Hayabusa2 réussit à déposer ses échantillons d'astéroïde sur Terre !

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
05 décembre 2020 à 22h42
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Vue d'artiste de la sonde Hayabusa2. On voit sur le côté la capsule de retour d'échantillons qui est revenue sur Terre aujourd'hui. Crédits ISAS/JAXA
Vue d'artiste de la sonde Hayabusa2. On voit sur le côté la capsule de retour d'échantillons qui est revenue sur Terre aujourd'hui. Crédits ISAS/JAXA

Presque six ans après son décollage, Hayabusa2 est revenue frôler la Terre pour y déposer sa capsule de retour d'échantillons, collectés sur l'astéroïde Ryugu en 2019. Les équipes se préparaient à cette arrivée depuis des mois et vont pouvoir, soulagées, passer à l'étape suivante.

La sonde, elle, va poursuivre l'aventure !

Ramener Ryugu à la maison

Ce 5 décembre au soir, l'équipe de récupération japonaise envoyée dans le désert australien près de Woomera scrutait le ciel. Au radar d'abord, puis à la jumelle depuis l'hélicoptère de récupération une fois le parachute de la mission Hayabusa2 déployé. La zone était importante (plus de 100 kilomètres de diamètre) mais la petite capsule, surnommée « tamatebako » (boite à trésor), a été suivie tout au long de sa descente avant que les équipes sur zone se rendent au point d'atterrissage.

Grand soupir de soulagement, il semble que cette dernière ait bien survécu à sa traversée de l'atmosphère, quasiment six ans après son départ vers l'astéroïde Ryugu ! Les opérations se précipitent actuellement pour mettre les échantillons en sécurité dans les plus brefs délais. Tout le monde est aujourd'hui très impatient d'ouvrir le dispositif de stockage pour découvrir combien de matière Hayabusa2 a pu ramener de son long trajet. Il faudra pourtant attendre : d'abord, il faut attendre que la capsule soit examinée pour être certains qu'il n'y a plus de risque pyrotechnique ou d'émanation de gaz. Puis l'extérieur du boitier sera observé au sein de la capsule en Australie, mais il ne sera ouvert qu'après son retour à Sagamihara (Japon) via un vol charter.

Hayabusa2, le retour

Même si cette phase de la mission est capitale pour pouvoir étudier les échantillons sur Terre, elle fut bien moins médiatisée que les opérations qui ont eu lieu autour de l'astéroïde. Malgré la crise sanitaire liée à la COVID-19, les équipes japonaises ont pourtant réussi le tour de force de tout organiser à temps. Le 13 novembre 2019, la mission Hayabusa2 prenait le chemin du retour avec sa précieuse petite capsule. A l'intérieur, deux compartiments contenant des échantillons collectés le 21 février, puis le 11 juillet dans la zone d'impact d'un projectile spécial tiré par la sonde.

Il a fallu procéder avec beaucoup de précautions. D'abord pour s'éloigner de l'astéroïde Ryugu tout en contrôlant sa position grâce aux étoiles. Ensuite, en allumant et en testant les propulseurs ioniques de la sonde, éteints depuis 20 mois environ. Ce type de propulsion est très efficace et économe en carburant, mais nécessite des périodes de plusieurs dizaines de jours de fonctionnement continu pour produire le changement de trajectoire. Les moteurs ioniques ont été allumés en continu en deux phases, de décembre 2019 à février 2020, puis de mai à septembre 2020. A la fin de cette période, il ne restait plus qu'un nombre restreint de corrections à mener pour avoir rendez-vous avec la Terre.

Schéma du retour de la capsule contenant les échantillons. Crédits JAXA
Schéma du retour de la capsule contenant les échantillons. Crédits JAXA

En route pour Woomera

Dans le même temps, les autorités japonaises ont travaillé avec leur nouvelle consœur, l'agence spatiale australienne (cette dernière n'est effectivement née qu'en 2018) pour préparer l'atterrissage. Déjà, il a fallu définir une zone d'exclusion aérienne dans le désert près de Woomera. Heureusement, tout est géré depuis la base de la Royal Australian Air Force sur place ! Ensuite, à travers les différentes corrections de trajectoire, il a fallu s'assurer que la capsule de retour serait bel et bien larguée au bon endroit : pas question de rater la zone et de bombarder une zone habitée, fut-ce avec de précieux échantillons… La crise sanitaire aussi devait être prise en compte, l'équipe de récupération et son matériel arrivant du Japon dès le 2 novembre. Quarantaine sanitaire, présence d'équipes au sein d'une « bulle » pour éviter toute contamination, les deux pays ont du travailler de concert.

