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7 ans après SpaceX, seules quelques entreprises sont proches de réutiliser leurs fusées !

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
21 avril 2024 à 18h06
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Un étage de fusée Falcon 9 se pose à Terre en Floride. L'un d'eux a réussi à revenir pour la 20e fois © SpaceX
Un étage de fusée Falcon 9 se pose à Terre en Floride. L'un d'eux a réussi à revenir pour la 20e fois © SpaceX


Alors qu'un lanceur Falcon 9 a réussi il y a quelques jours à décoller avec un étage qui s'envolait pour la 20e fois, il s'agit toujours de la seule fusée partiellement réutilisable sur le marché. Malgré tout, les efforts d'autres acteurs du secteur, start-up et géants, seront bientôt complétés. Seront-ils aussi efficaces ?

Avec un décollage et un atterrissage tous les trois jours en moyenne, l'année 2024 de SpaceX tutoie des sommets de qualité et de quantité pour ses fusées Falcon 9. Sans réutilisable, une telle cadence ne serait pas une option pour les équipes de l'usine à Hawthorne (Californie), et l'entreprise capitalise lourdement sur la récupération de ses étages comme de ses coiffes.

Pourtant, si SpaceX a aujourd'hui un étage avec 20 vols, d'autres avec 19 ou moins, tout a commencé fin mars 2017 à la première réutilisation d'un booster. Certains concurrents promettaient déjà de répondre avec leur propre technologie, et l'on se demandait si SpaceX aurait 5 ans d'avance. Finalement, ils en avaient au moins 7 : bien peu d'entreprises de fabrication et de lancement de fusées sont en lice pour réutiliser leurs lanceurs. Trop petits, trop gros, trop peu de charges utiles, trop ambitieux... Certains sont très loin de leurs promesses de réutilisation. Mais d'autres ont travaillé patiemment, et leurs fusées réutilisables arrivent (comme dirait Netflix : prochainement).

SpaceX a son propre défi pour rendre sa nouvelle génération de fusée réutilisable... © SpaceX
SpaceX a son propre défi pour rendre sa nouvelle génération de fusée réutilisable... © SpaceX

Rocket Lab, le plus proche

Avec son petit lanceur Electron, Rocket Lab a eu l'élégance de ne pas choisir exactement la même solution que SpaceX pour récupérer les étages de ses fusées. En effet, lorsque l'entreprise teste une version réutilisable de son étage, elle utilise un corps de fusée avec un revêtement et un bouclier moteur particulier, qui lui permet de revenir en traversant l'atmosphère tout en s'accommodant des terribles chaleurs et des effets du plasma autour de la structure du booster. Ensuite, dans la dernière phase au-dessus de l'Océan, l'étage d'Electron déploie un parachute.

Ce dernier devait durant un temps être capturé par un hélicoptère dans une manœuvre aussi risquée que techniquement difficile. Rocket Lab a choisi une solution plus simple, celle de traiter ses éléments contre la corrosion et de repêcher l'étage au large de ses sites de lancement en Nouvelle-Zélande et en Virginie. Tous les étages d'Electron ne sont pas récupérables aujourd'hui, mais l'entreprise a déjà accumulé plusieurs années de savoir-faire, et la première réutilisation approche.

Cet étage récupéré sera réutilisé s'il passe les derniers tests. © Rocket Lab
Cet étage récupéré sera réutilisé s'il passe les derniers tests. © Rocket Lab

En réalité, Electron a déjà volé avec un moteur récupéré sur un étage en mer en 2023, mais pas encore avec un étage entier. Cette étape est prévue cette année, en particulier avec un corps de fusée récupéré en mer en janvier : ce dernier a passé une batterie de tests rigoureux, et il fait partie de la « flotte » d'étages à disposition des futurs clients. Il devra encore, avant le tir, subir les mêmes essais standards que n'importe quel autre booster.

Est-ce une bonne méthode ? Est-ce rentable ? Probablement oui et non : Peter Beck, le fondateur de Rocket Lab l'a déjà expliqué, pour son entreprise le réutilisable est avant tout une clé pour éviter d'avoir à produire trop d'étages dans son usine. Utile, donc, alors que la firme vise entre 12 et 14 tirs cette année...

LandSpace, la surprise chinoise

L'entreprise chinoise s'est surtout fait connaitre pour avoir réussi le premier décollage orbital avec une fusée au méthane. Mais la version qui prendra le pas sur sa Zhuque-2 (nommée, sans grande originalité, Zhuque-3) sera bel et bien réutilisable ! Pour ce faire, la start-up privée qui dispose d'amples fonds a d'abord travaillé sur sa gamme de moteurs, avant de tester et de réussir des premiers « sauts » à quelques centaines de mètres d'altitude (350 mètres), à la façon de ce que SpaceX avait réalisé avec ses prototypes Grasshopper autour de 2011-2013.

