La Commission européenne accuse Vivendi d'avoir potentiellement violé le droit de la concurrence. Bruxelles reproche au groupe français d'avoir pris le contrôle de Lagardère bien trop tôt, ce qui pourrait lui coûter cher.

Ce n'est pas un tremblement de terre, mais dans le monde des médias, où Vivendi est l'un des rois, cela pourrait y ressembler. Quand un géant du secteur joue avec les règles européennes, Bruxelles ne plaisante pas et le fait savoir. Vivendi se retrouve aujourd'hui dans une situation délicate après avoir été accusé d'avoir pris le contrôle de Lagardère avant même d'avoir obtenu toutes les autorisations nécessaires. Une affaire qui pourrait coûter très cher au groupe français.
Vivendi accusé par l'Europe d'avoir anticipé le contrôle de Lagardère
L'affaire dont nous parlons remonte à 2022, quand Vivendi notifiait officiellement son intention d'acquérir Lagardère à la Commission européenne, c'était un 24 octobre pour l'anecdote. Selon les enquêteurs de Bruxelles, le groupe n'a pas attendu le feu vert pour commencer à tirer les ficelles. Une stratégie ô combien risquée, à l'époque, et qui pourrait aujourd'hui se retourner contre lui.
Les médias du groupe Lagardère, à savoir Europe 1, Paris Match et le Journal du Dimanche, auraient été directement pilotés par Vivendi bien avant l'autorisation officielle. Un contrôle qui touchait aussi bien la ligne éditoriale que les choix de couverture, transformant de facto l'acquisition en prise de contrôle anticipée. Cette pratique est formellement interdite par le droit européen des concentrations.
La Commission avait pourtant autorisé l'opération en juin 2023, alors pourquoi adopter cette position aujourd'hui envers le groupe aux mains de la famille Bolloré ? Parce qu'en fait, l'UE avait imposé des conditions strictes : Vivendi devait céder sa maison d'édition Editis et le magazine Gala. Or, ces cessions n'ont été finalisées qu'en octobre et novembre 2023, soit plusieurs mois après que le groupe Vivendi ait commencé à exercer son influence sur Lagardère.
Les coulisses d'une influence installée bien trop tôt
Les enquêteurs de la Commission ont découvert que Vivendi intervenait régulièrement dans les décisions stratégiques de Lagardère, notamment sur les choix éditoriaux. Les équipes de Paris Match et du Journal du Dimanche ont ainsi vu leurs décisions supervisées par leur futur propriétaire, ce qui a créé une situation de contrôle de fait, bien avant le contrôle de droit.
Ça ne s'arrête pas là, puisque l'influence s'étendait également aux ressources humaines, avec des interventions directes dans les recrutements et licenciements de journalistes. Une ingérence qui touchait même Europe 1, où la programmation était désormais soumise à l'approbation de Vivendi. Ces pratiques révèlent une mainmise bien plus précoce que ce que laissaient entendre les documents officiels.
Les conséquences financières pourraient être lourdes pour Vivendi et Vincent Bolloré. La Commission peut en effet légalement infliger des amendes allant jusqu'à 10% du chiffre d'affaires mondial du groupe. Un montant potentiellement considérable, qui transformerait l'acquisition piégeuse de Lagardère en opération particulièrement coûteuse pour le groupe français, d'autant que l'enquête porte sur trois périodes distinctes de violations présumées. Affaire à suivre, donc, en notant que Vivendi doit maintenant répondre aux inquiétudes de Bruxelles.