Live Japon : Internet et l'au-delà

27 août 2011 à 09h48
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Congés d'été à la mi-août rime pour beaucoup de Japonais avec oBon, une période autour du 15 août qui veut que, par tradition bouddhiste, l'on se rende au pied de la tombe de ses ancêtres pour l'entretenir et leur adresser des messages. Las, tous les Nippons, pour x-raison, n'ont pas la possibilité d'effectuer le voyage et s'en morfondent.

Face à ce souci qui en taraude plus d'un, des temples proposent de rendre hommage aux siens via internet, un espace immatériel qui fournit d'ailleurs de plus en plus de prestations en lien avec l'au-delà.

Les Japonais sont-ils prêts à accepter qu'après leur décès leurs proches se contentent de les honorer de façon virtuelle, y compris sur l'écran riquiqui de leur téléphone portable? Peut-être, mais à certaines conditions (lisez le manga du dessinateur japonais surnommé Jean-Paul Nishi, Taku Nishimura de son vrai nom).

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Certes, les utilisateurs de services de recueillement en ligne sont encore peu nombreux, mais ces nouvelles possibilités commencent à susciter un intérêt. La population japonaise vieillit, ce qui se traduit par un nombre croissant de décès et par une élévation de l'âge de ceux qui restent et qui, de facto, ont de plus en plus de difficultés à se rendre dans les cimetières. Quant aux éventuels petits enfants, ils s'éloignent souvent en grandissant de leurs terres natales provinciales. Rompus à l'usage des outils en ligne, ils sont a priori une cible réceptive. C'est en pensant à ces personnes qu'un temple de Tokyo a le premier proposé les visites en ligne.

Le principe est le suivant: une image de la sépulture est présentée à l'écran, permettant de prier devant. Parfois, les traditionnels objets que l'on utilise pour entretenir le lieu sont proposés, offrant de s'en saisir pour accomplir les gestes souhaitables. D'autres fois, au lieu d'une photo de la stèle est présentée une image vidéo en direct de cette dernière. Figure aussi une photo de la personne décédée, voire des clichés de famille. En haut de l'écran est aussi parfois affiché un message de remerciements pour être venu rendre hommage à l'être disparu. Comme en France, il arrive que plusieurs membres d'une même famille soient célébrés sous une même cippe, auquel cas les noms de tous sont inscrits en marge de l'image, exigeant que l'on sélectionne la personne auprès de laquelle on souhaite se recueillir.

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Au Japon, des établissements spéciaux offrent des prestations de luxe pour les services funèbres, et certains permettent aussi aux personnes éloignées de participer en ligne aux veillées funèbres et services religieux.

La crémation étant la pratique la plus courante, la conservation des cendres prend moins de place que celle de corps ce qui permet aussi de concevoir des sites spéciaux, dans des immeubles, avec des stèles configurables. Un système de carte à puce sans contact permet à la personne qui vient prier de désigner le défunt à honorer, auquel cas ses cendres, conservées dans une réserve spéciale dans une boîte, sont automatiquement apportées jusqu'à la stèle qui est ainsi personnalisable.

Au-delà des reproductions en ligne de monuments réels, existent aussi des lieux totalement virtuels comme Webreien (en japonais). Un service un peu similaire, Jardin du Souvenir, est aussi proposé en France.

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Ceux qui souhaitent ériger un monument virtuel à la mémoire d'un être cher s'inscrivent en mentionnant leur religion, le nom de la personne défunte, le type de fond sur lequel doit d'afficher la stèle, les fruits et fleurs à y poser. Il leur est enfin demandé d'envoyer une photo de l'individu honoré et de choisir un mot de passe pour ensuite pouvoir revenir en pélerinage virtuel. Le tout est gratuit.

Contre toute attente, les réactions du public sont plutôt favorables à ces innovations technologiques, même si d'aucuns, dotés d'un sens très pratique et ayant l'expérience des caprices informatiques, s'interrogent sur les risques liés à une panne de connexion, à un problème de serveur, à des bases de données erronées, etc.

De plus en plus considèrent que le net peut néanmoins constituer un moyen de garder le contact avec ceux partis dans l'au-delà. Les opportunistes proposeront assurément des offres allant dans ce sens.

Les prestataires de services relatifs à la mort et aux traditions funèbres nippones (dont on peu avoir un aperçu dans le film Okuribito -ou Departures- de Yojiro Takita, 2008) exploitent bien entendu déjà internet et toutes ses capacités pour présenter leurs offres, à l'instar de n'importe quel autre type de marchand. Il en est qui vont jusqu'à afficher des vidéos de membres de la famille d'un défunt pour saluer la qualité du service rendu. Les sites où sont listés tous les cimetières du pays sont quant à eux bardés de publicités pour les objets afférents et notamment, ces derniers mois, les techniques parasismiques pour éviter la chute des stèles.

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Pour les personnes qui n'ont pas le temps de nettoyer et arranger la pierre tombale de leurs proches, des entreprises, présentant leurs offres en ligne, proposent de s'en charger à leur place et de leur prouver avec des photos avant/après. La population nippone étant très protocolaire, à cheval sur le respect des rites, des sites expliquent par le menu comment procéder pour toutes les douloureuses et nombreuses procédures après un décès et sur l'art et la manière d'honorer le défunt au fil des mois et des années.

A noter aussi que le site américain Legacy.com, qui permet à tout un chacun de venir rendre hommage aux victimes de telle ou telle catastrophe ou personnes plus ou moins connues défuntes, en puisant les listes dans la presse consentante, suscite des débats au Japon, tout comme sans doute dans de nombreux pays.

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Sans même aller jusque-là, qu'on le souhaite ou non, Internet est en réalité déjà cimetière. Il existe en effet des millions de blogs écrits par des personnes aujourd'hui décédées et qui sont encore en partie consultés, par des individus ignorant parfois qu'ils naviguent sur le site d'un défunt, ou par des amis ou parents qui y effectuent des pèlerinages pour se souvenir.
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