Le site de production de LandSpace avec son nouveau prototype réutilisable au centre. © LandSpace
Le site de production de LandSpace avec son nouveau prototype réutilisable au centre. © LandSpace

On pourra dire que ce n'est pas la première fois qu'une entreprise chinoise mène ce type de test. Certes, mais LandSpace a pris soin de les mener avec un moteur-fusée, ce qui est déjà beaucoup plus rare (souvent il s'agit, pour tester le contrôle et l'approche au sol, de petits réacteurs). Ensuite, l'entreprise a déjà construit un deuxième prototype, qui a pour but de grimper jusqu'à 10 km d'altitude avec des moteurs-fusées au méthane, avant de revenir se poser.

Le test est pour l'instant prévu cet été, et les enjeux, côté chinois, sont aussi importants que ceux des Américains : le secteur, privé d'une large part du marché international, est très concurrentiel. D'autres entreprises sont à peu près au même stade de développement, comme Deep Blue Aerospace, mais n'ont pas l'expérience de LandSpace.

Blue Origin, de la miniature à la maxi-fusée

L'entreprise fondée par Jeff Bezos opère en réalité une fusée réutilisable depuis 2014, mais elle ne transporte la petite capsule New Shepard que sur une trajectoire qui la fait monter et descendre à moins de 110 km. Si l'étage de fusée atteint tout de même 3 500 km/h dans l'opération et revient se poser seul, cela suffira-t-il pour assurer le succès de la bien plus imposante New Glenn ? C'est pourtant le pari de Blue Origin avec son impressionnante fusée de presque 100 mètres de haut et 7 mètres de diamètre. Le premier étage de New Glenn reviendra se poser sur une barge positionnée au large de la côte de Floride, à l'image de ce que propose SpaceX aujourd'hui, mais avec un étage beaucoup plus imposant.

New Glenn est attendue, impatiemment, pour cet été. © Blue Origin
New Glenn est attendue, impatiemment, pour cet été. © Blue Origin

Surtout, Blue Origin compte sur ses essais en amont pour éviter au maximum la période d'apprentissage par l'échec. En effet, les moteurs BE-4 sont déjà censés être réutilisables, et l'étage tentera à priori de revenir se poser dès son tout premier décollage. Une façon pour Blue Origin d'économiser massivement sur la production d'étages de fusée (ce qui leur évitera une montée en cadence) et de moteurs, puisque chaque premier étage de New Glenn dispose de 7 unités BE-4... Mais les calculs et les tests suffiront-ils ? Nous devrions a priori avoir la réponse en 2024 !

Et l'Europe ?

Les acteurs classiques du spatial européen n'ont pas fait le choix du réutilisable pour la génération qui est actuellement mise en place, avec Vega C et Ariane 6. Pourtant, cela ne veut pas dire qu'il n'y a aucun effort sur la question sur le continent. Même s'ils ont une demi-décennie de retard sur le planning initial, il y a les projets de démonstrateurs Callisto (France, Allemagne et Japon) et Thémis (ESA, CNES et ArianeGroup) qui devraient voler à partir de 2025, ainsi que plusieurs jeunes pousses qui utiliseront leurs propres architectures si le développement se passe bien d'ici là.

Les tests d'un moteur fusée réutilisable européen Prometheus.
Les tests d'un moteur fusée réutilisable européen Prometheus.

La fusée orbitale Miura-5 des Espagnols de PLD Space dispose notamment d'un étage récupérable sous parachutes, tandis que l'étage principal de la fusée de MaiaSpace (spin-off d'ArianeGroup) devrait utiliser les moteurs réutilisables Prometheus. Le premier vol de démonstration n'est prévu qu'en fin 2025 lui aussi. D'ici là, peut-être que SpaceX ne sera plus la seule entité commerciale à réutiliser une partie de ses lanceurs ?

Eric Bottlaender

Spécialiste espace

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (11)

