On a regardé « À contresens », le documentaire sur les idées reçues autour de la voiture électrique

Alexis Maniere
Publié le 12 novembre 2020 à 10h35
© 2020 A contresens - Le Film
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Depuis le 4 novembre dernier, il est possible de découvrir en avant-première digitale « À contresens », un film documentaire qui se propose de battre en brèche les idées reçues sur la voiture électrique. Dans l’optique de sensibiliser sur les contre-vérités circulant au sujet de l’électrique, le documentaire nous emmène aux quatre coins du monde… quitte parfois à avoir un discours quelque peu partisan.

Exploitation des enfants, usage de terres rares, destruction de l'environnement, batteries impossibles à recycler ou encore balance énergétique défavorable : l’attrait environnemental et sociétal de la voiture électrique est souvent remis en cause, que ce soit par des lobbys, les constructeurs ou la presse. Pour démêler le vrai du faux, l'ingénieur Marc Muller et le journaliste Jonas Schneiter ont mené une enquête de terrain de 2 ans, dont ils dévoilent les conclusions à travers une vidéo disponible sur le site acontresens-lefilm.fr.

Non, le cobalt n’est pas (a priori) extrait par des enfants

Le cobalt, dont la moitié de la production est employée pour la fabrication de batterie lithium-ion1, fait régulièrement l’objet des gros titres. La cause ? Son extraction, notamment réalisée au Congo, impliquerait le travail de près de 40 000 enfants, comme l'estimait l'UNICEF en 20122.

Face aux photos chocs diffusées dans la presse, Marc Muller a donc décidé de débuter son périple au Congo, allant de mines artisanales en mines industrielles pour faire la vérité sur le sujet. L'occasion d'apprendre que « seuls » 10% de la production nationale proviendrait d'exploitations illégales, où des mineurs sont susceptibles d'être exploités. Le travail des enfants serait donc moins courant que ce que d’autres conclusions, plus alarmistes, indiquent — notamment celles d’Amnesty International publiées en 20163.

© 2020 A contresens - Le Film
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Des terres rares dans les batteries ? Pas toujours

Lanthane, cérium, néodyme ou encore holmium : ces terres rares seraient largement employées dans la fabrication de batteries, notamment des voitures électriques. Et le problème vient de là : bien qu’elles ne soient pas « rares » en réalité, leur extraction s’avère extrêmement polluante à l’heure actuelle, comme le rappelle d'ailleurs un rapport de l'Ademe publié en octobre4.

Mais les voitures électriques contiennent-elles réellement des terres rares, et si oui en quelles quantités ? Pour répondre à la question, Marc Muller n’y est pas allé par 4 chemins : il a décidé de désosser une Renault Zoé et une Fiat Punto afin de faire analyser leurs composants. Résultat : l’électrique française ne contient pas de traces de terres rares, tandis qu'il y en aurait dans le pot catalytique de la citadine thermique. Une conclusion que nous avions d'ailleurs déjà évoquée à travers notre dossier consacré à la « propreté » des voitures électriques.

Rappelons toutefois que la Renault Zoé semble être l’exception à la règle, comme le souligne à juste titre Marc Muller en indiquant que parmi les 10 modèles électriques les plus vendus, 7 contiendraient, pour leur part, ces métaux si préjudiciables pour l’environnement.

Le lithium, une catastrophe environnementale ?

Incontournable pour la fabrication des batteries, le lithium est, lui aussi, souvent décrié en raison de l’impact environnemental induit par son extraction. En effet, le pompage de la saumure et son traitement – permettant d'obtenir le lithium – nécessiteraient une grande quantité de carburant et contamineraient les sols.

