Le centre de distribution Amazon de Brétigny, le premier robotique de France, a ouvert ses portes à Clubic pendant les Prime Days. L’entrepôt, 70 000 m² au sol, tourne à plein régime. Reportage.

Amazon nous avait donné rendez-vous Porte Maillot à Paris, pour rejoindre en taxi son entrepôt de Brétigny, à moins d’une heure de route en voiture. Ce centre de distribution traite des centaines de milliers d’articles chaque jour, de petites et moyennes tailles. Sur place, 4 500 personnes sont aidées de 4 000 robots autonomes au quotidien. Alors qu’on pourrait croire que cette cohabitation homme-machine est un « joyeux bordel », il n’en est rien. Même en plein Prime Days, pendant notre visite, on se rend rapidement compte qu’au milieu des colis, règne presque un calme étonnant.
Amazon stocke beaucoup plus de produits dans ses entrepôts, grâce aux robots
Le site de Brétigny, Amazon l’a baptisé « ORY4 », car proche de l’aéroport d’Orly (ORY) et quatrième site de la zone. Assez impressionnant, il s’étend sur 70 000 m², et comme le rappelle Jean-Stéphane Phinera-Horth, son directeur, il est « le premier site robotique en France ». Il est construit sur une ancienne zone militaire réhabilitée, et voilà qu’il abrite désormais des dizaines de millions d’articles.

L’architecture du site revisite les codes traditionnels, les postes de travail se situent en périphérie, tandis que l’intérieur héberge 40 000 armoires mobiles transportées par des robots autonomes. « Comparé à un site habituel, on est capable de stocker à surface équivalente 40 à 50% en plus d’inventaire », précise le directeur, chez Amazon depuis 14 ans. Il n’y a donc pas d’allées entre les étagères, et le parcours du produit, de son arrivée dans l’entrepôt jusqu’à l'expédition, forme presque une boucle.
Le système fonctionne avec précision à chaque instant. Des capteurs placés sur absolument tout le parcours s’en assurent. Les robots, eux, constituent le cœur technologique du site. Dans un incessant ballet, ils suivent des QR codes au sol pour se repérer et maintiennent leur batterie entre 40 et 60%. Ils retournent en recharge dès qu’ils tombent sous ce seuil, pour éviter le coupe de la panne.
« Plusieurs dizaines de millions d’articles sont disposés sur ces robots chaque jour, de façon aléatoire », détaille Jean-Stéphane Phinera-Horth. Cela permet d’éviter les embouteillages qu’on pourrait trouver dans un magasin traditionnel par exemple. Ils font disparaître les allées au sein desquelles pouvaient fourmiller des collaborateurs, il fut un temps. Le centre gagne en fluidité, et les salariés peuvent se concentrer sur des tâches moins physiques.
L’intelligence artificielle, de plus en plus présente dans les process d’Amazon
« L’intelligence artificielle générative est partout », nous affirme Jean-Stéphane Phinera-Horth. Ah, que veut-il dire ? Si on ouvre la parenthèse, l’IA débute en fait dès la commande du client. À ce moment-là, le système détermine automatiquement quel centre de distribution traitera la commande selon la proximité, la disponibilité du stock et la capacité opérationnelle. Cette optimisation permet d’expédier une commande en moins de deux heures désormais.
Julien Lépine, directeur architectes solutions AWS (Amazon Web Services, la branche Cloud et IA du mastodonte), détaille la transformation technique. « On utilise des algorithmes d’intelligence artificielle qui permettent de piloter au plus près finalement l’ensemble de ces robots ». Le système dit DeepFleet, une IA déployée aux États-Unis la semaine dernière et bientôt en Europe, permet aux robots de prendre des décisions autonomes, ce qui leur permet déjà de réduire de 10% leurs déplacements. Prometteur.
Une innovation que l’on trouve remarquable, c’est l’ergonomie personnalisée. Depuis 2023, l’intelligence artificielle analyse la morphologie de chaque employé. « Cette IA peut amener aux collaborateurs des armoires avec l’espace nécessaire pour pouvoir mettre en stock, et à la bonne hauteur », explique le directeur. Un système de vision par caméra a d’ailleurs remplacé les fastidieuses opérations de scan des anciens entrepôts.
Le processus ultra précis de la gestion des produits et des commandes
Revenons plus précisément au centre de distribution de Brétigny. Ce dernier dispose de 150 postes de mise en stock, et autant en prélèvement, situés à un niveau supérieur de celui où arrivent les marchandises, où se trouvent les convoyeurs. Ces postes sont justement connectés par 5 à 7 kilomètres de convoyeurs. Notons qu’ils sont modulaires et peuvent basculer entre le stockage des marchandises, et le prélèvement des produits pour expédition, selon les besoins. « On est capable de le faire, et vice versa », confirme Jean-Stéphane Phinera-Horth. « La flexibilité est cruciale pendant les pics d’activité. » Et les Prime Days en sont une !
Partout, on retrouve des bacs noirs, à l’intérieur desquels on peut retrouver entre 10 et 15 produits différents. Très importants, ils transitent automatiquement des camions vers les étages de stockage, où se trouvent les robots, puis redescendent vers l’emballage, au niveau 0. « Encore une fois, l’intelligence artificielle aide le salarié à lui indiquer les emplacements optimaux pour positionner l’article », précise le directeur.
Sur l’étape de la mise en stock, des projecteurs pointent des effets lumineux sur la ou les cases dans lesquelles chaque produit peut-être disposé sur les armoires. Si c’est blanc, on peut y mettre le produit. Si c’est indigo (ou magenta, tout le monde n’est pas d’accord sur la couleur exacte), alors il ne vaut mieux pas le ranger dans cette case. Pour le prélèvement, le système est presque le même : la case où se trouve le produit à récupérer pour l’acheminer vers l’emballage s’allume en blanc.
