La France a lancé, lundi, une concertation inédite entre développeurs d'IA générative, et ayants droits culturels. Avec pour objectif d'inventer un modèle équilibré qui respecte les droits d'auteur, sans freiner l'innovation technologique.

Rachida Dati fait partie des ministres français soucieuses des discussions entre le monde de l'IA et la culture française. © Antonin Albert / Shutterstock.com
Rachida Dati fait partie des ministres français soucieuses des discussions entre le monde de l'IA et la culture française. © Antonin Albert / Shutterstock.com

L'équilibre à trouver entre l'intelligence artificielle générative d'un côté et le respect des artistes et créations culturelles de l'autre est difficile à trouver. Mais le 2 juin 2025, les ministres Rachida Dati et Clara Chappaz ont donné le coup d'envoi d'une concertation historique entre les géants de l'IA et les gardiens de la création française. Une première, pour sortir des tranchées et construire ensemble l'avenir numérique de l'Hexagone.

Quand l'intelligence artificielle rencontre les droits d'auteur français

L'initiative menée par le gouvernement a pour but de répondre à une question jusque-là assez complexe : comment permettre aux IA françaises de s'entraîner sur la richesse culturelle nationale, sans que les créateurs y laissent leurs droits et leur chemise ? Car derrière chaque modèle d'intelligence artificielle se cachent des milliers d'œuvres ingurgitées, souvent sans autorisation ni rémunération.

L'urgence est réelle. Le règlement européen sur l'IA débarque en août, et les négociations autour du code de bonnes pratiques tournent au vinaigre. « Jugées trop contraignantes par certains, trop permissives par d'autres », comme le souligne Rachida Dati, ces discussions patinent dangereusement entre développeurs récalcitrants et créateurs vent debout.

Pourtant, la ministre de la Culture martèle sa conviction : « Il ne peut y avoir de souveraineté technologique sans souveraineté culturelle ». Une phrase qui résume l'enjeu titanesque de cette concertation : faire de la France une puissance numérique sans vendre son âme créative au plus offrant.

Mission impossible ? Pas pour la France

Les discussions, orchestrées par Marc Bourreau et Maxime Boutron jusqu'en novembre, vont décortiquer quatre sujets brûlants. De l'accès aux données culturelles aux mécanismes de juste rémunération, en passant par les modèles économiques et les fameuses modalités d'opt-out (le droit d'opposition), rien ne sera éludé. Un programme qui promet des étincelles, entre deux mondes qui ne parlent pas tout à fait la même langue.

Car si quelques pionniers ont signé de premiers accords à la sauvette, ils restent des ovnis dans un paysage dominé par l'appropriation sauvage. Pourtant, les données culturelles françaises sont un trésor inestimable pour développer des IA qui comprennent notre diversité linguistique et créative, loin des biais anglo-saxons.

En parallèle, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique planche sur ses propres recommandations, attendues le 23 juin. De quoi nourrir les débats avec des propositions concrètes, pendant que les « Cafés IA » organisés sur tout le territoire remontent les préoccupations du terrain. L'État met aussi 80 millions d'euros sur la table via un appel à projets pour encourager les initiatives culturelles autour de l'IA.

Clara Chappaz, la ministre déléguée à l'IA et au Numérique, vise haut. Elle veut faire de ce travail « un modèle européen fondé sur nos valeurs ». Une manière d'affirmer que l'Europe peut tracer sa route face aux géants américains et chinois, en inventant une IA qui respecte autant les créateurs que l'innovation. Pari fou ou révolution en marche ? Rendez-vous en novembre pour le verdict.