La start-up française Wheere a développé une technologie prometteuse de géolocalisation indoor. Dans le même temps, elle prépare pour 2026 une constellation de satellites pour démocratiser le GPS intérieur, et se rêve d'équiper les iPhone.

Alors que le GPS traditionnel reste inefficace en intérieur, la start-up Wheere propose une belle alternative. Imaginez pouvoir vous localiser avec une précision d'un mètre, plus fine encore que celle du GPS, dans un hôpital, un entrepôt ou même un parking souterrain. C'est la promesse faite par l'entreprise française, qui bouscule les codes de la géolocalisation. Après avoir déjà conquis EDF, Total et Thales avec sa technologie terrestre qui traverse les murs, l'entreprise s'apprête à révolutionner le secteur en envoyant ses antennes dans l'espace.
Comment Wheere traverse 50 mètres de béton avec 4 antennes seulement
Rencontré à VivaTech il y a quelques jours, Pierre-Arnaud Coquelin, le président et fondateur de Wheere, est un entrepreneur aguerri. Mathématicien de formation, et il est déjà connu pour avoir créé Vekia, un logiciel de prévision pour la grande distribution, et McLloyd, un spécialiste des GPS sportifs vendu à une entreprise californienne, devenu depuis quatrième mondial.
Le GPS, donc, ça le connaît. Son diagnostic sur la technologie actuelle nourrit sa volonté pour Wheere. « Le GPS, en gros, c'est quelque chose qui date d'il y a 20 ou 30 ans, c'est franchement pas mal, c'est précis à 2 ou 3 mètres près, mais ça ne marche que dehors ». Et le dirigeant de poursuivre : « Si je veux localiser des objets dans un hôpital qui a 300 chambres, je vais me retrouver à mettre 1 000 ou 1 500 beacons émetteurs, donc c'est délirant ». Les beacons, ce sont ces émetteurs qui envoient des signaux pour interagir avec des appareils mobiles proches.
Wheere révolutionne cette approche, avec sa technologie brevetée. Il lui suffit de quatre antennes placées à l'extérieur du bâtiment, « qui vont émettre, rentrer dans tout le bâtiment, le sous-sol ». Il s'agirait de la seule technologie capable de géolocalisation en traversant les murs. « Et chaque antenne est juste branchée sur une prise 220V, avec une batterie d'autonomie de 12 heures ».

Les antennes « émettent des ondes en basse fréquence, un peu comme les fréquences de la radio FM, mais en-dessous et au-dessus sur le spectre », précise Pierre-Arnaud Coquelin. Cette modulation particulière, inventée par l'équipe, permet de traverser jusqu'à 50 mètres de béton avec une précision d'un mètre.
U-Space et Wheere s'allient pour créer une constellation française souveraine
Fondée en 2020 à Montpellier, et toujours installée en Occitanie, Wheere a levé 11 millions d'euros en 2023 pour accélérer son développement. Aujourd'hui, l'aventure spatiale prend forme grâce à son partenariat stratégique avec U-Space, spécialiste toulousain des nano et microsatellites. L'idée est cette fois de rendre la géolocalisation indoor accessible partout sur Terre, grâce à un service opéré cette fois depuis l'espace.
La deuxième vie de Wheere est de passer tout ça en orbite, « de ne plus avoir besoin de déployer l'antenne sur Terre et de lancer notre propre constellation de satellites. Donc c'est ce qu'on prépare depuis quelques mois. » D'où le partenariat avec U-Space, donc.
Le programme spatial s'articule, lui, autour de deux phases cruciales. La phase IoD (In-orbit Demonstration) étudiera les paramètres orbitaux LEO optimaux pour les cinq premiers satellites. La phase IoC (Initial Operational Capability) déterminera le nombre exact de satellites et leur répartition orbitale pour garantir « une géolocalisation disponible au moins une fois par heure, partout dans le monde ».
C'est SpaceX qui lancera les satellites, le premier en octobre 2026. Mais l'écosystème Wheere reste majoritairement français. L'ONERA, le centre français de recherche aérospatiale, adapte aux basses fréquences les modèles ionosphériques développés pour Galileo. Concernant ses partenariats sur le satellite, les antennes, la gateway, « tous, sauf un, sont français », confirme Pierre-Arnaud Coquelin.
La technologie Wheere, dans les iPhone en 2030 ?
Les premiers déploiements illustrent déjà la polyvalence technologique de Wheere, qui adresse le monde de la sécurité et la défense d'abord. On peut aussi évoquer un usage pour les pompiers en intervention ou les forces spéciales. L'industrie est aussi bénéficiaire. « On déploie EDF, Total, Thales, etc. », nous dit Pierre-Arnaud, et même ArcelorMittal pour traquer des poches de liquide en fusion. Les sites critiques, enfin, les plateformes pétrolières et les centrales nucléaires peuvent très bien être couverts par la technologie de Wheere. « On peut déjà couvrir 100 hectares avec 4 antennes ».
Wherre compte 30 collaborateurs, avec une série A de 40 millions d'euros en cours pour la start-up, qui vise plus haut. L'équipe passera prochainement à 70 personnes et ouvrira probablement un bureau aux États-Unis. L'objectif ultime reste inchangé : « Le but du jeu, c'est d'être dans l'iPhone qui sera annoncé à la keynote de septembre 2030. Ça, c'est notre objectif ». Un rêve qui nécessite de miniaturiser la technologie avec un ASIC (circuit intégré spécialisé) de 8 mm sur 8 mm, prévu fin 2027, début 2028 au plus tard.
La constellation de 50 satellites à horizon 2030 démocratisera enfin la géolocalisation indoor. Fini les infrastructures terrestres, place à un service universel où chaque smartphone pourra se localiser précisément, dedans comme dehors. Une révolution qui redéfinira notre rapport à l'espace et au mouvement.
12 juin 2025 à 08h44