Pour remplir les cartons, la procédure est coupée en deux : d’un côté, on retrouve la préparation de commandes multiples, désormais majoritaires ; et de l’autre, les commandes simples, autrement dit l’emballage qui ne comporte qu’un seul produit.
La sécurité et la surveillance du bon voyage des colis dans l’entrepôt, c’est tout le temps
Un peu partout sous les rails qui servent à faire circuler les produits puis les colis, on retrouve des petits boîtiers orange. Collés sur chaque moteur, ils captent les vibrations, la température et les bruits. Ils servent ici à faire de la maintenance prédictive, plutôt que de la maintenance réactive traditionnelle. « Le but, c'est vraiment d'avoir tous les signaux avant-coureurs d'une panne », explique Julien Lépine.
Les robots qui passent leur journée à se croiser en contrôlant leur déplacement, peuvent parfois se rentrer dedans. L’un d’eux peut aussi se bloquer. Si cela arrive, on fait appel à « l’homme au harnais », ou l’Amnesty Floor Manager. Ce dernier est littéralement équipé d’un harnais qu’il enfile, et d’une tablette, qui va lui permettre d’intervenir sur la zone.
Ici, Jérémy fait partie de la dizaine de personnes habilitées à intervenir sur la zone robotique. Partout où il se déplace, son harnais émet des ondes qui bloquent absolument toutes les machines se trouvant 6 ou 7 mètres autour de lui, comme une bulle de sécurité. « Quand vous avez des robots qui se déplacent à 12 km/h et qui transportent de grosses charges, mieux vaut faire usage de la sécurité, car s’ils peuvent détecter un objet au sol, les robots ne sont pas conçus pour s’arrêter quand il y a quelqu’un », nous explique-t-il.
Autour de la plupart des tapis roulants existe une distance de sécurité à ne pas transgresser. En somme, si vous vous rapprochez un peu trop, le système se bloque. La machine chargée de coller l’étiquette sur un colis, peu importe sa forme, peut générer un faux positif, certes rare. Dans la seconde après avoir reçu son étiquette, le colis est à nouveau scanné. Si le système s’aperçoit que l’étiquette n’est pas bien installée, le colis prend un chemin bis et tombe en Problem Solve, pour qu’il soit traité manuellement.
On peut enfin évoquer l’espèce de salle de contrôle ouverte qui réunit les équipes RME (Reliability Maintenance Engineering) et les équipes opérationnelles, qui veillent au bon fonctionnement du site. Il s’agit d’une sorte de jumeau numérique du centre de distribution, qui fait en sorte de signaler tout élément de blocage. Les équipes sont d’ailleurs en train de tester Quartz, une IA qui nous fait penser au SNCF GPT que nous vous présentions récemment.
Cette plateforme utilise l’IA générative, en l’occurrence du RAG, qui permet aux opérateurs d’avoir accès à l’ensemble des documents liés à toutes les procédures possibles et imaginables, ainsi qu’à l’historique des précédents incidents. Les salariés de Brétigny sont en ce moment en train d’être formés à l’usage de Quatz, qui pourra par exemple aider à rapidement identifier et connaître la disponibilité d’une pièce qui demanderait à être remplacée.
Les belles promesses d'Amazon pour soigner ses colis d'aujourd'hui et de demain
Contrairement aux idées reçues, l’automatisation ne tue pas l’emploi. De ce que nous dit Amazon, 8 000 emplois directs ont été créés en France par l’entreprise, depuis l’émergence de la robotique. Le fameux AFM, dont nous parlions, en fait partie. Mais Amazon ne lésine pas sur les moyens pour accélérer la formation dans l’Hexagone. « 50 millions d’euros seront investis d’ici à fin 2030 pour favoriser la montée en compétences de nos collaborateurs », déclare Jean-Stéphane Phinera-Horth. L’école Amazon a aussi formé 1 300 salariés depuis 2021, tandis que « 76% de nos superviseurs ont été des agents logistiques à la base », rappelle-t-il.
Juline Lépine, lui, évoque aussi l’avenir. « On a un robot, Vulcain, présenté à Dortmund au mois de mai, qui est l’un des premiers robots qui a le sens du toucher ». Ce robot de nouvelle génération, dont on imagine les apports en productivité grâce à son pouvoir de manipulation des produits directement dans les étagères, devrait arriver d'ici deux ans aux États-Unis, puis en Europe.
La question de l’emballage est aussi importante. On ne va pas vous mentir, il reste encore beaucoup de cartons dans le centre de distribution de Brétigny, mais les premiers efforts sont bien visibles. Les sacs papier, 90% plus légers que les cartons, sont sélectionnés automatiquement selon le produit. « On travaille justement avec nos fournisseurs là-dessus, parce qu'il y a des critères particuliers pour s'assurer que le produit arrive en bon état », détaille Jean-Stéphane Phinera-Horth.
Une innovation est née d’une idée d’employé : la machine à scotch automatique, désormais déployées partout dans le monde. Encore un signe des progrès d’Amazon, qui doit faire plus encore alors que les colis sont toujours plus nombreux à transiter sur nos routes, sur les rails et dans les airs.
Le centre de Brétigny, qui dessert principalement les 300 kilomètres autour de Paris depuis des stations de livraison comme celle située à 15 kilomètres du site, incarne cette marche où l’humain et la machine pourraient redéfinir l’avenir de la logistique.