AldoY
Il faut dire que SpaceX est déjà à l’étape suivante: la réutilisation du 1er et 2eme étage. Et pour de la classe ‹ super heavy ›. Sincèrement je pense que SpaceX a au moins une décennie d’avance sur les autres
LeChien
X : On va développer du réutilisable qui viendra se poser debout à un endroit précis.<br /> Concurrence : quelle idée débile ça ne marchera jamais.<br /> Ho, mince, ça marche… Faisons ça aussi alors.
mightpro_1_1
La reutilisation doit commencer à être rentable lorsque le processus de réutilisation devient assez fiable pour que la chaine de fabrication puisse être réduite à son minimum afin de réduire ses coûts.<br /> C’est pas sûr que l’europe y trouve son compte avec la contrainte de retour géographique et le nombre limité de vols qu’elle effectue…
laroux
ariane fut leader il y’a un temps, elle peut le redevenir.<br /> C’est a la France et à l’europe d’attirer les investisseurs et de lancer des projets spatiaux.<br /> le réutilisable n’est pas une fin en soit pour faire des lanceurs pas cher. réutilisé comme spaxex implique de garder du carburant pour la fusée pour atterir, donc du poids «&nbsp;inutile&nbsp;» qui coute cher.<br /> il y’a d’autres méthodes comme virgin de lancer une fusée depuis un avion, l’autre technique de la navette spatial, récupérer que les booster qui atterrisse avec des parachutes (et la navette qui atterrit en planant)<br /> il existe aussi d’autres moyens d’aller dans l’espace à l’étude, je pense a un canon spatial pour atteindre l’orbite, du gaz sous pression qui va créer une vitesse suffisante pour quitter l’atmosphère et être en orbite.<br /> la fusée chimique n’est pas la seul option, même si c’est la seul actuellement utilisé.<br /> dans le futur proche (10-20ans) je vois bien une entreprise crée un canon et l’utilisé pour des charges légère et résistance à aux g d’acceleration par exemple.
xryl
La plupart des idées alternatives pour s’extraire de la pesanteur de la Terre ne fonctionne pas. Sur le papier, c’est beau, mais une fois en développement, on se rend compte des contraintes techniques qui sont insurmontables (souvent financièrement).<br /> Le coup de la fusée sous avion, c’est un classique. Vu l’équation de Tsiolkovski, théoriquement, toute accélération «&nbsp;gratuite&nbsp;» fournit un avantage colossal à la fusée.<br /> Sauf que, monter une fusée sous un avion, c’est avoir à monter à la fois le poids de la fusée et de l’avion (donc la potentielle économie de carburant n’en est plus une une fois celle de l’avion prise en compte, avion qui doit être des dizaines de fois plus lourd que la fusée pour que sa portance soit suffisante pour porter la fusée), gérer un domaine de vol qu’une fusée normale ne doit pas normalement gérer (le Max Q qui sous un avion dure pendant la totalité du vol, et l’impossibilité de tester les dommages de la fusée avant son détachement.<br /> La navette spatiale n’a jamais été un système d’accès à l’espace, mais un vaisseau qui permette de gérer la ré-entrée pour pouvoir se poser sur une piste d’atterrissage. Il y a encore des navettes en fonctionnement, notamment les Boeing X-37 (et suivante).<br /> Le canon spatial est impraticable car il faudrait qu’il soit d’une longueur démesurée pour que l’accélération subie par le véhicule ne soit pas démentielle. Le problème, c’est que même avec cette longueur (qui doit être sous vide, faute de quoi le «&nbsp;gain&nbsp;» théorique en carburant/energie est nul), l’entrée dans l’atmosphère en sortie du canon est tout simplement trop brutal pour être supportable par les matériaux actuels. La startup SpinLaunch est d’ailleurs en liquidation si je me souviens bien.<br /> Il y a aussi la version «&nbsp;dirigeable&nbsp;» en 3 étapes qui est une sorte de compromis à la Virgin pour éviter les premiers 42km d’atmosphère (soit un gain de 40% en gros de la masse de carburant). Mais c’est encore un projet titanesque qui demanderait des investissements impossibles.
laroux
oui je sais, je voulais juste souligner les alternatives potentiels, et j’ai aussi parlé des parachutes pour récupérer des morceaux.<br /> et la c’est bien utilisé.<br /> ariane d’ailleur récupère les moteurs de ces fusées, donc spaceX a pris un chemon, mais ce chemin n’est peut etre pas le plus judicieux par rapports aux autres.
Essylt
Pardon pour cette on bien peu technique, mais quand on parachute un étage de fusée au milieu de l’océan, comment s’assurer qu’un navigateur solitaire ne s’est pas égaré juste là ?
ebottlaender
Il y a, en l’air comme en mer, des «&nbsp;NOTMAR&nbsp;» donc des notices de navigation avec des zones interdites Les autorités en charge des lancements et récupérations sont également en charge de faire respecter ces zones.
philouze
Spinlaunch a créé ce canon.<br /> Mais tu subis des G latéraux absolument monstrueux, suivis d’un G négatif brutal lorsque la charge perce l’opercule et passe du sous-vide de l’accélérateur, à l’athmosphère, alors qu’elle est déjà supersonique.<br /> Je en sais pas quelle charge embarquée «&nbsp;classique&nbsp;» y résisterait.<br /> POur avoir chatté y’a quelques années sur futura avec des ingés que ce genre d’exercice de pensée faisait gamberger, une soluttion partielle c’est d’accélérer le mobile dans un anneau d’un bon kilomètre de diamètre plutôt qu’une fronde de faible diamètre tournant à une vitesse folle ( ça permet aussi un atre système que le décrochage vertical qui en cas d’échec détruit littéralement la base, ça évite aussi le contre poids à gérer… bref plein de trucs<br /> Et enfin, placer le système sur un haut plateau à près de 5000 m d’altitude pour à la fois éviter 5 km d’atmosphère dense, et en divisant par deux la pression atmosphérique, diviser par 4 l’impact du désoperculage (et par deux aussi la tension même de l’opercule)<br /> Peut être que là, on pourrait alors lancer des charges un minimum «&nbsp;classiques&nbsp;»
Essylt
Merci pour l’info, je ne connaissais pas !
Popoulo
Faut avouer que SpaceX a mis une volée de bois aux grandes agences, tout comme Tesla aux constructeurs autos pour certains centenaires. Comme quoi…
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