref, il faut un dispositif pour compulser et transmettre. Conscient également de cette nécessité d'accompagner les véhicules de nouvelle génération d'une suite complète de services innovants, le gouvernement japonais a lancé mi-juillet un appel aux constructeurs, fournisseurs de solutions techniques, entreprises de tous secteurs, organismes divers et collectivités locales pour imaginer, construire et expérimenter un système-modèle idéal. "Nous pensons que grâce aux technologies de l'information et de la communication, il sera possible d'offrir aux utilisateurs particuliers et professionnels de véhicules électriques une nouvelle infrastructure sociale rassurante, pratique et efficace", indique NTT Data, prestataire de solutions informatiques en réseau, candidat au projet. "Actuellement, des municipalités et sociétés mettent en place en ordre dispersé des systèmes de recharge, mais pour que la voiture électrique devienne vraiment un véhicule de masse, il faut une compatibilité entre tous les moyens", poursuit la filiale du géant nippon des télécommunications.

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Le groupe d'électronique NEC, qui est déjà associé à Nissan dans la fabrication de batteries lithium-ion, va aussi participer à ce programme de tests sous l'égide des pouvoirs publics. Il prévoit de s'atteler à la conception de bornes et des systèmes de gestion, d'encaissement et autres fonctions associées. Les stations-service ENEOS sont aussi de la partie ainsi que le fournisseur de solutions informatiques Unisys. Ils vont également réfléchir à la mise en place d'un réseau de location de voitures électriques en partage avec un dispositif automatique et un système de réservation en ligne. Encore un débouché pour les cartes à puce sans contact (identification par radiofréquences, RFID) faisant office d'identifiant, de clef et de moyen de paiement.
Par ailleurs, Nissan, Mitsubishi Motors et Fuji Heavy ont créé début août un groupe de travail avec la compagnie d'électricité Tokyo Electric Power (Tepco) pour standardiser les bornes de recharge rapide. Tepco a déjà développé avec chaque constructeur des stations dédiées à la recharge de leurs voitures électriques, mais l'objectif de ce groupe de travail est d'élaborer et adopter des normes communes afin de permettre à toutes les voitures électriques d'être rechargées en toute sécurité sur des bornes indifférenciées. Sont aussi jugées cruciales des solutions communes de paiement rapide, de sécurité ou encore de gestion des informations particulières relatives à chaque véhicule.

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La recharge rapide (80% de la batterie en 10 minutes) et les services afférents ne sont pas la seule solution proposée. La jeune pousse américaine Better Place espère également trouver des clients au Japon pour son dispositif d'échange rapide de batterie.

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Better Place vient d'ailleurs d'annoncer un test avec Nihon Kotsu, l'un des plus gros acteurs du secteur des taxis au Japon. Ce dernier va utiliser à titre expérimental, à partir de janvier, 3 ou 4 voitures électriques (dont la marque n'a pas été précisée) et les recharger en remplaçant la batterie en quelques dizaines de secondes grâce à des stations automatiques conçues par Better Place. Cette expérimentation, d'une durée de trois mois, aura lieu dans un périmètre restreint de Tokyo, dans le cadre des tests prévus par les pouvoirs publics. Elle doit permettre d'évaluer et fiabiliser les technologies devant favoriser l'adoption massive des voitures électriques. Pour le moment, à part quelques récents modèles hybrides noirs, la plupart des 55.000 taxis qui maraudent dans les rues de la capitale japonaise sont des berlines rouges, orange, jaunes, vertes, criardes, âgées, de marque Toyota ou Nissan, reconnaissables à mille lieues. Il en va de même dans tout le pays où les taxis représentent 2% des automobiles en circulation mais sont responsables de 20% des rejets de CO2 issus des pots d'échappement. Assurément, il y a des efforts à faire.

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Toutes ces initiatives, qui exigent des partenariat trans-sectoriels, visent à faire en sorte que le client soit tranquillisé et ne se focalise pas uniquement sur le coût du véhicule à l'achat, car les modèles électriques risquent dans un premier temps d'être plus onéreux que des équivalents à essence. "Pour que les voitures électriques attirent les clients, il est indispensable qu'elles apportent un bénéfice nouveau, qu'il y ait des éléments incitatifs en termes d'usage, et pas seulement purement financiers ou écologiques", insiste M. Doi. "Les consommateurs ne sont pas prêts à payer plus cher pour un véhicule uniquement parce qu'il est respectueux de l'environnement", martèle aussi l'actuel patron de Nissan, Carlos Ghosn, bien content d'avoir trouvé à son arrivée dans cette entreprise en 1999 des technologies (batteries lithium-ion) en cours de développement depuis le début de cette même décennie.

