La présence de phosphine autour de Vénus remise en question

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
01 décembre 2020 à 13h55
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L'atmosphère de Vénus, observée par la sonde Pioneer Venus
L'atmosphère de Vénus, observée par la sonde Pioneer Venus

Depuis l'annonce de la découverte de phosphine (et sa mystérieuse provenance) dans l'atmosphère de Vénus en septembre 2020, différentes équipes de chercheurs se penchent sur le sujet. Si le débat scientifique n'est pas terminé, la détection initiale a été remise en question.

Même l'équipe de la découverte a dû faire d'importantes concessions

Phosphine, vrai débat ?

A-t-on réellement découvert de la phosphine dans l'atmosphère de Vénus ? C'est toute la question. En septembre, l'annonce de l'équipe du Dr. Greaves via la Royal Astronomical Society (RAS) avait fait grand bruit. En effet, la détection de phosphine (PH3) ouvrait des perspectives intéressantes : sur Terre, ces molécules sont liées à des phénomènes biologiques, et en 2019, une étude montrait que la présence de phosphine était l'un des marqueurs de la présence de vie.

Toutefois, et comme nous l'expliquions dans notre article en septembre, cette publication de découverte allait devoir être confirmée par des mesures supplémentaires, menant à l'une des trois conclusions possibles. Soit l'étude initiale contenait des erreurs, soit il s'agit d'une chimie atmosphérique mal comprise dans l'atmosphère de Vénus, soit il s'agit effectivement de traces de vie.

Les résultats critiqués

En octobre, la soumission avant publication d'un article sobrement intitulé « No phosphine in the atmosphere of Venus » (G. L. Villanueva et al.) venait battre en brèche les conclusions de l'équipe du Dr. Greaves, demandant ni plus ni moins que le retrait de l'article initial. Il faut dire que le débat scientifique sur la question est fiévreux depuis le premier jour, certains chercheurs reprochant une communication trop aguicheuse à la RAS.

Trois autres articles scientifiques, dont l'un de Thérèse Encrenaz de l'Observatoire de Paris, sont publiés ou en cours de publication sur la détection de phosphine vénusienne. Celui de l'équipe française montre que le niveau détecté est improbable, s'appuie sur des mesures indépendantes depuis 2012. D'autres indiquent que la mesure est trop proche du dioxyde de souffre.

Vénus, observée par la sonde européenne Venus Express. Crédits ESA
Vénus, observée par la sonde européenne Venus Express. Crédits ESA

Moins de phosphine, mais quand même

Il se trouve que fin novembre, l'équipe originelle de Janes Greaves a pré-publié une correction des données. En effet, grâce à l'effort de recherche mis en route après la publication en septembre, les résultats issus du télescope ALMA ont été remis en cause. Ce dernier est destiné à observer des étoiles lointaines, pas une planète aussi proche. Aussi, l'étalonnage a été revu et il a fallu prendre en compte de nouvelles mesures. La suite… est plus sujette à interprétation. Dans l'article modifié de Greaves et al. en réponse à Villanueva et al., il est toujours question de détection de phosphine, mais à des niveaux très inférieurs à ceux mesurés en septembre. Une mesure cohérente avec l'article de T. Encrenaz, mais qui fait passer le niveau de phosphine très près de la marge d'erreur. Trop près même, pour l'instant.

Dans le même temps, une autre étude, analysant les données collectées durant la guerre froide par les sondes de la NASA dans l'atmosphère de Vénus, montre des mesures compatibles avec la présence de phosphine.

C'est le cours normal (bien qu'exacerbé par la communication autour de la découverte initiale) du débat scientifique qui suit son cours. Les résultats sont produits de part et d'autre, les discussions ont lieu pour leur interprétation. En l'état actuel de la recherche, l'annonce quelque peu fracassante du mois de septembre n'aurait plus lieu d'être avec les chiffres revus à la baisse. Évidemment, de futures mesures avec ALMA et une technique différente (observation de points particuliers de Vénus plutôt que de faire la moyenne de valeurs) sont d'ores et déjà au programme en 2021 pour tenter d'en savoir plus.

