La SNCF veut aider un maximum de ses 290 000 employés à se familiariser avec l'intelligence artificielle. Du partenariat avec Mistral AI au fameux SNCF GPT, Clubic a échangé avec Julien Nicolas, le monsieur IA et numérique de la compagnie.

La transformation numérique de la SNCF passe par l'intelligence artificielle. La discipline, qui a connu un coup d'accélérateur avec l'explosion des robots conversationnels comme ChatGPT, inspire évidemment la compagnie ferroviaire. Julien Nicolas, le directeur numérique et IA du groupe que nous avons pu rencontrer lors de VivaTech, détaille pour nous cette révolution qui touche déjà 100 000 des 290 000 collaborateurs de l'entreprise. De la maintenance prédictive à la recherche documentaire, en passant par SNCF GPT et Mistral AI, l'intelligence artificielle aide à redéfinir les métiers du rail français. Et ce n'est qu'un début.
L'IA infiltre tous les wagons de la SNCF
L'intelligence artificielle n'est pas nouvelle chez le géant ferroviaire français. « À la SNCF, on faisait déjà de l'IA en utilisant des algorithmes, par exemple pour le grand public avec l'application, des chatbots de relation client, ou de l'information aux voyageurs », nous rappelle Julien Nicolas. Côté industriel, la maintenance bénéficie déjà de ces technologies avancées.
L'explosion de ChatGPT a démocratisé ces outils dans toute l'entreprise. « Oui, l'explosion d'OpenAI a effectivement changé l'échelle, en démocratisant l'IA qui peut être utilisée par tous les collaborateurs du groupe dans leur quotidien », souligne le directeur, aussi directeur d'e.SNCF Solutions. Qu'ils travaillent sur le terrain ou dans les bureaux, qu'ils soient rattachés à la finance, aux achats ou au juridique, tous s'approprient ces nouveaux assistants numériques.
Et les applications se multiplient dans chaque métier ferroviaire. « On va retrouver l'IA dans quasiment toutes les activités finalement et les composantes de ce qu'on doit produire chaque jour », confirme Julien Nicolas. Maintenance prédictive, prédiction de retards, amélioration des chatbots : l'IA irrigue désormais l'ensemble des processus SNCF. Mais cela mérite un peu plus d'explications.

SNCF GPT cartonne auprès des collaborateurs connectés
Le Secure GPT de la SNCF (un outil d’IA sécurisé conçu pour protéger les données sensibles lors des interactions avec GPT), est un succès en interne. « Notre SNCF GPT est ouvert, et aujourd'hui, il est accessible à 100 000 collaborateurs dans le groupe », révèle Julien Nicolas. La plateforme offre la puissance d'un ChatGPT, tout en garantissant la sécurité des données sensibles du service public.
L'adoption quotidienne dépasse d'ailleurs toutes les espérances du dirigeant. « On a 15 000 collaborateurs qui l'utilisent presque quotidiennement. En tout cas, je peux dire c'est en train de rentrer dans les mœurs ». Contrairement aux versions publiques de ChatGPT, cette plateforme permet de charger des documents confidentiels en toute sécurité.
Cette sorte de révolution documentaire transforme le quotidien opérationnel. « À la SNCF, imaginez qu'on a 70 000 documents de référence, qui tous les jours sont accédés par les agents », précise Julien Nicolas.
Ces documents critiques (techniques, juridiques ou RH) deviennent enfin interrogeables intelligemment : « Là, vous allez poser des questions, et on va vous donner tout de suite la réponse avec le bon document attaché. » Le défi technique n'est pas mince, quand on sait que ces références contiennent « des schémas, des logigrammes, des photos ».
La SNCF diversifie ses modèles mais privilégie Mistral AI
Durant VivaTech, la SNCF a officialisé son partenariat avec Mistral AI, le fleuron français de l'intelligence artificielle. « Mistral AI va nous servir à deux choses », détaille Julien Nicolas. D'abord, équiper les 600 développeurs internes avec les outils de génération de code. Ensuite, déployer les modèles de langage sur les métiers critiques, comme la maintenance, la recherche documentaire et la prédiction de retards.
On a évidemment demandé à Julien Nicolas si la SNCF utilisait d'autres LLM. Sans surprise, la réponse est oui. « On va toujours en utiliser plusieurs, mais on va massivement utiliser celui de Mistral AI », confirme le directeur. ChatGPT d'OpenAI, Claude d'Anthropic et Llama 3 de Meta complètent l'arsenal technologique, selon les spécificités applicatives.
Pour en revenir à Mistral AI, la souveraineté a guidé le choix stratégique du partenariat spécifique avec la start-up. Elle est une question qui reste importante pour la SNCF, d'un point de vue global. « Nous sommes une entreprise de service public, la SNCF, donc évidemment que la souveraineté est importante pour nous », insiste Julien Nicolas. « Selon les tâches, on a des choses qui sont opérées dans le Cloud, mais les plus sensibles d'entre elles sont opérées sur nos propres centres de données ».
La SNCF forme ses équipes pour anticiper la révolution IA
De quoi sera fait demain ? La vision à cinq ans promet une transformation radicale des métiers. « Dans 5 ans, l'intelligence artificielle aura complètement transformé la maintenance du matériel, du réseau ferroviaire, nos processus », prédit Julien Nicolas. La maintenance prédictive, nous en parlions tout à l'heure, permettra d'intervenir de plus en plus souvent avant les pannes, de quoi offrir un meilleur service ferroviaire, et un meilleur service client à la fin.
En ce qui concerne les craintes – légitimes – sur l'emploi, le directeur numérique et IA mise sur l'évolution, plutôt que la suppression. « Moi, je ne crois pas trop à la disparition des métiers. On nous avait dit la même chose il y a 20 ans avec l'émergence du numérique », relativise-t-il. La SNCF s'appuie sur un effort de formation colossal autour de l'IA, pour n'égarer personne en chemin. « C'est un peu le nerf de la guerre », et les collaborateurs déjà sensibilisés sont compris entre 25 000 et 30 000 collaborateurs, dont plus de 3 000 formés aux techniques avancées.
L'IA devient en réalité de plus en plus invisible, tant elle s'intègre naturellement. « On peut imaginer que dans cinq ans, on ne se posera même plus la question de l'usage de l'IA, elle sera là autour de nous, avec nous, en permanence », conclut Julien Nicolas. Une révolution silencieuse qui promet moins de pannes, plus de régularité et « encore plus d'offres ferroviaires à l'heure ». Un clin d'œil qu'on accepte volontiers, c'est tout le mal que l'on souhaite à la SNCF.