Live Japon : Japanglais, le nouveau jargon techno

Karyn Poupée
Publié le 11 novembre 2012 à 10h43
Alors qu'enfle l'offre de services et produits technologiques, le quotidien économique nippon Nikkei Shimbun a eu la judicieuse idée d'interroger ses lecteurs pour dresser la liste des termes les plus incompréhensibles du jargon technique mais qui figurent néanmoins parmi les plus employés.

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Dans le classement établi par le Nikkei, arrive en tête un terme q'on croyait devenu banal: Wi-Fi. Erreur. Même si les Japonais s'équipent à une vitesse fulgurante de smartphones, iPod, tablettes et autres appareils nomades qu'ils peuvent connecter en réseau pas liaison sans fil, peu connaissent en réalité le sens et même la prononciation dudit vocable Wi-Fi (ouifi ou waïfaï ? ) qu'ils emploient pourtant très souvent. Certains confondent même avec Wii-Fit, l'accessoire de « fitness » de la console de jeu Wii de Nintendo. Idem pour Bluetooth, qui a mis du temps à venir aux oreilles des Nippons.

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Autre exemple, LTE. Désormais, les opérateurs japonais ne jurent que par cette technologie de réseau cellulaire qui offre en théorie des débits quasi équivalents à ceux de la fibre optique en mode fixe. Les publicités parlent de LTE, personne ne sait ce que cela veut dire (long term évolution), mais cela se vend quand même, et plutôt bien. Dans la même veine on trouve aussi 3G et 4G, des sigles qu'ont entendu et même peut-être utilisé la plupart des Nippons en ignorant leur véritable signification.

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Vous souriez ? Eh bien, vous ne devriez pas. Mettez-vous en effet à la place des Japonais. Non seulement les termes du jargon des technologies sont en caractères alphabétiques (que les Japonais n'utilisent pas), mais en plus ce sont souvent des néologismes et même des sigles ou acronymes tirés d'expressions anglaises. Comment voulez-vous qu'ils s'y retrouvent, d'autant que la plupart des Nippons ne sont pas anglophones.

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Quand en outre ils transcrivent la prononciation de l'un de ces termes en caractères de syllabaire « katakana », les phonèmes sont déformés car les « katakana » ne permettent pas de retranscrire fidèlement toutes les prononciations étrangères. Si bien que si un Japonais vous parle de Bluetooth il dira « bouroutousou » !

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Android, platina-band (bande de fréquences de 700 à 999Mhz), tablet, provider, appli, social game, contents, browser, interface, etc.... sont les autres termes qui restent en travers de la gorge des Japonais.

Comme le souligne en outre un spécialiste cité par le Nikkei, certains mots sont très éphémères. Et de donner en exemple « multimédia » et « ubiquitous » (omniprésent, pour parler de l'accès à internet par exemple), des mots qu'on entendait sans arrêt au Japon il y a quelques années mais qui sont aujourd'hui devenus rarissimes.

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Intéressant est aussi le fait que, malgré le caractère des plus abscons de la plupart des termes, ils soient si souvent employés dans les publicités. Le plus amusant se trouve sans doute cependant dans les annotations des lecteurs de cette étude du Nikkei très commentée sur la toile japonaise.

Ainsi un d'eux envie-t-il les Anglophones, « il suffirait pourtant qu'on écrive le jargon des TIC en idéogrammes pour qu'on s'en sente plus proche et qu'on mémorise. Ceux qui parlent anglais n'ont pas tant d'efforts à faire que nous ».

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Un autre se félicite de s'être offert une oreillette Bluetooth et voudrait que tout désormais soit Bluetooth.
« Wifi, je pensait que c'était "ouifi" comme hi-fi". Et puis "Gif", il faut dire "guif"? » s'interroge un troisième
« En japonais, comment on dit "tethering" ? », questionne un compère (tethering = utilisation d'un smartphone comme modem sans fil pour accéder à internet depuis d'autre terminaux).
« Le tethering, pourquoi un nom aussi compliqué? On pourrait pas dire routeur ? Et pourquoi ça coûte aussi cher, cette fonction ? »
« Je me demande comment font les vendeurs des boutiques d'électronique pour vendre ces technologies à des individus qui n'y comprennent rien ! », tranche un initié
« Même les modes d'emplois, chiants à lire, regorgent de termes incompréhensibles ! », renchérit un autre.

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Et la conversation se poursuit:
« Pourquoi on dit appli, je déteste ce mot, en gros c'est un soft, non ? »
« Ben pour un PC ou une console de jeux on dit soft, mais pour iOS ou Android, on dit application. Au passage, pour les galake (téléphones mobiles traditionnels nippons) on dit aussi appli, non ? »
« LTE, ça veut dire Litte Thing Every" ? »
« Pourquoi d'un seul coup on se met à dire "social game", alors qu'auparavant on disait "online game" ? »
« Online game avait peut-être une image un peu négative, accolée aux hard-core gamers", non ? »
« C'est plutôt que l'online game se joue sur PC ou console avec des graphismes très chiadés, tandis que le social game est plutôt un jeu simple pour téléphone mobile ».
« On pourrait dire Net-game, il me semble ».

Bref, les Japonais ont beau être technophiles, ils ne sont pas nécessairement adeptes du jargon qui va de pair s'il est de consonance anglophone. Ils ont tendance à vouloir le « japoniser ». Cela rend les termes encore plus étranges car éloignés de leur origine étymologique mais a le mérite d'en faciliter a prononciation: exemple « sumaho » à la place de « smartphone » ou « pasokon » pour « personal computer ».

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Cela n'est cependant pas nouveau et pas propre au jargon technologique. On trouve en effet dans la langue nippone nombre de vocables d'origine étrangère transformés, ne serait-ce qu'à cause des limites phoniques des syllabaires nippons: ainsi en est-il de « convenience store » devenu « konbini » (supérette de quartier multiservice ouverte jour et nuit), de « arbeit » (travail en allemand) devenu « arbeito » ou « baito » (petit boulot), de character (personnage) changé en « kyarakuta » ou encore de « building » mué en « biru », etc.

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Enfin, puisque nous arrivons en fin d'année et aux palmarès récapitulatifs, sachez que parmi les 50 expressions du millésime 2012 les Japonais retiendront surtout « genpatsu zero » (O énergie nucléaire), « ishinnokai » (nom d'un nouveau parti politique qui a le vent en poupe), ou « iPS saibo » (cellules souches pluripotentes induites), pour la découverte desquelles le chercheur nippon Shinya Yamanaka a reçu cette année le prix Nobel de médecine.

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Des termes issus du Net figurent aussi en bonne place dans cette liste, comme « ii ne », l'intitulé japonais du bouton « j'aime » de Facebook et, « netouyo », néologisme qui signifie grosso modo « l'extrême-droite du net ». Si on essayait de former un équivalent en français, ce serait peut-être « netionaliste », comme la mamie dans le manga de J.P. Nishi la semaine passée.
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