À Bercy, l'économie collaborative défend un statut propre

25 juin 2013 à 17h53
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De nombreux acteurs de l'économie collaborative ont été reçus ce matin au ministère de l'Économie et des Finances . L'occasion de lever le voile sur un marché en pleine naissance, qui bouleverse les méthodes de l'industrie et des services traditionnels.

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Du service de partage de voitures au financement participatif (ou crowdfunding), en passant par le partage de repas à domicile et les « Fab Labs », l'économie collaborative serait pour nombre d'acteurs du secteur le vecteur de « la troisième révolution industrielle ». Elle touche aujourd'hui tous les pans de l'économie, comme le tourisme, la culture, l'industrie, l'éducation et l'alimentation.

De très nombreux entrepreneurs se sont lancés dans cette voie, où le partage est roi. Certains d'entre eux peuvent même espérer concurrencer quelques entreprises historiques. Parlons ici de la location de logements entre particuliers et l'hôtellerie, ou encore la progression du covoiturage face au ferroviaire.

C'est dans ce contexte que Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée aux PME, à l'innovation et à l'économie numérique, a reçu nombre des acteurs de cette micro-économie, afin d'en dévoiler les contours et de déterminer les pistes qui permettraient de soutenir le secteur.

L'économie collaborative se distingue par son aspect très vaste et horizontal. De fait, elle demeure encore à ce jour difficile à quantifier et à évaluer. « Nous sommes un peu dans le même schéma que l'Internet au début des années 90, au point de départ. C'est ce qui justifie aussi le besoin de se réunir aujourd'hui », confirme Benjamin Tincq, co-fondateur de l'association OuiShare, qui vise à fédérer autour d'elle l'ensemble de l'écosystème collaboratif, avec une ambition internationale. C'est par son biais que le « Bercy Jam » s'est tenu ce mardi matin au ministère.

« On peut en revanche établir une tendance par secteur. À vue de nez je crois que le covoiturage transporte deux millions de personnes chaque mois en Europe (il s'agit là du nombre d'inscrits en Europe sur le service BlablaCar, ndlr), on compte plus de 2 500 espaces de “coworking” dans le monde, le “crowdfunding” a généré 3 milliards de dollars en 2012 et double chaque année », poursuit-il.

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L'économie collaborative, une mission d'intérêt général ?

L'ensemble des professionnels présents ce mardi se sont attachés à vanter tous les bienfaits de l'économie collaborative pour la société. S'agissant de la mobilité, de la logistique et du transport (covoiturage, partage de parkings, services de livraison de colis,etc), les services collaboratifs participeraient au désenclavement des régions, à un gain de flexibilité pour les utilisateurs tout en libérant du pouvoir d'achat. Les aspects potentiellement vertueux pour l'environnement ont également été mis en avant, le partage de voitures permettant par exemple d'économiser certains trajets.

Les effets bénéfiques de la mutualisation des moyens se retrouvent également dans les domaines de l'emploi, du travail et des services, avec l'essor du « coworking » qui facilite le lancement de certaines activités. Pour la culture et les voyages, les acteurs insistent sur le fait que le collaboratif permet de créer là encore un effet de communauté et d'échange. Mais surtout, les prix plus attractifs engendrent selon eux un effet « win-win », en permettant aux gens de voyager davantage. Le même constat s'impose dans le domaine de la consommation et de l'alimentation, censé servir la relocalisation d'emplois et agir pour le pouvoir d'achat des Français à travers les services de troc, de revente et de partage, tout en misant sur des produits de qualité et la confiance des consommateurs.

Pour la production, l'industrie et l'énergie, directement concernés par l'arrivée en France des Fab Labs, l'intérêt consiste en une certaine « implication citoyenne », en accédant à de nouveaux savoir-faire et en soutenant l'apprentissage.

Une économie qui doit être soutenue, et régulée ?

En dépit de toutes ses promesses, l'économie collaborative n'en est encore aujourd'hui qu'à ses prémices et suscite un certain nombre de questions. Le rapport qu'elle entretient avec des entreprises et des services plus « classiques » pose immanquablement la question de la mise en concurrence avec ses derniers. Une concurrence parfois jugée déloyale, comme ce fut le cas aux États-Unis avec la condamnation d'un homme qui avait proposé son logement sur Airbnb à New York.

Au-delà de la question d'un soutien à la filière se pose donc celle de sa régulation. Interrogé par nos soins, l'un des collaborateurs de Fleur Pellerin, chargé des questions numériques, confirme que la question peut, sur certains secteurs, se poser. « Il faut cependant rappeler qu'un service comme Airbnb contribue au tourisme national et nous amène des personnes qui ne seraient peut-être pas venues sans lui. Les Fab Labs, en revanche, sont totalement nouveaux et n'ont pas d'équivalent. On parle ici de bricolage numérique, qui va bien au-delà d'une activité de loisir. Ils peuvent permettre à des TPE de prototyper elles-mêmes un produit industrialisé », explique-t-il.

« On peut penser que certaines activités collaboratives investissent des segments proches de ceux d'acteurs traditionnels. Notre économie amène des modèles nouveaux qui chamboulent les modèles existants. Les entreprises classiques devront sans doute s'y adapter. », ajoute Benjamin Tincq.

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Fleur Pellerin lance un appel à projets pour 10 Fab Labs

Les débats ont principalement permis de mettre au jour quelques-unes des préoccupations de ces entrepreneurs du monde collaboratif. Ils ont pu lancer les pistes qui permettraient selon eux de soutenir cette économie. La création d'un « statut de plateforme collaborative » largement simplifié, indépendant de celui de l'autoentrepreneur, qui permettrait aux personnes se contentant de louer ponctuellement leurs véhicules par exemple de s'organiser très simplement a été évoquée. De même que la mise en place d'une franchise fiscale, en dessous de laquelle il ne serait pas nécessaire de déclarer ses revenus.

Pour gagner en visibilité, ils ont également eu l'occasion de demander la création de labels qui leur permettraient de se faire mieux connaître auprès du grand public et de générer une plus grande confiance. À condition toutefois que ces labels soient parlants pour le consommateur lambda et soient éventuellement relayés par les pouvoirs publics.

Fleur Pellerin s'est abstenue de toute promesse à l'égard des propositions formulées, même si, assure-t-elle, « certaines s'avèrent tout-à-fait intéressantes ». La ministre s'est contentée d'annoncer l'ouverture ce mardi d'un appel à projet, visant à financer l'ouverture de 10 nouveaux Fab Labs d'ici à fin 2013. « L'objectif que je me suis fixée c'est que des Fab Labs soient présents partout en France dans les trois ans » a-t-elle avancé. En attendant, Fleur Pellerin a d'ores et déjà promis de renouveler l'opération.
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