Live Japon : Magazines de mangas, un pas vers le numérique

31 août 2013 à 15h51
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“Enfin !” est-on tenté d'écrire, des grands magazines japonais de manga proposent des versions électroniques (mais pas identiques) dérivées de leurs populaires périodiques. Reste à convaincre un lectorat qui a tellement de choix de lectures diverses en ligne (des livres à Twitter en passant pas les sites d'information et blogs-journaux intimes des amis) que le temps et la disponibilité d'esprit sont comptés.

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Ces dernières semaines, deux grands magazines de manga ont franchi le Rubicon: Shonen Jump, l'hebdomadaire-vedette des mangas pour adolescents (mais lu aussi par des grands) et Morning, autre hebdomadaire, destiné aux adultes.

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L'appli principale pour smartphones de Shonen Jump propose le sommaire du dernier numéro, des extraits à lire, des épisodes de séries dans leur intégralité, dont ceux de nouveaux mangaka et quelques fioritures supplémentaires comme des fonds d'écrans.

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Des épisodes peuvent être téléchargés et lus off-line, avec la difficulté habituelle lorsque l'écran est inférieur 6 pouces de diagonale: difficile de déchiffrer les bulles d'une page affichée dans son intégralité sans zoomer, ce qui oblige alors à effectuer des mouvements vers chaque vignette et est donc pénible.

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Parallèlement, Shonen Jump a lancé pour le mois d'août une autre application, Jump Live, qui , elle, propose une option payante (1,90 euro) et des contenus gratuits. Au menu, un nouveau manga par jour, des animations, des jeux, des inédits. Exemple: un réjouissant épisode de Dragon Ball (Akira Toriyama) en couleur, un autre de Monsieur Muscles (Kinnikuman, de Tsuno) ou encore un dialogue entre l'auteur des Aventures bizarres de Jojo, Hirohiko Araki, et celui de L'Ecole du crime (Yusei Matsui).

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Ce n'est pas tout. Shonen Jump offre une troisième appli, Shonen Book Store, via laquelle on peut acheter et télécharger des volumes-recueils complets des mangas parus dans le magazine. Des extraits sont lisibles gratuitement, ce qui n'est plus possible dans la plupart des librairies ayant pignon sur rue puisque presque tous les mangas y sont empaquetés sous un film plastique transparent. Parmi la librairie en ligne de Shonen Jump figurent des versions en couleur (ce qui est rare) dont celles de Naruto (Ninja incontournable), de Bakuman (sur l'univers impitoyable du manga), de Hunter x Hunter, de Bleach (très apprécié jusqu'en Nouvelle Calédonie), de Death Note (chaudement recommandé) et bien entendu de One Piece (carton indétrônable du moment).

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Toutes ces applis sont accompagnées de comptes Twitter pour faire la promo non seulement des applis mais aussi des nouvelles parutions en kiosque et en librairie. La maison d'édition Shueisha et son managzine-phare Shonen Jump (qui tire à plus de 2,5 ou 3 millions d'exemplaires par semaine) sont ainsi clairement en train d'essayer d'élargir à internet le « media-mix » qui fait le succès du manga, un cycle vertueux entre les différents supports. Cela a marché avec la TV (création de séries d'animation à partir des mangas), avec le cinéma (réalisation de films basés sur les mêmes scénarios), avec les jeux vidéo ou encore avec les produits dérivés (figurines, vêtements, accessoires divers).

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Jusqu'à présent, le Net s'est davantage inscrit comme un rival que comme un complément des magazines de mangas et c'est cet obstacle que veut manifestement enfoncer Shonen Jump. Avant lui, un autre hebdomadaire pour adolescents, Shonen Magazine, avait aussi lancé une appli, mais elle se limite en gros à présenter des mangas et vendre des versions numériques de tomes reliés (pas du managzine).

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Du côté de Morning, le contenu proposé en ligne avec l'appli D-Morning est quasi identique à celui présent dans la version papier, avec des séries-phares comme Cooking Papa ou Shizuku. Un hic cependant, deux têtes d'affiche, Vagabond et Billy Bat, n'existent pas en versions électroniques. La raison ? Leurs auteurs s'y opposent, ce qui ne surprend guère l'auteur de ces lignes. Naoki Urasawa (dessinateur de Billy Bat et avant cela de 20th Century Boys ou Pluto) nous avait confié lors d'un entretien exclusif il y a quatre ans qu'il était « absolument opposé » à la publication de ses mangas en version numérique, car ils étaient dessinés pour être lus sur papier.

