Sur Mars l'instrument allemand HP3 creuse (enfin) son trou

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
16 juin 2020 à 13h10
4
La "taupe" est enfin sous la surface de Mars ! ©NASA/JPL-Caltech
La "taupe" est enfin sous la surface de Mars ! ©NASA/JPL-Caltech

Les équipes ont passé plus d'un an à tester et chercher des solutions pour enfoncer la sonde dans le sol martien. Centimètre par centimètre, leur dernière tentative semble couronnée de succès.

Comme quoi il ne faut jamais baisser les bras…

Etudier la diffusion des températures à la surface

La route est encore longue : compte tenu de la longueur de la tête de forage, la sonde de l'instrument « Heat Flow and Physical Properties Package » (HP3) n'est enfoncée aujourd'hui que de 30 à 40 centimètres dans le sol martien. Il faudra encore du temps (et peut-être quelques sueurs froides) pour que HP3 atteigne les cinq mètres de profondeur idéale pour son fonctionnement.

Capable de relever les variations de températures grâce à des capteurs situés sur le « câble » qui relie la tête de forage à la surface, HP3 doit révéler l'influence solaire sur la croûte de surface de Mars, mais aussi mettre en évidence un éventuel cœur chaud de la planète.

Toutefois, depuis l'atterrissage de la sonde InSight qui le transportait en novembre 2018, l'aventure a été difficile pour l'instrument et les équipes allemandes qui s'occupent de lui.

Pâtés de sable

Le déploiement de HP3 a commencé en mars 2019 avec confiance puisque l'instrument juste à côté, le sismomètre de précision SEIS, écoutait déjà les potentiels « tremblements de Mars ». Malheureusement pour les ingénieurs et chercheurs, la tête de forage de HP3 est restée bloquée dans le sol, stoppée après 20 à 25 centimètres de progression.

A-t-elle heurté un rocher dans cette zone sableuse ? Son câble est-il bloqué dans le tube qui permet le déploiement ?

En désespoir de cause, aidées par les équipes du Jet Propulsion Laboratory qui gèrent l'ensemble de la mission InSight, le corps de l'instrument HP3 est déplacé, ce qui permet de mieux observer la tête de forage, qui, malgré son mécanisme à percussion, échoue à s'enfoncer dans le sol.

Les scientifiques finissent par identifier une propriété inattendue de friction du sable à la surface (c'était « un peu comme de prévoir de creuser dans du sucre et de forer dans de la farine à la place » décrit un responsable sur le site de l'agence allemande). À l'automne puis au début de l'hiver, différentes tentatives avec le bras robotisé de la mission visent à tasser le sable pour que la sonde s'enfonce plus facilement. Las, par deux fois, la tête de forage est… remontée.

Dernier sauvetage pour HP3

Début 2020, les équipes allemandes et américaines ont déployé l'une des toutes dernières possibilités pour sauver la mission de HP3. Avec le godet situé au bout du bras robotisé, ils ont appuyé sur le bord de la tête de forage pour l'empêcher de remonter, et l'aider à s'enfoncer une bonne fois pour toutes dans le sable rouge. L'opération est particulièrement risquée : un effort mal appliqué quelques millimètres plus à gauche et le bras robotisé peut sectionner le câble et définitivement anéantir les espoirs des deux équipes.

Heureusement, cette nouvelle méthode fonctionne. Même si le nombre d'échanges avec l'instrument est limité après déjà un an et demi passé à la surface de Mars, la tête de forage s'enfonce d'environ d'un à deux centimètres par semaine. Et alors qu'elle passe entièrement sous la surface, le bras robotisé qui continue d'appliquer une pression maximale sur le sol ne servira bientôt plus à rien. Dans cette lutte contre les éléments, il suffit de regarder le câble bardé de capteurs passifs s'enfoncer et disparaître doucement dans le sable.

Il faut toutefois rester prudents jusqu'à ce que les équipes allemandes puissent effectivement récolter les données qu'ils sont allés chercher à 200 millions de kilomètres de leur laboratoire. Pour le moment, c'est une victoire, après plus d'une dizaine de mois d'efforts et de tentatives.

Vous êtes un utilisateur de Google Actualités ou de WhatsApp ? Suivez-nous pour ne rien rater de l'actu tech !
google-news

A découvrir en vidéo

Haut de page

Sur le même sujet

Rejoignez la communauté Clubic S'inscrire

Rejoignez la communauté des passionnés de nouvelles technologies. Venez partager votre passion et débattre de l’actualité avec nos membres qui s’entraident et partagent leur expertise quotidiennement.

S'inscrire

Commentaires (4)

armagedon3000
Bonne nouvelle.
iksarfighter
C’est important de savoir quelle est la t° moyenne sous terre (mars!) pour un éventuel habitat souterrain, faudra-t-il le chauffer ou bien le refroidir ?
ebottlaender
Il faudra bien le chauffer ^^ Mais la question reste intéressante.
Labarthe
«&nbsp;Comme quoi il ne faut jamais baisser les bras&nbsp;»… bien vu, sauf bien sûr si on est un robot monobras !<br /> Et à propos de trou, celui découvert dans la capsule soyouz amarrée à l’iss n’aurait-il pas disparu des radars médiatiques comme une vérité cachée ?
ebottlaender
On en a parlé autant qu’on a pu mais… la Russie n’a pas du tout été bavarde là dessus. Le rapport d’enquête n’a jamais été dévoilé en public, le module orbital a été détruit lors de sa rentrée atmosphérique, les clichés et réparations effectuées lors de la sortie orbitale sont restés dans un fichier chez Roscosmos.<br /> Médiatiquement justement, on aurait bien voulu en parler, mais il n’y a pas de matériel.
Voir tous les messages sur le forum