"Je suis heureux de vous faire pitié" : pourquoi, Xavier Niel, vexé, s'est-il laissé emporter au Sénat ?

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero, Journaliste-reporter, responsable de l'actu.
Publié le 24 mars 2023 à 08h45
Xavier Niel © Frederic Legrand - COMEO / Shutterstock
Xavier Niel © Frederic Legrand - COMEO / Shutterstock

Xavier Niel, titillé par une question que lui a posée le sénateur Patrick Chaize, a fait preuve d'une certaine virulence, mercredi 22 mars.

Nous avions rarement vu un Xavier Niel aussi remonté en public. Le patron de Free, qui faisait face aux membres de la commission des affaires économiques du Sénat, s'est emporté après une question sur la stabilité des prix des offres de Free sur le mobile et la capacité de l'opérateur à tenir cette dernière. « Là, je marche sur la Lune », lui a répondu le pionnier du triple play. Récit d'un moment… tendu.

Xavier Niel vexé d'être interrogé sur les tarifs de Free Mobile

Xavier Niel était assez bouillant cette semaine lors de son passage au Palais du Luxembourg. Bien chauffé sur la question de l'arrêt prochain du cuivre pour lequel son concurrent Orange semble traîner des pieds, le dirigeant en a profité pour lancer une pique à l'audience au sujet des marges dégagées par le groupe M6. Il a expliqué que les opérateurs télécoms étaient beaucoup trop taxés, alors que les obligations qui pèsent sur eux sont bien plus importantes que celles imposées aux chaînes de télévision.

Immédiatement, Xavier Niel a embrayé sur le point des tarifs de son opérateur mobile, interrogé là-dessus par le vice-président Les Républicains de la commission, Patrick Chaize. « Vous avez une politique tarifaire agressive qui annonce une stabilité de vos tarifs sur les années qui viennent. Est-ce tenable ? Allez-vous pouvoir tenir vos engagements ? » lui a demandé le sénateur.

« Vous êtes en train de me dire "augmentez vos prix" ? Je fais mon métier ! », a lancé Xavier Niel, le ton vif et couvrant les « on se calme » de l'un des sénateurs présents dans la salle. Il a ensuite assuré : « Je vais baisser le volume » avant d'être de nouveau chahuté par un sénateur.

Le patron de Free ne veut pas que l'on remette en cause ce qui fait sa force

« Monsieur, si vous ne souhaitez pas que je sois là, je peux m'en aller et, je vous promets, je suis venu ce matin spontanément et gentiment […]. Vous venez m'agresser sur des sujets précis. » Après un apaisement de la présidente Sophie Primas, Xavier Niel tente de reprendre sa justification sur la stabilité des tarifs mobiles.

Xavier Niel, devant les sénateurs ce mercredi © Sénat
Xavier Niel, devant les sénateurs ce mercredi © Sénat

« Les bas prix font partie de nos atouts, de ce qu'on apporte aux Français, du pouvoir d'achat. Dans un monde où on va avoir des problèmes incroyablement supérieurs à ceux que l'on a en ce moment sur d'autres réformes, avec des hausses de prix de 10 à 15 %, qu'une société soit responsable, dans ce pays, et dise "je ne vais pas augmenter mes prix" ne me paraît pas être une chose sur laquelle on devrait avoir des remarques. »

« Ne faites pas dans la provocation » : le débat sur les prix est tendu

La présidente de la commission a alors essayé de calmer le jeu, rappelant que la question du sénateur Chaize était de savoir s'il était tenable, pour Free Mobile, de pratiquer des prix bas sur le long terme. Pour mémoire, l'opérateur a promis de ne pas augmenter ses tarifs au moins pour les cinq prochaines années.

« Écoutez, moi je suis heureux de vous faire pitié, de vous faire de la peine, et je vous en remercie, c'est assez rare », a alors rétorqué le patron de Free. « Ne faites pas dans la provocation, monsieur Niel, nous ne sommes pas partis sur le bon pied », a alors lancé la présidente.

Xavier Niel a rappelé que l'investissement restait la priorité de Free, même si « à la fin, il n'en reste pas beaucoup » (d'argent). La situation a fini par s'apaiser, le chef d'entreprise a mis de l'eau dans son vin et présenté ses excuses au sénateur invectivé. On aura néanmoins compris qu'il n'était pas question pour l'opérateur de toucher aux tarifs de ses forfaits mobiles. Au-delà de la vive discussion, le débat était plus qu'intéressant. Des échanges d'ailleurs à retrouver en vidéo, sur le site du Sénat.