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Combien de temps tiendra-t-il sur cette position? Quant à Takehiko Inoue, dessinateur de Vagabond, on imagine que vu la taille et la minutie de ses dessins, il n'apprécie pas de les voir réduits à un format mini sur un écran de 4 ou 5 pouces. Reste que l'absence de ces deux histoires dans le D-Morning est une grosse lacune. Le produit est toutefois très attractif par son prix. L'abonnement mensuel pour 4 parutions de Morning (qui est hebdomadaire) coûte 500 yens (un peu moins de 4 euros) contre 4 X 330 yens pour les numéros correspondants de l'édition sur papier. L'avantage financier est net, mais il faudra alors si on veut à tout prix lire Billy Bat et Vagabond, ajouter ensuite à parution le prix des volumes reliés de ces deux mangas.

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« La numérisation des mangazines est une évolution logique », estimait récemment dans la presse nippone le rédacteur en chef de Morning, dont le tirage est monté jusqu'à 1,4 million d'exemplaires par semaine à son plus haut avant de baisser à seulement 300 000 ces derniers temps. La version numérique est destinée à reconquérir les lecteurs occasionnels pour les transformer en fans d'une ou plusieurs séries prêts à payer tous les mois et acheter ensuite les tomes reliés.

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Rien n'est gagné cependant. Car en dépit de la sortie au Japon de plusieurs liseuses du même type que celles vendues à l'étranger (Kobo de Rakuten, Kindle d'Amazon et Reader de Sony notamment), de l'explosion des ventes de smartphones (et de tablettes dans une moindre mesure), le marché des livres électroniques peine encore à franchement décoller.

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Il y a à cela des raisons historiques. Ce marché était bien parti, d'abord tiré depuis une bonne demi-douzaine d'années par des ouvrages téléchargés sur des téléphones mobiles multimédias traditionnels (pas encore des smartphones, mais des surnommés feature phones ou « garake »). Les ouvrages en question étaient en outre en majorité des BL (Boys Love, mangas et nouvelles d'histoires d'amour d'homosexuels) et TL (Teens Love, mangas et nouvelles d'histoires d'amour d'adolescents), le tout étant lu par des jeunes femmes. En clair, ces demoiselles avaient opté pour la lecture sur mobile parce qu'il est plus discret de télécharger ce genre de bouquins et de les lire sur un écran protégé par un filtre que de se procurer le même style d'ouvrages un tantinet licencieux en librairie et de les dévorer dans le métro, devant les yeux interloqués d'autres passagers.

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Ces deux dernières années, la migration massive vers les smartphones a toutefois bouleversé la donne. En raison de problèmes techniques de conversion de contenus, les lecteurs (et surtout lectrices) de mangas sur mobiles traditionnels (i-mode ou autre) n'ont pas forcément continué sur smartphones avec les mêmes livres, parce qu'il n'existaient pas dans le format souhaité ou parce que d'autres lectures les ont accaparées (Line, Twitter, Facebook, etc). En outre, certains jeunes mangakas ou même des figures connues ont publié gratuitement leurs oeuvres (comme Black Jack ni yoroshiku ou Gantz) sans passer par leur maison d'édition et quitte même à se fâcher avec elle.

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En revanche, si le lectorat potentiel sur smartphones a augmenté, la bibliothèque est encore jugée insuffisante. Peu à peu toutefois, on constate une sorte de lissage du lectorat , avec des types de lecteurs et palmarès d'ouvrages électroniques très proches de ceux que l'on peut constater dans les traditionnelles librairies. Exemple: en tête des mangas les plus lus sous forme électronique arrive l'histoire de pirates One Piece, laquelle caracole aussi au sommet dans les librairies et est la locomotive de Shonen Jump.
Selon la société d'études Impress R&D, en 2012, le marché total des livres vendus sous forme numérique au Japon a atteint 72,9 milliards de yens (560 millions d'euros), en progression de 15,9% comparé à celui de l'année 2011.

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Impress souligne que le nombre de titres disponibles « s'est considérablement étendu, essentiellement grâce aux mangas » et que les nouveaux terminaux que sont les smartphones, les tablettes et les liseuses prennent le pas sur les mobiles traditionnels. Et Impress R&D de promettre un bond dans les années à venir. Le marché devrait ainsi atteindre 239 milliards de yens (1,8 milliard d'euros) en 2017. En ajoutant les recettes des périodiques numériques il devrait s'élever à 272 milliards de yens, grâce en partie à une vraie offre de magazines de mangas en versions téléchargeables de la part des grandes maisons d'édition que sont notamment Shueisha, Kodansha ou Shogakukan.

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Il faut rappeler au passage que sont publiés au Japon pas moins de 300 magazines de mangas, qu'ils soient hebdomadaires, bimensuels, mensuels, bimestriels ou trimestriels. La grande majorité ne sont absolument pas rentables. (Pour en savoir plus sur ce sujet, se reporter à Histoire du Manga, Karyn Poupée, éditions Tallandier, 2010, pas encore disponible en version numérique !).
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