L'affaire Knight Capital rappelle les dérives du trading haute fréquence

14 août 2012 à 10h00
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La plupart des ordres d'achat et de vente sur les places boursières sont effectués par des logiciels, des milliers d'opérations à la seconde. L'affaire Knight Capital rappelle que ces algorithmes ne sont pas inébranlables. Leurs erreurs peuvent coûter des centaines de millions à l'économie réelle.

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La semaine dernière, le coutier Knight Capital perdait 440 millions de dollars. L'erreur n'était pas humaine. Il fallait plutôt chercher du côté du nouveau logiciel employé par Knight Capital, la société qui gère 15% des échanges à Wall Street, soit 20 milliards de dollars, ou encore huit fois le volume échangé au CAC 40. Le tout, de manière automatique, grâce aux transactions à haute fréquence (High Frequency Trading) effectuées par des algorithmes.

Ce 1er août, le logiciel n'a pas fonctionné correctement. Il a inondé le marché d'ordres anormaux, perturbant près de 140 titres, et provoquant un mini-krach à Wall Street. Il aura fallu 45 minutes pour repérer que la fuite venait de Knight Capital et de son nouvel algorithme de HFT. Le temps pour la société de perdre 440 millions de dollars.

Chaque jour, des millions d'ordres sont décidés par des logiciels préprogrammés, qui cherchent à tirer partie d'infimes écarts de prix entre plateformes boursières ou à anticiper le plus tôt possible des mouvements de marché. Une enquête de La Tribune en 2011 révélait qu'aux États-Unis, les actions étaient détenues en moyenne 22 secondes avant d'être revendues !

Pour se faire une idée de l'importance des sociétés de transactions haute fréquence, le site AdvanceTrading expliquait en 2009 qu'elles représentaient 2% des sociétés de courtage aux États-Unis, mais qu'elles géraient 73% de toutes les transactions boursières du pays.

En Europe, le phénomène gagne également de l'importance. Selon l'Autorité des marchés financiers (AMF), les transactions à haute fréquence représentent environ 50% des ordres émis et près de 20% des volumes en Europe.

Derrière ces opérations, on ne retrouve pas forcément des grandes banques, qui ont pignon sur rue. Le consultant en finance Farzine Fazel expliquait en 2011 au site Next-Finance que les acteurs des transactions à haute fréquence « ne sont pas connus du grand public, ce sont des boutiques spécialisées ou des fonds d'investissement ». Sur le marché des actions du CAC 40, ces sociétés sont notamment américaines : Citadel LLC, Global Electronic Trading Company et Knight Capital.

Des transactions rapides... et des pertes aussi rapides

Pour Costis Maglaras, directeur de recherche à la Graduate School of Business de l'université de Columbia et interrogé par l'AFP, « les marchés sont beaucoup plus efficaces aujourd'hui qu'il y a 20 ans, quand il fallait passer par de nombreux et coûteux intermédiaires ».

Il souligne également qu'il existe maintenant, au sein des firmes utilisant ces algorithmes et au niveau des plateformes d'échange, « des coupe-circuits capables d'empêcher un dérapage à grande échelle. Parfois, cela prend quelques millièmes de seconde, parfois quelques minutes », décrit-il, comme pour Knight Capital.

Ces garde-fous n'ont pas empêché la Bourse de perdre la tête, lors de l'épisode du « Flash Crach » du 6 mai 2010. Ce jour-là, l'indice industriel Dow Jones s'était effondré de 1 000 points avant d'en regagner 600 seulement 10 minutes plus tard. Dans l'intervalle, la perte se mesurait à 862 milliards de dollars, l'équivalent du produit intérieur brut des Pays-Bas. Le régulateur des marchés financiers américains, la SEC, démontrera ensuite dans son enquête que les algorithmes de HFT étaient bien à l'origine de ces échanges anormaux.

Selon Pierre-Cyrille Hautcoeur, professeur à l'École d'Économie de Paris, cité par l'AFP, l'amélioration des prix engendrée par les transactions à haute fréquence « ne bénéficie qu'à une poignée d'intervenants, mais pas aux petits investisseurs ».

« Il faut se pencher davantage sur le trading haute fréquence pour que les intervenants traditionnels ne soient pas défavorisés. Une des pistes à explorer serait de faire payer ou de décourager les personnes qui annulent une quantité d'ordres importante dans des délais très courts », réclamait récemment le nouveau président de l'Autorité des marchés financiers, Gérard Rameix.

Afin de tenter de réguler cette pratique, la France a récemment statué sur la question. Un décret publié la semaine dernière fixe une taxe de 0,01% sur toutes les transactions financières à haute fréquence réalisées en dessous d'une demi-seconde. La taxe s'appliquera aussi sur le montant des ordres annulés ou modifiés s'ils excèdent 80% des ordres passés en une journée.
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