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Cependant, du nouveau, plus performant, moins cher et jamais vu, on en a trouvé ailleurs que chez Nissan, chez le professeur Hiroshi Shimizu. Ce spécialiste des voitures électriques a imaginé une technologie de châssis à roues motorisées qui, selon ses dires, permettra de produire un modèle offrant une autonomie de 300 km à "moins de 1,5 million de yens" (12.000 euros) en 2013.

La jeune entreprise SIM-Drive, fondée le 20 août par cet expert de l'Université Keio et soutenue par divers partenaires et personnalités du Japon, va mettre ses technologies, son savoir-faire, ses compétences à la disposition des constructeurs d'automobiles, équipementiers et fabricants de moteurs qui le souhaitent. "C'est open-source", assure-t-il. En échange, ces derniers devront apporter leur propre expérience industrielle et une contribution financière à la poursuite des travaux nécessaires (standardisation notamment) en vue de la production de voitures électriques. Il s'agit en résumé de fabriquer les voitures comme les ordinateurs, en associant des composants standardisés de diverses origines et en confiant la tâche à des assembleurs dont les produits se différentieront par leur design et fioritures. D'aucuns de prédire même que la voiture électrique deviendra ainsi un appareil électro-ménager.

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Le professeur Shimizu n'est toutefois pas un charlot ni un opportuniste intelligent qui se rue sur le concept en vogue du moment comme on risque d'en voir surgir ici et là. L'homme a à son actif 30 années de recherche dans les voitures électriques et a conçu pas moins de huit prototypes fonctionnels, dont un bolide baptisé Ellica qui a sillonné les routes du Japon plusieurs mois durant. "Je suis certain que grâce à la technologie que nous avons mise au point, il sera possible de développer une automobile à 5 places qui, produite en masse, coûtera moins de 1,5 million de yens" (12.000 euros au cours actuel), répète-t-il, volubile. Ce tarif ne comprend pas la batterie qui serait payée séparément en plusieurs échéances comme l'est actuellement l'essence en fonction de la consommation, précise-t-il toutefois. M. Shimizu a conçu une plate-forme radicalement différente de celles des véhicules actuels. Au lieu d'être mues par un moteur central, les roues sont elles-mêmes unitairement motorisées, ce qui, selon le co-développeur du concept, Takashi Takano, "permet de diviser par deux l'énergie requise". D'autres y ont aussi songé (Mitsubishi Motors par exemple), mais "nous sommes à ce jour à être parvenus à un stade proche de l'industrialisation", souligne M. Shimizu. Selon lui, les Toyota, Nissan, Honda et autres constructeurs japonais ou étrangers y viendront aussi car l'efficience du principe est inégalable avec un moteur central. La combinaison de quatre, six, huit ou douze roues de différentes puissances rend le système adaptable à tout type de véhicule, de la mini-voiture à deux places au bus, en passant par les automobiles de sport et les traditionnelles berlines. Selon M. Shimizu, il devrait être possible de monter des carrosseries de modèles existants sur sa plate-forme motorisée, voire de modifier des véhicules d'occasion.

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SIM-Drive, qui ne fabriquera pas ni ne commercialisera de voitures mais se contentera de fournir sa technologie et son savoir-faire, espère s'entourer dans un premier temps de 20 sociétés de divers horizons et nationalités avant d'en retenir un nombre inférieur pour les accompagner dans la phase de production. La nouvelle firme bénéficie pour l'heure d'un investissement de la maison de négoce Marubeni et trois partenaires qui se disent motivés par la cause environnementale: Gulliver International (distributeur de voitures), Benesse (édition-éducation) et Nano-Optonics Energy (composants électroniques)
SIM-Drive est présidée par Soichiro Fukutake, un entrepreneur-mécène plusieurs fois primé dans le domaine culturel, dirigée par M. Shimizu et conseillée par Nobuyuki Idei (ex-patron de Sony) et Jun Murai (spécialiste des questions environnementales de l'Université de Tokyo).

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"Fut un temps, dans les années 1970 et 1980, où vous, journalistes au Japon, étiez sans cesse mobilisés par des conférences de presse d'entreprises diverses nippones annonçant des premières mondiales", se remémore ledit M. Idei, citant entre autres exemples l'annonce du Walkman de Sony en 1979. "J'aimerais que l'on retrouve cette dynamique", conclut-il.

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