Howard GUTOWITZ Président d’Eatoni Ergonomics éditeur de logiciels prédictifs d'entrée de textes pou

29 avril 2002 à 00h00
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AB - Monsieur GUTOWITZ, bonjour. Pouvez-vous présenter votre parcours et Eatoni Ergonomics, une société que vous avez fondée en 1999 à New York City ?

HG - Bonjour, et merci de m'avoir contacté. J'ai une formation de chercheur, je suis titulaire d'un doctorat en physique mathématiques de la Rockefeller University à New York et en informatique de l'université de Paris 8.

Avant de fonder Eatoni, j'étais maître de conférences en mathématiques à l'ESPCI (École supérieure de physique et de chimie industrielles).

Mes recherches ont porté sur le comportement des systèmes dits "complexes", la théorie du chaos, entre autres.

L'idée de fonder Eatoni m'est venue en mars 1998, lors d'un dîner avec une amie qui travaille chez SFR comme opératrice. Sa mission consistait à transcrire des messages dictés oralement, et à les retransmettre vers des 'pagers'.

Il m'a semblé que ce travail pouvait être automatisé et qu'il devait être possible de composer un message directement sur le clavier d'un téléphone portable. Je me suis donc mis à la recherche d'un "code" pour le clavier du téléphone qui serait optimal, dans le but de réduire le nombre de frappes.

J'ai travaillé sur cette problématique avec un collaborateur en Russie, Eugene SKEPNER, pendant environ un an et demi.

De ces diverses recherches sont nés les deux produits qu'Eatoni a sélectionnés pour une commercialisation : LetterWise et WordWise.

Une fois les brevets soumis, j'ai fait le tour des sociétés de capital-risque, et en mai 2000, nous avons signé un accord avec l'un d'entre eux, BG Media à New York.

Notre premier produit est actuellement en vente en Italie, et a été mis en oeuvre par la société française Inventel (produits wireless et bluetooth), société fondée par Jacques LEWINER Directeur scientifique de l'ESPCI de 1987 à 2000.

AB - Quel est le modèle économique adopté par Eatoni ?

HG - Un modèle classique, celui du "logiciel-produit" : Nous sommes payés pour chaque copie de notre logiciel installé. Il y aussi, bien sûr, des frais d'installation.

Nous cherchons, comme de nombreux autres éditeurs de logiciels, à nous diriger vers un modèle "logiciel-service", où nous serions payés selon l'usage du produit : par souscription mensuelle, par exemple, ou par SMS entré avec notre système.

Ce dernier modèle est intéressant pour tout le monde : Pour nous, qui avons la possibilité de gagner beaucoup plus, pour le fabricant et pour l'opérateur parce qu'ils peuvent partager le revenu réalisé avec nous. En fait, ce modèle n'a pas encore été mis en place à cause des limitations de l'infrastructure.

Cependant, l'industrie est en train d'évoluer dans cette direction, notamment avec les téléphones portables qui permettent le téléchargement de logiciels, la téléphonie mobile de troisième génération - 3G, l'i-mode, etc.

Pour certains produits, par exemple une télécommande, il est peu probable qu'un modèle "logiciel-service" ait un sens. Je pense que les deux méthodes seront utilisées selon les circonstances.

AB - Quels sont les points forts du logiciel multilingue LetterWise, logiciel predictif d'entrée de texte pour assistants personnels et terminaux mobiles ?

HG - Pour le consommateur : son utilisation est plus aisée, plus rapide, et plus facile à maîtriser. L'utilisateur tape "tel" ou "ar" sur son clavier, par exemple, et le logiciel comprend qu'il faut entrer "téléphone" ou "arrivée".

Nous l'avons prouvé par des tests scientifiques. Nous avons également réalisé des études de marché qui montrent que la méthode actuellement la plus répandue (le T9 d'AOL) est peu appréciée par le consommateur.

Pour le fabriquant : notre logiciel est plus petit que le T9 (un vingtième) et plus rapide.

Nous pouvons placer plusieurs langues dans notre logiciel. Ceci permet à un seul produit d'être utilisable pour tous en Europe, notamment.

Or avec le T9, le fabricant doit concevoir une chaîne de fabrication et de distribution plus complexe, puisqu'un seul mobile n'a pas la mémoire suffisante pour accepter toutes les langues en même temps.

L'avantage de la vitesse combiné à la taille réduite de notre logiciel nous permet de l'intégrer dans des solutions qui ne peuvent fonctionner avec le T9 : les téléphones sans fil, par exemple.

AB - Le marché du message court, SMS, SMS Premium, MMS, est en plein
développement, aux États-Unis comme en Europe. Quelle est la stratégie
adoptée par Eatoni Ergonomics sur ces segments de marché ?

HG - Plus il est facile d'envoyer de SMS, plus de SMS seront envoyés. Répéter ce message est le coeur de notre stratégie.

