Michel GRUNDSTEIN, expert en Intelligence artificielle et aide à la décision

21 mars 2000 à 00h00
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Michel GRUNDSTEIN estancien Conseiller de Direction chez Framatome et responsable desMéthodes et Applications Innovantes dans le domaine destechnologies de l'Information. Précisément, il a conduit denombreuses études d'approfondissement techniques etmét

NET - Monsieur Grundstein, bonjour.Jean-Louis ERMINE définit la Connaissance comme étant "del'Information qui prend un certain Sens dans un Contextedéfini". Est-vous d'accord avec cette définition ?

MG - J'ajouterais "pour quelqu'un". Il n'existe pas deconnaissances objectives ! Selon moi, la connaissance est uneinformation qui prend du sens, non dans un contexte particulier,mais dans la tête des gens. (ndlr : Se tournant vers nous) Jeparle et je vous transmet une information : cette informationvient de ma connaissance. Je l'articule sous forme d'information.Vous, vous captez quelque chose. Votre système d'interprétationva interpréter les choses. En d'autres termes, l'information nedevient connaissance que chez le « récepteur » car ill'interprète. J'ai donc une conception différente de celle deJ.L. Ermine qui est parti de l'ingénierie des connaissances etconsidère, comme moi je le considérais alors dans la conclusiondu livre Les Systèmes à Base de Connaissances, SystèmesExperts pour l'Entreprise (Michel Grunstein, Patrick deBonnieres, Serge Para / AFNOR Gestion, 1998), que la connaissancepeut être un objet manipulable. Pour moi, la connaissance n'estpas un objet.


NET - On nepeut pas éviter de poser la question de la dimension privéeet/ou collective des connaissances individuelles. Pensez-vous queles connaissances acquises par un individu dans le cadre de sontravail soit la propriété de l'entreprise, ou au contrairepensez-vous que l'individu soit fondé à faire valoir un droitsur ses connaissances ?

MG - Laconnaissance appartient à chaque personne (cf questionprécédente). Quant à demander un droit je ne le croispas. Cependant, dans l'entreprise, cette connaissance provient dutravail de chacun mais aussi du travail collectif. Donc, sil'entreprise investit pour la capitaliser, elle effectue uneffort de formalisation qui engendre l'appropriation desconnaissances par tous les employés. Ainsi, par définition,seule la connaissance non formalisée est privée.

NET - D'unpoint de vue dynamique, vous établissez un cycle decapitalisation des connaissances comprenant plusieurs étapes.Pourriez-vous nous les décrire ?

MG - Lacapitalisation des connaissances est une problématique. Je tiensd'ailleurs à préciser qu'elle n'est pas nouvelle. Capitaliserles connaissances de l'entreprise, c'est"considérer les connaissances utilisées et produites parl'entreprise comme un ensemble de richesse constituant uncapital, et tirer des intérêt contribuant à augmenter lavaleur de ce capital" (Michel Grunstein, La Capitalisationdes Connaissances de l'Entreprise, Système de Production desConnaissances, Actres du Colloque de l'Entreprise Apprenante etles Sciences de la Complexité, Aix-en-Provence, mai 1995). Parconséquent, il est nécessaire de repérer ces connaissances (onne peut en effet pas tout prendre), les préserver, les valoriser(faire en sorte qu'elles entrent en synergie afin de « faire »de nouvelles connaissances) et les actualiser pour aller plusloin (ce qui signifie trouver un système d'évaluation pour lesmettre à jour). Ceci représente effectivement un cycle àquatre facettes.
La cinquième facettes'attache ensuite à la question : "Comment manager toutçà ?". Nous sommes ici dans la problématique du Cycle deCapitalisation des Connaissances proprement dite.
Je tiens à préciserque seules les connaissances cruciales doivent faire l'objetd'une capitalisation. Ce sont celles qui apparaissent dansl'action, dans l'interaction, dans l'échange entre individus(notamment au cours de la résolution de problèmes). Ellesseules seront opérationnelles lors d'une exploitationultérieure. Il ne s'agit pas des connaissances"stratégiques" ni même "critiques" mais decelles qui peuvent être cruciales pour un groupe d'individus,une équipe immergée dans une problématique.

NET - L'ingénieriedes connaissances passe selon vous par un travail demodélisation de ces dites connaissances (il s'agit de la phasede "préservation" des "connaissancescruciales"). Dans le cadre de votre activité (MG Conseil),quel(s) type(s) de modèle(s) manipulez-vous ?