Cette fois, Marc Muller s’est envolé pour le Chili, et plus précisément dans le salar d’Attacama, un désert salé d'où les flamants roses auraient fui en raison de l'exploitation de la saumure. Interrogeant des responsables de l'extraction, des habitants ainsi que des ONG, il en arrive à la conclusion qu'aucune étude sérieuse n'a prouvé la nocivité du pompage sur l'environnement... mais qu'aucune n'a démontré le contraire non plus. Statu quo ? Pas forcément, puisque le documentaire indique que le lithium ne serait, en réalité, qu'un sous-produit de l'exploitation de potassium, largement utilisé pour les engrais. Mais bien que l’éclairage soit le bienvenu, on peut toutefois regretter que Marc Muller ne soit pas parti plutôt à la découverte des mines australiennes, concentrant à elles seules 55% de la production mondiale (contre 23% pour le Chili)5.

© 2020 A contresens - Le Film

Le recyclage, plus performant qu’il n’y paraît

Le recyclage des batteries de voiture électrique est souvent l’objet de désinformation. Indispensable pour réduire l'empreinte environnementale globale des VE, comme nous l'expliquions dans un récent dossier, ce poste semble encore peu investi par les industriels et les constructeurs à l’heure actuelle. Au point qu’une étude franchement douteuse va jusqu’à avancer le fait qu’un Hummer polluerait moins qu’une Toyota Prius, comme le met en avant le documentaire.

Au sein de l’EMPA, Marc Muller (accompagné du chercheur Marcel Gauch) démontre que le recyclage des composants des batteries est non seulement possible, mais également relativement simple à petite échelle. Interrogée sur le sujet, l'entreprise Umicore, spécialiste du recyclage, affirme que la société est en mesure de recycler 95% des composants des batteries (mais ne donne pas de détails sur les procédés mis en œuvre). Si le propos porté par le documentaire est, une fois encore, pertinent et nécessaire, on regrette que 2 éléments de contexte ne soient pas abordés :

  • La réglementation européenne n'impose de recycler que 50 % du poids moyen des batteries à l'heure actuelle6 ;
  • Les principaux acteurs du recyclage, à l'image de la SNAM (qui, elle, explique ses méthodes), ne revendiquent un niveau de recyclage que de l’ordre de 70%7.

Un mix énergétique vraiment désavantageux ?

Parmi les principales informations approximatives circulant sur le sujet, l’une est plus récurrente que d’autres : du puits à la roue, les véhicules électriques seraient plus polluants que les véhicules thermiques en-deçà d’un certain kilométrage. Plusieurs études ont d’ailleurs fait ce constat. En fonction du mix énergétique utilisé, nous avancions nous-mêmes – en nous basant sur plusieurs sources contradictoires – qu'il faudrait parcourir entre 25 000 et 150 000 kilomètres avant que le véhicule électrique soit moins polluant que son équivalent thermique, rappelant toutefois que la vérité se trouvait probablement entre ces deux nombres.

Pour se faire une idée sur le sujet, Marc Muller est allé à la rencontre de Christian Bauer. D'après le chercheur de la Haute École de Lucerne, quel que soit le mix énergétique employé, la voiture électrique serait systématiquement moins polluante que son homologue thermique, et ce dès le premier kilomètre.

© 2020 A contresens - Le Film

Que retenir de ce documentaire ?

En premier lieu, qu’il est vivement conseillé de le regarder afin de découvrir le sujet sous une nouvelle perspective. Certes, on peut reprocher à Marc Muller d’avoir omis (volontairement ou non) certains éléments de compréhension qui, pourtant, sont essentiels pour apprécier la problématique dans son ensemble.

Il n’en reste pas moins que le film démontre les travers de la désinformation et du lobbying. Ni tout blanc, ni tout noir, le véhicule électrique constitue simplement une solution plus pertinente, d’un point de vue écologique, que le véhicule thermique à long terme. Une vérité souvent remise en question, et que Marc Muller a le mérite de rappeler.

Une raison largement suffisante pour jeter un coup d’œil au documentaire, disponible à la location jusqu’au 14 novembre.

Par Alexis Maniere

Venu tout droit du monde de la pub, Alexis couche aujourd'hui ses idées sur le papier. Rédacteur touche-à-tout, il décrypte l'actualité et les tendances dans divers domaines, de l'automobile à l'assurance, en passant par l'immobilier. Mais comme vous l'aurez peut-être deviné, Alexis aime avant tout parler de lui... et si possible à la 3e personne.