A qui profite cette facilité, hormis le consommateur ? Surtout aux opérateurs, qui gagnent de l'argent sur chaque SMS envoyé. Par conséquent, nous cherchons avant tout à nous adresser aux opérateurs. Une fois convaincus, ils pourront 'mettre la pression' sur les fabricants afin qu'ils installent notre logiciel.

Nous avons développé un système de texte predictif pour 125 langues. Pour la plupart de ces langues, nous sommes les seuls sur le marché à proposer un tel produit : les différentes langues de l'Inde, en particulier.

Le phénomène SMS est un phénomène global, et les États-Unis sont largement en retard. Nous voulons que partout où un SMS est envoyé, il le soit en utilisant nos produits !

AB - Qu'en est-il de votre offre pour la télévision interactive ?

HG - L'idée de la télévision interactive est très belle, l'idée mais pas sa concrétisation.

Un clavier AZERTY est souvent fourni, mais quel téléspectateur voudra garder ce clavier sur ses genoux lors d'un moment de détente devant son écran TV ?

Nous avons tous l'habitude d'utiliser une télécommande pour commander une télé.

Eatoni veut ne pas rompre avec cette habitude, en utilisant la télécommande pour écrire un texte. En collaboration avec Sanyo, nous avons développé un prototype de 'vraie' télévision interactive, basé sur ce concept... A suivre donc.

AB - Panasonic, Philips et Siemens, comptent parmi les références d'Eatoni. Quelles applications ont adoptées ces sociétés ?

HG - Pour Panasonic, Philips, et Siemens, l'intérêt est de proposer des services de SMS à partir de téléphones fixes sans fil. Les opérateurs et industriels des télécoms européens, dont France Télécom, s'intéressent à cette application.

Ils souhaitent que, dans un proche avenir, tous les appareils qui pourront se connecter sur leur réseau soient également capables d'envoyer des SMS. Les opérateurs de téléphonie mobile ont conscience que le SMS génère des revenus confortables avec un fort potentiel de croissance, ils veulent leur part du gâteau.

D'autre part, un grand nombre de consommateurs ont déjà choisi de ne pas avoir de téléphone fixe, le téléphone mobile satisfait leurs besoins. Vous le savez, en France il y a maintenant plus d'abonnés à la téléphonie mobile qu'à la téléphonie fixe.

Pour stopper l'hémorragie, les opérateurs de lignes fixes doivent proposer des services qui rendent la téléphonie fixe plus attractive.

Dans une large mesure, le particulier achète un ordinateur pour pouvoir utiliser le courrier électronique à domicile. La possibilité d'envoyer des SMS peut correspondre à ce même désir.

Tous ceux qui sont soit trop jeunes soit trop vieux pour le marché du téléphone mobile peuvent vouloir envoyer des SMS depuis leur domicile.

Plus largement, le téléphone fixe est au centre des réseaux à domicile (home networking). On peut imaginer un réseau reliant le frigo au grille-pain grâce à Internet. L'accès à Internet peut se faire par le câble et dans ce cas, la télévision devient le support clé pour le web. Aujourd'hui cependant, les internautes dans leur majorité se connectent au Réseau par le biais d'une ligne fixe (RTC, RNIS, ADSL).

AB - Travaillez-vous avec des éditeurs de contenu et des organismes financiers?

HG - Non, pas pour l'instant.

Il existe peu d'applications de téléphonie mobile qui ne puissent être améliorées par notre système d'entrée de texte. Un moteur de recherche pour le contenu, ou d'information financière, entre autre.

Nous sommes totalement ouverts pour travailler avec de telles sociétés, mais à l'heure actuelle nous restons focalisés sur la recherche de partenaires étroitement impliqués dans la création d'infrastructure de télécommunications : équipementiers, fabricants et opérateurs.

Une fois qu'Eatoni sera mieux intégrée sur ce secteur, nous réaliserons des projets en rapport plus direct avec les applications.

AB - Comment vont évoluer vos produits avec l'arrivée du GPRS, puis de l'UMTS?

HG - Notre offre est indépendante de la technologie de transmission de l'information.

Si une avancée fait qu'il y aura plus de besoins d'information textuelle, ce sera mieux pour nous. Si la promesse des technologies nouvelles de transmission est tenue, s'il y a vraiment plus d'interactivité avec le contenu, plus de jeux, plus d'applications créatives, alors il y aura vraiment plus de demandes pour notre technologie.

Tous ces services, d'une manière ou d'une autre, nécessitent que la méthode qui consiste à écrire sur un clavier réduit soit facilitée.

AB - Pour conclure, après Barcelone et Moscou, Eatoni va-t-il s'installer à Paris ?

HG - Ça serait pour moi le grand retour, et l'idée de revivre à Paris, d'une manière complètement différente, m'attire bien sûr.

AB - Monsieur GUTOWITZ, je vous remercie d'avoir accepté de répondre en français à mes questions.
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