Le 22 octobre, à 17 millions de kilomètres de la Terre, Hayabusa2 s'est servie de ses propulseurs d'attitude pour corriger sa trajectoire vers notre planète. A chaque opération du genre (il y en a eu quatre), le ballet des équipes est réglé au millimètre. D'abord, la trajectoire de la sonde est simulée, et la correction est appliquée informatiquement par une équipe indépendante pour vérifier que tout se passe bien. Ensuite, les instructions sont envoyées à la sonde, qui planifie sa manœuvre. Dès qu'elle l'a exécutée, tout est fait pour que la nouvelle trajectoire réelle de Hayabusa2 soit calculée au plus vite : dans les quatre heures, les équipes peuvent renvoyer un ajustement. Chaque grosse séquence de correction (on les appelle des TCM – Trajectory Correction Maneuver) est appliquée le plus loin possible de la Terre pour économiser un maximum de carburant.

Le moment exact du prélèvement des échantillons sur l'astéroïde Ryugu. Crédits ISAS/JAXA
Le moment exact du prélèvement des échantillons sur l'astéroïde Ryugu. Crédits ISAS/JAXA

C'est le 26 novembre, avec l'accord des australiens et après analyse détaillée, que le feu vert a été donné lors de TCM-3 pour diriger Hayabusa2 vers le site d'atterrissage. La capsule a été larguée à 5h30 ce 5 décembre.

Que faire avec des bouts de Ryugu ?

Après leur retour sur Terre, c'est une nouvelle « vie » qui va commencer pour les échantillons de Ryugu. Le container sera ouvert pour la première fois dans une atmosphère hautement contrôlée, pour être sûrs de ne pas les contaminer. Il y aura d'abord un inventaire le plus complet possible pour peser, mesurer et même compter les « grains » collectés. Une partie (traditionnellement autour de 40 à 60%) sera laissée de côté et stockée dans des conditions de long terme pour être ouverte d'ici quelques décennies lorsque les instruments et moyens d'étude auront encore progressé. L'autre sera étudiée durant environ six mois par l'équipe internationale de scientifiques constituée par les responsables de Hayabusa2, qui ont en quelque sorte l'exclusivité des premiers résultats.

Ensuite, passées les premières publications, les laboratoires du monde entier seront invités à envoyer leurs propositions d'études pour recevoir des échantillons. Il s'agit toujours de maximiser le retour scientifique, alors ceux qui seront retenus dans un premier temps doivent réaliser des expériences qui n'abîment pas le matériel. D'autres tests, destructifs, seront aussi appliqués sur de minuscules grains de matière : découpe en « tranches » de quelques nanomètres d'épaisseur, combustion au laser, réaction chimique avec telle ou telle molécule…

Analyse d'un seul minuscule grain rapporté de l'astéroïde Itokawa en 2010. Crédits ESA
Analyse d'un seul minuscule grain rapporté de l'astéroïde Itokawa en 2010. Crédits ESA

Vers l'infini, et 1998 KY26

Puisqu'il reste un peu de carburant au sein des réservoirs de la sonde, et que ses capteurs sont en bon état général, les responsables de la mission ont décidé de lui donner l'opportunité de visiter un autre astéroïde. Le pari, audacieux (après tout, si la sonde échoue ce n'est plus dramatique), vise un rendez-vous avec le minuscule astéroïde 1998 KY26. Celui-ci mesure seulement 30 mètres de diamètre, et tourne sur lui-même en seulement 10 minutes ! Mais cette rencontre n'est prévue que pour 2031. Sur son chemin, l'équipe scientifique a prévu un programme d'observations périodiques de la lumière zodiacale solaire, le transit d'exoplanètes et même le survol lointain d'un troisième astéroïde, 2001 CC21. Enfin, si vous souhaitez observer Hayabusa2 pour lui souhaiter une dernière fois un bon voyage, elle devrait survoler la Terre en 2027 et 2028… Un sacré programme pour une jeune retraitée !

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (9)

Gus_71
Waouh ! Bravo à tous ceux qui ont contribué à ce succès !<br /> (Et à ceux qui nous en informent, œuf Corse ! )
louchi
Bravo à eux, c’est pas le moment de se décrotter le nez, même si ça donne envie
Zakalwe
Très bon article ! Merci Eric !
pecore
Belle réussite.
Element_n90
Les échantillons, ils sont manipulés dans une chambre à vide comme le milieu spatial ou sous athmosphère pour laisser les terriens tourner autour et les bidouiller sans trop de contraintes… mais avec le risque que l’air (ou le gaz du labo) interagisse ?
Fulmlmetal
Ce sera probablement sous gaz neutre
ebottlaender
Les chambres à vide c’est embêtant pour plein de raisons. L’analyse sera menée en deux temps. Déjà il y aura les gaz dans la capsule scellée (qui sait, il peut y avoir quelques molécules de «&nbsp;gaz d’astéroïde&nbsp;») qui seront prélevés à l’ouverture dans une atmosphère contrôlée (typiquement de l’hélium, c’est neutre) et à basse pression (pour pas que ça fasse «&nbsp;POFFF&nbsp;» et qu’il y ait un nuage de poussière d’astéroïde dans toute la boite).<br /> Dans un deuxième temps la capsule est «&nbsp;vraiment&nbsp;» ouverte, là aussi sous atmosphère contrôlée mais à pression ambiante.
philumax
ils vont tomber sur VENOM ?
orionb1
pire, sur LIFE origine inconnue ce film donne envie d’être prudent
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