Au Japon, les boutiques de jouets et gadgets ont ceci de particulier qu'elles attirent autant les adultes que les enfants. Il faut dire que les bambins sont de moins en moins nombreux dans l'archipel, peut-être parce que les garçons manquent de confiance en eux pour draguer les filles, et que l'âge du mariage tend à reculer. Ces deux faits ne favorisent pas la procréation puisque les Nippones sont de plus en plus exigeantes quant au choix de leur partenaire (bon travail et gros salaire stables souhaités), et qu'au Japon on ne fait pas de bébé si on n'a pas la bague au doigt.
Comme la population enfantine décroît et que cela risque de durer, les fabricants de jouets se tournent vers les jeunes adultes, lesquels se trouvent de bonnes ou mauvaises raisons de s'offrir un "planétarium de chambre" ou un autre gadget électronique du même acabit comme il en existe par dizaines ici.
Après vous avoir abreuvés d'articles très sérieux ces dernières semaines, voici un petit florilège léger pour vous aérer l'esprit sans pour autant bannir la réflexion.
Des écoliers aux sexagénaires, filles et garçons, tout le monde au Japon lit ou a lu des mangas. Tout le monde connaît les héros emblématiques du genre. Il existe à tout le moins une icône exemplaire pour chaque catégorie de lecteurs. De fait, lorsqu'un fabricant de produits, quels qu'ils soient, veut accroître ses chances de vendre sa marchandise à un public précis, eh bien il emprunte une des figures vedettes à même d'attirer la cible désirée.
Et voici pourquoi l'on trouve en rayon des podomètres signés Bandai, à l'effigie de Lady Oscar, une des héroïnes du manga La Rose de Versailles de Riyoko Ikeda, ou de Shima Kosaku (le personnage central d'une interminable saga de Kenshi Hirokane sur la vie de ce salarié-modèle, aujourd'hui devenu patron). La Rose de Versailles a marqué la génération des femmes japonaises nées dans les années 1950, puis les suivantes, en quête de liberté et de pouvoir ou émues par la vie de Marie-Antoinette. Shima Kosaku est quant à lui l'archétype des hommes nippons nés dans l'immédiat après-guerre, de la trempe de ceux qui ont accompli le parcours fléché parfait. Qui plus est, ce Shima a un succès enviable auprès de la gent féminine. Bref, dans les deux cas, Lady Oscar et Kosaku Shima font figure de meneurs, d'entraîneurs.
Rien de tel donc pour inciter les Japonaises et Japonais à aller de l'avant, à marcher gaillardement en comptant leurs pas. Ces podomètres, dotés d'un accéléromètre à trois axes, se placent dans la poche ou dans un sac. Ils totalisent les pas effectués, nombre en fonction duquel évolue une histoire qui s'affiche sur l'écran à cristaux liquides. Au fur et à mesure, comme dans un jeu vidéo, des événements se produisent qui montrent la progression et forcent à aller plus loin. Le tout est complété par un site internet spécial où l'on enregistre ses performances et où l'on peut même obtenir des conseils pour atteindre le but visé dans le temps imparti. Voilà qui est censé motiver les adultes manquant d'entrain. Et ça marche !
Dans la série nostalgie quand tu les tiens, sont apparus plus ou moins récemment en rayon deux objets qui rappellent de jolis moments à deux générations de Japonais.
Le premier, de Takara-Tomy, est une tirelire électronique, reproduction miniature des tables qui ont envahi des cafés japonais à la fin des années 1970. Il s'agissait des premières bornes de jeu vidéo Space Invaders sur lesquelles se sont rués et décervelés les étudiants et adultes japonais de l'époque, jouant des heures durant en fumant clope sur clope et ne songeant ainsi plus à manifester bruyamment comme ils le faisaient encore quelques années auparavant. Ces tables aux parties payantes ont eu un tel succès que les autorités japonaises ont été contraintes de battre davantage monnaie! Véridique.
Les petits frères des adeptes de Space Invaders première mouture gardent quant à eux un souvenir attendri pour les premiers jeux électroniques de poche créés par Nintendo, les fameux "Game & watch", dont quelques exemplaires se monnayent aujourd'hui au prix fort dans des boutiques spécialisées de Tokyo. Pour moins de 1.000 yens (9 euros), on trouve également depuis peu chez Tomy des porte-clefs copies presque conformes, munis d'un écran à cristaux liquides ou se meuvent les pieuvres, pizza et autres créatures ou objets apparaissant dans les différents jeux. Toutefois, les boutons sont inefficaces: on ne peut que regarder et se remémorer.
Regarder, et de très près même, en très gros, qui plus est, tel est l'objectif d'un engin de Bandai appelé Eyeclops, un genre de microscope à brancher sur une télévision et à poser sur sa tête, ses mains, la moquette, un billet de banque ou n'importe quoi d'autre pour voir ce que l'oeil ne peut pas deviner seul.
Voir ce qui est généralement caché, tel est aussi la possibilité offerte par l'Antquarium, une espèce d'aquarium à travers lequel on peut suivre la vie secrète des fourmis (différente de celle des Japonais contrairement aux dires d'antan d'une certaine Edith Cresson). Ce divertissement, conçu par la jeune firme japonaise Outride Brandship Builder, est dérivé d'une expérience conduite en 2000 par l'agence spatiale américaine Nasa à bord d'une navette.
Autres trouvailles qui intriguent: les amusements qui forcent la concentration, dont des jeux d'entraînement des méninges. Diverses déclinaisons existent sous forme de petits appareils autonomes, comme le "No Tore" (Noryoku Training Ki - machine d'entrainement de puissance cérébrale) de Sega Toys. Ce modèle a été imaginé avec le fameux Dr. Kawashima dont les réalisations ont incité des millions de vieux Nippons à s'acheter une console de jeu vidéo portable DS de Nintendo.
Plus récemment, sont arrivés sur le marché des engins où la réflexion et la célérité comptent moins que la capacité à focaliser son attention sur une pensée. Ces divertissements utilisent les signaux générés dans le cerveau pour activer un objet. Il paraît que ce genre de truc fait aussi recette en Occident. Au Japon, on en trouve une variante à balle en lévitation, chez Sega Toys, le MindFlex, "conçu aussi bien pour les enfants que pour les adultes".
Autre façon de muscler sa cervelle en s'amusant, le jeux de cartes "KY", imaginé pour apprendre le langage abscons "KY". Inventée par les jeunes Japonais, cette cacographie consiste à synthétiser en initiales des portions de phrases nippones à partir de leur prononciation transcrite en caractères alphabétiques. "KY", qui donne son nom à ce jargon (déjà un peu passé de mode), est ainsi la transcription de "Kuki Yomenai" ("qui ne sait pas lire l'air ambiant", autrement dit "qui ne pige rien à la situation"). Il existe des dizaines de sigles, et des bigrement tordants.
Après tant d'efforts cérébraux; repos, relax, relâche: non, pas encore le planétarium et ses douces étoiles, mais du gros son et des spots puissants avec une mini-scène de concert, "LiveDream" (SegaToys), une maquette animée et sonore pour adultes, comme il en existait déjà auparavant, et de très populaires, déversant du jazz classique. Synthé, guitare électrique, basse et batterie s'agitent cette fois au rythme de grands standards du rock (intégrés), dont, "20Th Century Boy" de T-Rex. Ce titre évoque désormais pour tout Japonais le fabuleux manga "Niju seiki shonen" ("20th Century Boys") de Naoki Urasawa. Lecture chaudement recommandée, n'est-ce pas cher Nishi-san ?