Bernard MAITRE, Galileo Partners, Société de Capital Risque

17 mars 2000 à 00h00
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Au coeur du développement de la NetEconomie se trouvent les sociétés de Capital Risque qui financent les start-up. Directeur associé chez Galileo, Bernard MAITRE a bien voulu nous présenter son activité.

JB - Monsieur Bernard MAITRE, bonjour. En quelques mots, pourriez vous présenter votre parcours ainsi que celui de votre société ?

BM - Après quelques années d'audit, j'ai eu la chance en 1981 (!) de rentrer en tant que contrôleur de gestion dans une start-up qui s'appelait Goupil et était l'un des premiers fabricants français de micro-ordinateurs. J'y ai pris une sacrée leçon de création d'entreprise et de management de la croissance. De sorte qu'en 1985 j'ai créé avec un associé et sous le nom de BLUE S.A. une société de réseaux locaux et de passerelles de télécom que j'ai bien vendue en 1989. La Banexi, banque d'affaires de la BNP m'a alors proposé de gérer un portefeuille de grosses participations informatiques. Comme cela m'a assez vite ennuyé, j'ai commencé à faire des investissements dans de petites entreprises de croissance (Saari, Ilog, Digigram, Coktel Vision etc...) et ça a bien marché. Nous avons alors lancé Banexi Ventures qui est d'ailleurs toujours un acteur du venture capital français. Puis la Caisse des dépôts m'a demandé début 1996 de créer CDC-Innovation , ce que nous avons fait avec beaucoup d'enthousiasme. C'est de cette époque que datent nos premiers investissements dans Internet, avec Integra, par exemple. Finalement, les fondateurs de Galileo, J.Flichy et L.M.Angué, m'ont proposé de les rejoindre pour lever et gérer un nouveau fonds de 500 MF. C'est à mes yeux la meilleure équipe et être indépendant était pour moi un vrai objectif. Nous venons donc de boucler le premier anniversaire de ce fonds.

JB - Galileo Partners investit de l'argent mais semble aussi très présent pour aider et conseiller les dirigeants de start-up. Avez vous réussi la synthèse entre Capital Risque et Business Angels ?

BM - Ce n'est pas comme ça que nous dirions les choses. Disons plutôt que nous essayons de faire bénéficier nos participations de l'expérience accumulée par notre équipe. C'est une approche plus anglo-saxonne et moins statistique de notre métier qui donne de bons résultats sur le long terme. Mais des approches plus statistiques ont aussi fait leurs preuves ce qui conduit à une certaine humilité ...

JB - Comment expliquez vous que des investisseurs traditionnels comme les banques soient aussi peu présents dans la NetEconomie ? Le risque peut être provisionné. Serait-ce tout simplement la peur de l'inconnu et l'incapacité à évaluer ce risque ?

BM - C'est une bonne remarque. En fait, les banques ont été un peu écartelées entre une pratique "financière" de l'investissement ( où l'objectif est de réaliser une plus value ) et une approche "industrielle" d'Internet ( où l'objectif est de renforcer la position concurentielle de la banque dans ses métiers de base). Il aurait été par exemple assez logique que les banques deviennent des fournisseurs d'accès gratuits pour mieux nous proposer leurs produits d'épargne, d'assurance, de bourse, de crédits à la consommation, de conseils financiers etc...à travers des portails de grande qualité. Ils y viendront, mais les parts de marché leur coûteront beaucoup plus cher que ce qui est encore possible aujourd'hui. En celà, les banques ne sont guère différentes de la plupart des autres grands acteurs du monde "réel".

JB - Le rôle de Galileo s'arrête t'il à l'introduction en bourse ou défendez vous une logique à plus long terme ?

BM - Non, notre métier est de faire faire de bonnes affaires à ceux qui nous confient des fonds dans le respect strict des choix des dirigeants que nous accompagnons. Nous sommes nous aussi des intermédiateurs et ne défendons surtout pas une politique industrielle qui nous serait propre. Bref, nous ne jouons pas au Monopoly mais essayons de créer de la valeur pour nos bailleurs de fonds et les entreprises que nous soutenons. La seule logique à long terme est que nos performances soient suffisantes pour lever des fonds de plus en plus importants et pouvoir ainsi mieux soutenir un nombre croissant de belles opportunités...

JB - Y a t'il une stratégie particulière dans les investissements de Galileo ? Cherchez vous à établir des synergies entre les start-up dont vous suivez la destinée ?

