L’observatoire Vera C. Rubin dévoilera ses premières images ce lundi 23 juin. Doté de la plus grande caméra jamais envoyée dans l’espace, il s’apprête à filmer le ciel avec une précision et une couverture inédites. Une décennie d’observation continue pourrait faire émerger des objets et phénomènes encore jamais détectés.

- L'observatoire Vera C. Rubin dévoile ses premières images ce 23 juin, marquant un tournant en astronomie.
- Équipé de la plus grande caméra spatiale, il promet une précision et une couverture céleste inégalées.
- Une décennie d'observations pourrait révéler des objets et phénomènes encore inconnus dans notre univers.
Le ciel nocturne va bientôt changer de visage. Installé au sommet du Cerro Pachón, au nord du Chili, l’observatoire Vera C. Rubin entame une campagne d’observation de dix ans qui couvrira l’intégralité du ciel austral tous les trois jours. Son télescope de 8,4 mètres utilisera une caméra de 3,2 gigapixels pour enregistrer des données à une cadence et une résolution jamais atteintes dans un relevé astronomique. Ce programme s’appelle le LSST, pour Legacy Survey of Space and Time. À partir du 23 juin, les premières images seront rendues publiques. Plusieurs chercheurs s’attendent à une bascule comparable à celle du télescope James Webb en 2022. Mais Rubin observe un autre territoire, sur d'autres échelles, avec une ambition encore plus panoramique. Ce qu’il montrera pourrait transformer la quantité d’informations disponibles à portée de ciel.
Rubin va enregistrer l’évolution du ciel comme on filme un paysage au ralenti
Tous les trois jours, l’observatoire balayera le ciel austral en entier. Ce rythme permet à la fois de suivre des objets qui se déplacent vite, comme des astéroïdes, et de repérer des phénomènes ponctuels, comme des supernovas. La caméra LSSTCam, la plus grande jamais construite, captera chaque recoin visible depuis le Chili sur toute une décennie.
« C’est une première, nous allons étudier l’intégralité du ciel visible pendant dix ans », résume Andrés Alejandro Plazas Malagón, chercheur à Stanford. L’objectif n’est pas de capturer une image fixe, mais de produire une sorte de chronologie visuelle continue du ciel. Željko Ivezić, directeur du projet, parle déjà du « plus grand film de tous les temps ».
Cette capacité ouvre la voie à une vision inédite, à la fois large et fine. Mireia Montes, chercheuse à l’Institut des sciences spatiales, souligne que « les relevés vont souvent très profond, ou très large. Là, on aura les deux. Cela nous aidera à voir des choses qui ne sont généralement pas très nettes ».
Des milliards de galaxies, de nouvelles étoiles, des détails invisibles jusqu’à présent : Rubin créera un univers animé, à très grande échelle.

Un instrument conçu pour capter aussi ce que personne n’attendait
Plusieurs scientifiques insistent sur un point : Rubin ne servira pas uniquement à confirmer des hypothèses sur la matière noire ou l’énergie sombre. Il fonctionnera aussi comme un guetteur du ciel, capable de signaler des objets marginaux, oubliés ou encore inconnus.
Le télescope pourrait ainsi détecter des milliers de naines brunes, ces “étoiles ratées” trop froides pour émettre une lumière visible. « Rubin pourrait multiplier par 20 notre catalogue de naines brunes dans la Voie lactée », estime un des chercheurs interrogés. La vision infrarouge du télescope Simonyi, combinée au champ de vision large, permettra d’identifier ces objets faibles émettant dans l’infrarouge.
D’autres suivront la lumière intra-amas, produite par les étoiles perdues entre les galaxies. Cette lumière, encore peu documentée, renseigne sur la formation des amas galactiques. Rubin devrait permettre, pour la première fois, d’en étudier la source, la composition et la distribution à grande échelle.
Certaines découvertes pourraient même venir de passionnés. Giuseppe Donatiello, astronome amateur, a déjà identifié 11 galaxies naines grâce à des relevés profonds. Il attend avec impatience ce que Rubin va révéler : « La nature est plus imaginative que nous. Il faut avoir l’esprit ouvert à tout ».
Cette ouverture, Rubin l’encourage par sa structure même. Le LSST n’impose pas un sujet d’étude unique. Il produit des données, en continu, accessibles à une grande partie de la communauté scientifique. Le reste dépendra de ce que chacun cherchera à y voir.
La première publication d’images aura lieu ce lundi 23 juin. Selon Luz Angela García Peñaloza, cosmologue à Bogotá, « Vera Rubin va observer un nombre incalculable de galaxies en une nuit ». Plusieurs scientifiques espèrent un champ profond contenant des dizaines de milliers de galaxies et d’étoiles. Mais personne ne sait à l’avance quelle image sera choisie. En attendant, le ciel reste plein de promesses.
Source : Space.com