Des milliers d'internautes publient chaque jour des avis négatifs sur des hôtels, restaurants ou commerces. Un mot de travers peut vous mener directement devant un tribunal et vous coûter jusqu'à 12 000 euros d'amende.

Vous rentrez de vos congés et vous avez séjourné dans un hôtel qui ne correspondait en rien à la description lue sur Booking.com ? Le restaurant que vous vous êtes offert pour la dernière soirée de vos vacances ne vous a pas servi les plats proposés à la carte ? Pire encore, le calme promis du camping 5 étoiles dans lequel vous avez loué un cottage grand luxe a laissé place aux soirées karaoké et aux animations survoltées tout au long de la journée ?
Forcément, la moutarde vous monte au nez et vous n'avez qu'une envie : dire aux gérants de quel bois vous vous chauffez. Et vous en avez le droit. Mais pas n'importe comment. La loi française vous autorise à exprimer votre mécontentement, à raconter votre séjour catastrophique ou votre repas raté. Chaque mot que vous tapez sur votre clavier compte pourtant. Une phrase trop agressive, une accusation que vous ne pourrez pas prouver, et vous voilà convoqué au tribunal. Les décisions de justice récentes le prouvent chaque semaine.
Déposer un avis en ligne engage votre responsabilité personnelle
En avril 2025, la Cour d'appel de Paris statue que diffuser de faux avis anonymes pour nuire à un concurrent devient officiellement une pratique commerciale déloyale. Les sanctions tombent : deux ans de prison ferme et 300 000 euros d'amende maximum. La Cour de cassation confirme même que les plateformes peuvent supprimer vos contenus diffamatoires même si vous restez anonyme.
L'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme vous garantit le droit de vous exprimer librement. De la même façon, vous pouvez raconter votre expérience décevante, décrire un accueil glacial ou critiquer un service bâclé. Mais attention aux mots que vous choisissez.
La diffamation commence dès que vous portez atteinte à la réputation de quelqu'un sans pouvoir le prouver. Traiter un hôtelier d'« escroc », affirmer qu'un restaurant sert de la « nourriture empoisonnée » ou prétendre qu'un camping pratique des « arnaques » sans éléments concrets : ces accusations vous mènent droit au tribunal. Les juges reconnaissent que vos mots sur Google Avis ou TripAdvisor peuvent détruire une réputation, même si vous pensiez juste « vous défouler ».
L'addition peut vous coûter jusqu'à 12 000 euros d'amende. Et ce n'est pas fini : les dommages et intérêts s'ajoutent à la facture. La DGCCRF constate que 35% des entreprises qu'elle contrôle subissent ou pratiquent des manipulations d'avis. Les autorités surveillent de plus en plus près ces pratiques.
Les tribunaux frappent de plus en plus fort
Les juges n'hésitent plus à sanctionner dès que vos critiques dérapent vers l'insulte ou la calomnie. Voici ce qui attend les internautes trop virulents dans leurs commentaires.
En 2013, un internaute a publié un avis totalement mensonger sur un restaurant dijonnais avant son ouverture. Ce commentaire négatif infondé a nui à l’établissement, qui a engagé des poursuites. La justice a condamné l’auteur à verser 2 500 euros de dommages et intérêts, ainsi que 5 000 euros de frais de justice à la victime. Cette décision illustre le poids judiciaire qui pèse sur les faux avis en ligne, même lorsque les faits sont inventés et que l’établissement n’a pas encore commencé son activité.
En juin 2022, un ancien client d’une étude notariale à Amiens a posté deux avis très défavorables sur Google, le qualifiant notamment d’« escroc de notaire ». Ces propos ont conduit la notaire à engager une procédure en diffamation par citation directe. Le tribunal a retenu la qualification d’injure publique et a condamné l’auteur à 800 euros d’amende avec sursis. Il lui a aussi ordonné de verser 1 000 euros de dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi, ainsi que 800 euros au titre des frais de justice engagés par la notaire.
Toujours en juin 2022, une agence immobilière parisienne a assigné une internaute pour six avis négatifs déposés sur sa fiche Google My Business, où chacun affichait une seule étoile. Ces avis sont restés en ligne environ sept mois. L’agence a démontré que ses demandes de contact avaient presque doublé après le retrait des commentaires litigieux. Le tribunal a relevé qu’il n’était pas nécessaire de prouver que ces avis étaient l’unique cause du recul d’activité, mais leur impact important justifiait une relation de cause à effet. Les juges ont qualifié ces propos de dénigrants et ont retenu la responsabilité extra-contractuelle de l’auteure, sur la base de l’article 1240 du Code civil. Ils ont condamné cette dernière à verser 3 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi, ainsi que 4 000 euros pour les frais de justice engagés par l’agence, notamment les démarches visant à révéler l’identité de la responsable des avis. Le total de la condamnation s’élève donc à 7 000 euros.
Comme on le voit, la justice prend au sérieux l'impact de vos avis sur la survie des entreprises.
Comment critiquer sans finir au tribunal
Vous voulez vider votre sac après des vacances gâchées ? Racontez simplement ce qui vous est arrivé. « Le service était d'une lenteur exaspérante », « la chambre sentait le moisi », « les photos ne correspondaient absolument pas à la réalité » : ces descriptions factuelles restent dans le cadre légal.
Bannissez les gros mots et les accusations que vous ne pourriez pas prouver devant un juge. Vous pensez que l'hôtelier vous a arnaqué ? Gardez cette opinion pour vous et contentez-vous de décrire les faits : « j'ai payé 150 euros pour une chambre avec vue sur mer, j'ai eu une vue sur le parking ». C'est plus efficace et moins risqué.
Relisez toujours votre avis avant de cliquer sur « publier ». N'inventez rien, ne dramatisez pas. Vous avez un gros conflit avec l'établissement ? Écrivez d'abord directement au gérant. Cette démarche résout souvent le problème mieux qu'un avis vengeur qui pourrait vous coûter cher.
Google, TripAdvisor et les autres plateformes suppriment les commentaires signalés comme diffamatoires. Mais votre responsabilité juridique reste entière : si le professionnel vous attaque en justice, vous devrez répondre de vos mots devant un tribunal.
60% des consommateurs lisent les avis avant de réserver ou d'acheter selon les dernières études. Votre commentaire peut faire la différence entre le succès et la faillite d'un petit commerce. Rédigez-le avec cette responsabilité en tête.
Pour aller plus loin, sachez que la directive européenne Omnibus impose depuis mai 2022 aux plateformes de vérifier que les avis publiés sont authentiques. La DGCCRF utilise désormais l'algorithme « Polygraphe » pour traquer les faux commentaires : cet outil analyse le style d'écriture, la fréquence de publication et les liens entre les comptes suspects. L'Autorité de régulation professionnelle de la publicité recense plus de 2 000 signalements liés aux faux avis en 2024, soit 40% de plus qu'en 2023. Les entreprises qui organisent ces fraudes risquent deux ans de prison et 300 000 euros d'amende. Ces contrôles renforcés changent la donne pour tous ceux qui pensaient pouvoir manipuler les avis sans conséquences.
Source : Ministère de l'Économie, France Info, Votre Réputation