BM - Une stratégie, non , nous sommes assez ouverts à ce que l'on nous propose dés lors que nous percevons clairement la qualité d'une opportunité et des hommes qui nous la présentent. Par contre nous nous attachons à créer un maximum de synergies entre entreprises du portefeuille. Celà passe par des rencontres régulières, des échanges thématiques et pratiques, des partages d'expérience. Celà est particulièrement apprécié par nos affiliés.

JB - Des princes de la Finance comme Bernard Arnaud ou François Pinault ont fait une entrée fracassante sur Internet. Qu'en avez vous pensé ?

BM - Ce sont surtout des grands professionels de la distribution qui sont donc mieux armés que les autres grands acteurs pour comprendre l'impact des nouvelles technologies sur leurs métiers de base et donc l'émergence de la Nouvelle Economie. Ils sauront donc s'adapter et se développer, y compris au détriment d'autres acteurs moins agiles dans leurs déplacements le long de la chaîne de la valeur. Pour nous, ils constituent à la fois de redoutables concurrents mais aussi de nouvelles opportunités de valoriser certaines de nos participations.

JB - Parmi "vos start-up", quelles sont celles qui vous semblent les plus originales et les plus prometteuses ?

BM - Nous croyons à toutes nos participations, sinon nous ne pourions pas investir ! Comment choisir par exemple parmis nos quatre derniers investissements : Influe, qui révolutionne l'EDI grace à la technologie IP, NetToll créée avec avec et Reuters, Net2one qui est un service d'alerte sur Internet unique au monde ou Canalweb qui est déja le premier bouquet européen de télévision sur Internet ? Chacun d'entre eux constitue à nos yeux une opportunité exceptionnelle.

JB - Quelles sont, selon vous, les sociétés qu'il faut le plus surveiller dans les prochaine années ? Les start-up de "contenu" ?

BM - Dans les start up de contenu, seules celles qui sauront mettre en oeuvre une véritable interactivité pourront créer beaucoup de valeur-ajoutée. Instinctivement, je pense qu'il y aura beaucoup plus d'opportunités de très grandes tailles dans la nouvelle distribution (notament des biens numériques) et toutes sortes d'infomédiations.

JB - Pensez vous que la France et que l'Etat Français rattrapent leur retard sur Internet ? Si vous en aviez le pouvoir, quelles seraient les mesures à prendre ?

BM - Oui, bien sur, la France rattrape à grand pas, comme toujours. Dans les Nouvelles Technologies, tout va si vite que les interventions de l'état ont de forte chance d'arriver à contre temps. Les politiques d'aujourd'hui, au fond, ne comprennent pas ce qui se passe, combien les changements sont profonds et rapides (à quelques exceptions près de part et d'autre) . Ils seront donc surpris de mesurer combien ils se sont encore éloignés du monde réel et comment les systèmes de valeurs qui se mettent effectivement en place vont trouver rapidement d'autres moyens d'expression...

JB - Quels sont les qualités que vous recherchez chez un dirigeant de start-up? L'analyse sectorielle ? la capacité à manager une équipe ? L'aptitude à gérer l'inconnu ? la ténacité ?

BM - Vous avez dit l'essentiel : il doit être visionnaire et savoir faire partager sa vision. Il doit savoir écouter et apprendre pour s'adapter aux changements permanents de son écosystème. Ce doit être un bon meneur d'hommes, capable de convaincre et de recruter les meilleurs. Il doit être patient et impatient à la fois. Et il doit avoir de l'humour et de la chance...

JB - Pensez vous que les start-up accordent suffisamment d'importance au capital immatériel de leur entreprise (Marque, bases de données, matière grise, brevets, ...)

BM - C'est clairement un domaine qui progresse à pas de géant : le capital immatériel est de mieux en mieux compris et de mieux en mieux protégé. Il est de même beaucoup mieux valorisé, notamment par les analystes des valeurs cotées du secteur de l'Internet.

JB - A ce sujet, que pensez vous des valorisations atteintes par la plupart des sociétés cotées du secteur de l'Internet ?

BM - Il y a certes des excés, dus essentiellement à la rareté de l'offre par rapport à la demande. Mais ceux ci sont assez vite corrigés comme l'a illustré la récente normalisation du Nouveau Marché allemand. Je ne suis donc pas un adepte de la théorie de la bulle : bien sur et comme toujours, les marchés connaitront des hauts et des bas, avec peut-être même une volatilité encore plus grande. Mais Internet est vraiment en train de bouleverser l'économie toute entière et il se crée donc aujourd'hui des empires dont les frontières sont loin d'être arrétées. C'est bien entendu l'un des grands attraits de notre métier que de rechercher ses batisseurs d'empires...

JB - Monsieur MAITRE, je vous remercie. (entretien réalisé en Octobre 1999)
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