Par Alexandre Boero
Journaliste-reporter, responsable de l'actu

Journaliste, responsable de l'actualité de Clubic. En soutien direct du rédacteur en chef, je suis aussi le reporter et le vidéaste de la bande. Journaliste de formation, j'ai fait mes gammes à l'EJCAM, école reconnue par la profession, où j'ai bouclé mon Master avec une mention « Bien » et un mémoire sur les médias en poche.

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trollkien

Qu’on apprécie ou pas la personne ou son réseau, on ne peut lui enlever d’avoir mis un coup de pied dans la fourmilière Orange/SFR/Bouygues, pour le bien du client final.

malak

Il n’a pas mis de coup de pied, il a réussi à s’inviter au festin… et les marges sont tellement petites (d’après lui) qu’il n’a pas besoin d’augmenter ses tarifs… c’est presque drôle.

Et il aimerait qu’Orange aille plus vite sur le cuivre, car lui ne dépense pas un centime et ça lui ferait faire de grosses économies supplémentaires… radin est le meilleur mot qui le défini.

bizbiz

C’est Point Break au sénat… Avec Patrick Chaize ?

MisterDams

On rappelle quand même que non, les tarifs Free ne sont pas les plus bas du marché. C’est une croyance populaire !

  • Free Mobile sans la box, c’est 9,99€ puis 19,99€ quand RED et B&You sont autour de 15€ (plus cher dès la fin de l’année 2)
  • Freebox Pop c’est 29,99€ puis 39,99€ quand RED est à 18,99€ puis 28,99€
  • Même la fameuse combinaison « imbattable » Freebox Pop + Free Mobile est à 39.99€ puis 49,98€, contre 33,99€ puis 43,99€ chez RED (pour 2 offres THD + Mobile).

Alors Niel a raison, pourquoi on vient lui poser la question à lui ?

En parallèle, c’est celui qui conçoit et fait produire ses propres boxs depuis 20 ans (software+hardware), s’épargnant ainsi les marges des prestataires et gardant un contrôle complet qui lui permet sûrement d’économiser fortement, notamment en uniformisant son parc à un niveau qu’aucun autre FAI n’oserait rêvé (le software qui équipe Freebox Pro, Delta Server et même Révolution est en grande partie mutualisé).

Il démontre qu’une entreprise, ça se raisonne comme un ensemble et que c’est sur la longueur qu’on peut construire quelque chose. Mais dans cet univers de « quick wins » voués à montrer des croissances toujours plus démesurées aux actionnaires chaque année, forcément c’est un OVNI. Pour moi, il manquait justement une petite référence à la sortie de la bourse qui les rend beaucoup moins dépendants des attentes des marchés ! :grin:

Mister_Georges

Quand on à un beau père comme le sien on peut pousser la gueulante au royaume des vieux débris! :stuck_out_tongue_winking_eye:

PaowZ

@malak: Et c’est grâce aux économies réalisées par l’entreprise que ce radin - comme tu dis - nous permettra à nous, con-sommateurs, de pouvoir bénéficier de tarifs plus compétitifs sur le marché des opérateurs. Niel, c’est pas Drahi !

Augusto

Ayn Rand. The strike.
À lire.
La seule chose que je lui reprocherai dans cet incident… C’est de s’être excusé.
Pas que je sois un admirateur de Niel ou des autres hommes d’affaire de son gabarit, hein,mais le sénateur méritait sa gibs et le côté « nous ne sommes pas partis du bon pied » de la présidente me donne juste envie de gerber.

Proutie66

Sincèrement,
« Vous avez une politique tarifaire agressive qui annonce une stabilité de vos tarifs sur les années qui viennent. Est-ce tenable ? Allez-vous pouvoir tenir vos engagements ? » lui a demandé le sénateur »
Qui ne serait pas choqué dans cette période d’inflation.
Je rappelle que ces même sénateurs viennent de voter pour les retraites à 64 ans, alors qu’ils ne changent pas leur propre régime spécial de retraite.
Oui, il a tout à fait raison.

Il a fait baissé les prix et aussi mis de vraies box en place. A tel point que les box « Google » (leur équivalent) sont bien souvent peu intéressante.
Regardons ce que fait une freebox révolution, pourtant ultra vieille… encore aujourd’hui.

malak

Ce n’est pas grâce à lui, mais à l’Etat qui l’a fait venir sur le marché dans le but précis de casser le trio (et avec de gros avantages).
Faut arrêter de lui lancer des fleurs alors qu’il n’a fait que bénéficier de la situation.

C’est l’Etat qu’il faut remercier, mais bon le reconnaitre, ça écorcherait le derche de beaucoup…

Vonsss

En attendant qu’on aime le personnage ou pas … on ne paye plus nos forfaits 4h d’appels à 40€ par mois. Donc merci Xavier.