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Buttman

Bonne initiative
On aura plus de recul dans une 10aines d’années

cirdan

En gros, un documentaire qui démontent les affirmations qui elles-mêmes démontaient d’autres affirmations. Et, au bout du compte, ça ne fera pas changer d’avis les plus entêtés des deux camps.
Autant regarder ce documentaire pour se faire une opinion, mais force est de constater que les choix des endroits visités, des véhicules mis en avant ou des personnes rencontrées introduisent un biais de départ.
Il aurait peut-être été plus neutre de susciter la contradiction à l’intérieur même du reportage, ce qui ne semble pas avoir été fait.

pascal16

Pour s’équiper en voiture électriques, il faut dans un premier temps extraire les matériaux dont on a besoin. Une fois le parc 100% électrique, le circuit de recyclage permet une pression moins forte sur l’exploitation. Il faut donc un passage à l’électrique « suffisamment lent » pour ne pas créer de tension sur les matières premières.

Machin pollue moins que bidule, est totalement impossible à vérifier, ça dépend de ce que l’on prend en compte comme « polluant » et jusqu’où on élargie les conséquences. Il y aura toujours des spécialistes vous démontrant une chose et d’autres le contraire.

Passer au 100% électrique, est l’idée maitresse de la réduction de la production de CO2 pour parer au changement climatique, à condition que l’électricité soit elle-même faiblement créatrice de CO2.

Riket79

Votre dernier paragraphe est « quelque peu partisan »…

jcc137

Je dirai plutôt objectif et réaliste. Comment peut-on croire que le thermique pollue plus que l’électrique ???

Riket79

Du point de vu d’un pays riche et occidental comme la France, la perspective parait réaliste. Sauf que comme à l’époque des Colonies, la production de nos voitures n’est possible que si on exploite d’autres territoires et d’autres personnes pauvres.

Rappelez vous que les voitures ne sont accessible qu’à une petite partie de la population mondiale. L’agriculture n’est mécanisé qu’à 20% sur cette planète…
Bref, nous devons pour commencer remettre en question notre consommation de choses inutiles et chacun essayer à notre échelle d’être le plus sobre possible. La voiture électrique aujourd’hui n’a pas pour enjeu la réduction de la pollution, elle n’est qu’un nouveau produit de consommation pour les riches.
Il faut tout revoir de manière globale.

trollkien

Technique ancestrale, et très utilisé chez les pervers narcissiques, les politiciens et autres : Te dire tout et son contraire, de facon cyclique, afin de t’embrouiller le cerveau et te faire perdre tout discernement

philouze

« Machin pollue moins que bidule, est totalement impossible à vérifier, ça dépend de ce que l’on prend en compte comme « polluant » et jusqu’où on élargie les conséquences. Il y aura toujours des spécialistes vous démontrant une chose et d’autres le contraire. »

Et bien je ne suis pas d’accord avec ça, tout est comparable. On sait combien de km2 de plages ou de millions d’animaux meurent pour une seule marrée noire. On sait les surfaces bousillées par le pétrole de schiste, ou de sables bitumineux en zones sensibles.

C’est donc possible de comparer le sous produit lithium dans des mines de phosphates dans un salar totalement abiotique à la base VS un estuaire massacré au pétrole.

C’est facile de remonter le poids co2 d’une batterie sur 10 à 15 ans et de la comparer au poids co2 de cramer du pétrole dans une caisse sur la même période.

Ces chiffres sont disponible et les études les synthétisent.

Et elles disent TOUTES que le pétrole perd et de loin, dans toutes les configurations.

philouze

concluant =/= partisan. Si toutes les études vous montrent que la terre est plate, mais que les platistes font du lobbying, vous n’allez pas conclure que le journaliste qui commente un reportage anti platiste est partisan car il réaffirme… que la terre est bien ronde.

Sekki

Le vrai écologiste vous dira qu’il se moque bien de savoir qui de l’électrique ou du thermique pollue le plus … Les deux pollues donc les deux sont mauvais pour l’environnement !