MG - Lesprincipes de base sont donnés par la démarche GAMETH (GeneralAnalysis METHodology) qui fixe les axes directeurs qui peuventensuite être déclinés. ACTIONEL (ndlr : société de serviceset de conseil dans le domaine de l'ingénierie et des systèmesd'information) a instrumenté ces axes directeurs. Le Modèled'Activité est inclus dans la démarche GAMETH et permetprécisément de repérer les "connaissancescruciales".

NET - Concernantla phase de repérage, ne croyez-vous pas qu'aujourd'hui lesacteurs du KM français passent un peu outre cette phase parl'application systématique de technologies, sans réel auditpréalable ?

MG - Il estvrai qu'une solution technique ne fait pas de KnowledgeManagement. Cependant, il faut bien comprendre qu'il n'existe pasde KM sans solutions techniques. Aussi, la mise en place de cesdernières attire les entreprises vers le management desconnaissances. Ce que je veux dire, c'est que lorsqu'uneentreprise met en place un intranet, elle est amenée un momentou un autre à réfléchir en termes de partage desconnaissances. L'outil peut donc servir de catalyseur. Concernantun éventuel audit, je pense qu'il est difficile de demander auxgens de connaître leurs besoin alors qu'ils ne connaissant pasla technologie. On ne peut rien y faire, donc il faut apprendreà prévoir. Même s'il y a des erreurs, je pense que les gensfont face à ce qui est mis en place et là ils font progresserle système. Pour résumer, je dirais que construire un systèmeà base de connaissances, c'est construire en commun un objetinconnu.

NET - Si l'ondevait résumer votre point de vue, pourrions-nous dire que lacapitalisation des connaissances n'est pas une fin en soi,qu'elle s'accompagne d'une véritable politique et philosophied'entreprise, donc d'un véritable projet de management desconnaissances ?

MG - Pourreprendre ce que j'ai dit précédemment, je pense que lacapitalisation est une problématique en tant que telle car ellese pose à toutes les entreprises. Elle devient management sielle est prise en charge de façon volontaire et consciente. Dansces conditions, la capitalisation devient un objet de politiqueet d'intérêt dans l'entreprise. Je tiens aussi à préciser quele terme « KM » est traduit en Français par « gestion desconnaissances ». A mon sens, cette traduction n'est pas valablecar elle ne reflète pas la notion de « gouvernance » induitepar le terme « management ». En effet, je crois que la gestiondes connaissances renvoie à toutes les fonctions liées deprès ou de loin au travail de gestion de l'information,dont la documentation. Or, le management des connaissancesimplique une notion forte de pilotage au niveau del'entreprise.

NET - Plusgénéralement, les "systèmes à base deconnaissances" ont souvent été critiqués pour avoirtenté de formaliser au maximum les connaissances afin de lesinformatiser, conduisant ainsi plus vers le développement dessystèmes informatiques que du recueil des connaissancesproprement dit. Est-vous de cet avis et au delà commentmesurez-vous l'apport de l'IA à la gestion des connaissances?

MG - Chez Framatome, nous avons réalisé une cinquantainede SBC (au moins au stade de la maquette). Le constat est lesuivant : à chaque opération, il y a toujours eu des retombéespositives sur la gestion des connaissances. Le livre "Lessystèmes à Base de Connaissances, Systèmes Experts pourl'Entreprise" met précisément en exergue la constructionen commun : je le répète, construire un SBC c'est construireensemble un objet inconnu. Mais du point de vue commercial ça nemarche pas ! Une entreprise paie une société de service sur labase de spécifications bien précises. En fait, l'important estla co-construction avec l'expert.
L'IA a apportébeaucoup d'avancées sur la représentation des connaissances (ence qui concerne notamment la phase "préserver") . Maisavec l'avènement des technologies de l'information, intranetsnotamment, se pose maintenant la question : faut-ilformaliser les connaissances dans la mesure où certaines d'entreelles sont partagées de manière informelle mais toujourscohérente (via la messagerie notamment)?

NET - A l'heureactuelle, on ne parle plus d'IE sans parler de KM et inversement? Pensez-vous que ces deux concepts soient en train de convergerou au contraire, pensez-vous que ces deux démarches relèventdans le fond d'une problématique totalement différente ?

MG - Ils'agit de la même problématique : il faut repérer lesconnaissances cruciales. L'IE est un moyen pour le faire. Ils'agit donc de la même chose, mais puisée àl'extérieur.

NET - MichelGrundstein, merci.
Entretien réalisé en Juin 1999 parJérôme Chaudeurge et Patrice Nordey
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