Source : Sky and telescope

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Commentaires (14)

Jeanfhile
Faut bien qu’ils remplissent leur gamelle.
ebottlaender
Envoyer une sonde, ça prend des années de conception, quelques centaines de millions d’euros et en plus de ça, il faut toujours analyser les données.<br /> Ici, les chercheurs font avec les meilleurs instruments mondiaux sur le sujet, et tentent d’en savoir plus. Pourquoi les appeler des sorciers et les moquer ? Quel est le but de dénigrer leurs travaux ? Ils ne se chamaillent pas, ça s’appelle la méthode scientifique.
sigfy
Je ne sais pas moi, peut-être qu’étudier des relevés existants en provenance de sonde qui ont déjà fait le voyage coûte 1 chouillat moins cher que d’envoyer une nouvelle sonde en orbite d’une planète située entre 40 et 256 millions de km (en fonction de la période). Mais des projets sont à l’étude, cette possible découverte permettra peut-être d’accélérer les choses.
Martin_Penwald
Voilà.<br /> Et après, il y en a qui s’étonne des succès des théories du complot, mais il n’y a pas à chercher loin pour comprendre d’où ça vient : « Mon ignorance est tout aussi valide que votre expertise ! »
Labarthe
Phosphine vrai débat, c’est bien trouvé !<br /> Jeu de mot intraduisible
Mrpolnar
Que ferions nous sans vos lumières ?
Nmut
Il n’y a rien qui me gène dans le processus. Certains cherchent, pensent trouver quelque chose. Ils publient, les autres vérifient, d’autant plus si c’est étonnant ou primordial, il y a débat. A la fin tous tombent d’accord après validation des protocoles, résultats et théories, jusqu’à éventuellement une remise en question par une idée, une invalidation du processus ou de nouvelles découvertes (en général ça joue surtout sur la théorie qui découle des observations). Il est bien dommage que cela ne soit pas enseigné à l’école, cela éviterait à tellement de gens de devenir réfractaires à la science pour des raisons ridicules…<br /> A flute, j’ai oublié, l’éducation n’est que du bourrage de crâne pour devenir des moutons au service d’on ne sait quoi et ne permet pas de réfléchir. :-/
Encelade
Cette histoire de phophine me rappelle étrangement les détections (ou pas) de méthane marsien. On n’en entend plus parlé d’ailleurs.
ebottlaender
Oh mais le débat sur les émanations de méthane est toujours bien vivant ^^ Je vous ferai un article dessus, si ça vous intéresse et qu’un jour l’actualité me laisse un peu de temps.
ebottlaender
La méthode scientifique, que vous l’aimiez ou non, n’est pas une question de «&nbsp;grade&nbsp;». Si vous lisez l’article vous vous rendrez compte qu’on parle d’équipes de recherche, qui sont toutes sous la direction de chercheurs (par extension de niveau doctorat mais souvent plus élevé, comme Directeur de Recherche). Comme on n’est pas sur un article sur les bananeraies mais sur la phosphine autour de Venus, vous sauriez (d’un clic, mais peut-être est-ce trop) que les chercheurs concernés sont des astrophysiciens et astrochimistes.<br /> Tout cela, on le sait. Après ça n’est pas à votre honneur de venir troller en nous prenant pour des billes.<br /> Les scientifiques ne sont pas des sorciers. Non toujours pas. Malgré votre explication boiteuse. Ils ne se chamaillent pas, et aucun ne se prétend porteur d’une vérité universelle. Ils interprètent les résultats de mesures d’instruments scientifiques (voyez qu’on peut mettre l’adjectif même si l’instrument n’a pas de doctorat) pour déchiffrer les procédés chimiques en cours sur Venus. Et non, ça ne se fait pas avec une preuve tangible dans le sens où nous n’aurons pas (ou pas avant des décennies) l’observation ou la collecte directe de molécules de phosphine in situ.<br /> Je rejoins les autres commentaires qui soulignent le manque d’éducation de la méthode scientifique : visiblement ça vous bénéficierait.
kplan
«&nbsp;Méthode scientifique&nbsp;»<br /> fr.wikipedia.org<br /> Méthode scientifique<br /> Vous pouvez partager vos connaissances en l’améliorant (comment&nbsp;?) selon les recommandations des projets correspondants.<br /> Consultez la liste des tâches à accomplir en page de discussion.<br /> La méthode scientifique désigne l'ensemble des canons guidant ou devant guider le processus de production des connaissances scientifiques, qu'il s'agisse d'observations, d'expériences, de raisonnements, ou de calculs théoriques. Très souvent, le terme de «&nbsp;méthode&nbsp;» engage l'idée implicite de son unicité, tant a...<br /> Après on peut s’arrêter à une lecture au premier degré, faudrait pas non plus se faire une entorse au cerveau.
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