Axelay

Un titre tout feu tout flamme, techniquement à la pointe pour son époque, mais qui ne rencontra malheureusement pas le succès mérité, c'est le destin maudit d'Axelay. Rendons lui la place qu'il mérite le temps de votre chronique vidéoludique hebdomadaire.

Aux antipodes de la bataille des téraflops, de la 4K et des 60 fps, NEO·Classics vous propose un retour vers les origines du jeu vidéo. Du titre 2D en gros pixels au moins lointain jeu à la 3D hésitante, cette chronique vous invite à (re)découvrir les pépites vidéoludiques qui ont ouvert le monde au 10ème art...

Fut un temps où les petits jeux de vaisseaux surpuissants défouraillant du sprite par paquet de douze étaient à la mode. Souvenez-vous, on les appelait affectueusement les Shmup. Si le genre n'est fort heureusement pas mort, ses représentants sont font plus rares aujourd'hui, tout du moins sur consoles. Dans les années 90, ils faisaient bien entendu fureur dans les salles d'arcade et ne tardaient pas à être portés sur leurs petites sœurs domestiques. Plus rarement, certains voyaient même le jour directement sur consoles sans passer par la case arcade. C'est le cas de l'inoubliable et injustement boudé Axelay.

Un trésor signé Trea… hum, Konami

R-Type, Thunderforce, Aero Fighters, Raiden, Viewpoint et j'en passe : la quantité de shoot them up qui sortaient chaque année durant la décennie des 90's était astronomique. Allez donc jeter un œil à la liste chronologique des sorties sur Wikipedia, on ne savait plus où donner de la tête. Genre roi, aux côtés du jeu de baston et du beat them all dans les salles de jeu de l'époque, le shmup jouissait donc tout naturellement de la même popularité sur nos 16-bits d'alors. Konami, parmi tant d'autres, comptait à son actif quelques solides références telles que Gradius, Parodius ou Nemesis, tous d'abord parus sur bornes d'arcade.

Axelay

Mais c'est bien sur console de salon qu'est né l'un des plus étincelants fleurons du genre et probablement le meilleur shmup jamais édité par Konami, j'ai nommé Axelay.

Lorsque celui-ci fut annoncé au Japon puis testé dans les rubriques import des magazines de l'époque, nous fûmes immédiatement sous le charme, sans même avoir posé la main sur la manette. Considéré alors comme le plus beau shmup disponible sur consoles, Axelay nous faisait rêver. Mais le jeu était encore réservé au seul marché japonais. Pas de quoi réfréner les ardeurs d'un de mes meilleurs amis qui, probablement fatigué d'attendre que Konami ne se décide à considérer les joueurs européens, craqua pour une version import.

Évidemment, vous vous en doutez, ça se bousculait devant la porte de sa chambre pour découvrir l'objet de notre convoitise. Je reconnais que nous étions des joueurs un peu particuliers pour l'époque puisque le jeu fut un cuisant échec commercial pour Konami et qu'en dehors d'un succès confidentiel auprès des gamins obsédés par tout ce qui provenait du Japon – comme nous donc – le titre ne fit pas plus de vagues que ça lors de son arrivée chez nous. Quelle injustice ! Car Axelay était – et est toujours – un titre magnifique et plutôt audacieux pour l'époque.

Le level design des niveaux à scrolling vertical était souvent très inventif

Arms installation complete, good luck !

« Alors en quoi cet Axelay est-il l'une des plus belles pépites du genre ? » me demanderez-vous certainement. Et bien le titre de Konami fait preuve d'une première originalité, et pas des moindres pour l'époque, en proposant une alternance entre scrollings vertical et horizontal. Il était alors plutôt de coutume d'adopter l'un ou l'autre, mais pourquoi donc se résigner à choisir quand on développe sur une console qui a toutes les ressources technologiques pour assurer sur les deux registres ? Et oui, avec son célèbre « Mode 7 », la Super Nintendo était en mesure de simuler un défilement vertical offrant une profondeur de champ inaccessible aux autres supports de l'époque.

Konami décide ainsi de s'en servir et le jeu se partage donc à 50/50 entre niveaux horizontaux et verticaux. Bien que le titre ne propose que 6 stages, cette décision est plutôt audacieuse dans la mesure où les deux approches impliquent des conceptions totalement différentes en termes de level design et de patterns d'ennemis. Si l'effet «rotative» est parfois un peu trop prononcé, avec des sprites qui ne semblent gagner en épaisseur qu'une fois à proximité de notre vaisseau, les minots impressionnables que nous sommes alors en prennent plein les mirettes. En dehors de quelques soucis d'affichage ponctuels – face au géant de lave par exemple – le titre excelle sur les deux tableaux et tire ainsi son épingle du jeu vis à vis de la concurrence.

Le jeu affiche régulièrement d'immenses sprites, notamment sur les niveaux à défilement vertical

Mais ça n'est évidemment pas que sur ce point que Axelay marque les esprits. Alors qu'il est d'usage dans le genre de jalonner la progression de notre vaisseau de power-up en tout genre, Axelay va à contre-courant en proposant un choix d'équipement avant le début de chaque niveau. Notre chasseur spatial dispose de trois types d'armes qu'il s'agira donc de sélectionner judicieusement en fonction du type de niveau qui nous attend. De nouveaux équipements se débloquent au fil de la progression mais aucune aide ne viendra par la suite en décupler la puissance. Un choix de design qui explique déjà en partie la difficulté plutôt relevée du titre (pour un joueur aux réflexes émoussés comme votre serviteur, ok).

Grand prince, le titre sait aussi se montrer magnanime puisque contrairement à la plupart des références du genre, notre vaisseau n'explose pas au premier tir encaissé. En effet, Konami a la bonne idée de sanctionner chaque impact en nous privant de l'utilisation d'une des trois armes. Ce qui équivaut concrètement à nous donner trois chances de nous en sortir mais dans une précarité à chaque fois plus grande. Habile, n'est-ce pas ?

L'écran de sélection de l'armement

Le plus beau shmup de sa génération ?

En plus de proposer un gameplay plutôt original pour le genre, Axelay est un véritable tour de force technique qui compte quelques-uns des plus beaux niveaux qu'un shmup ait jamais proposé. Tout du moins à l'époque. Et c'est tout particulièrement vrai en ce qui concerne les niveaux à scrolling vertical. Les effets de distorsion de l'image et le boss incroyable du cinquième niveau du jeu restent ainsi en mémoire de la plupart des joueurs qui ont eu la chance de s'y essayer à l'époque.

Le fameux géant de lave dont nous parlions plus haut figure en effet parmi les boss les plus impressionnants jamais vus sur console 16-bits. Constitué de plusieurs sprites s'articulant les uns aux autres, il occupe une large part de l'écran et pousse la console de Nintendo jusque dans ses retranchements. On garde également en mémoire le boss du second niveau, largement inspiré du fameux ED-209 du film Robocop. Les animations de ces titans de fin de niveau sont d'ailleurs souvent époustouflantes pour l'époque. Et que dire de sa superbe bande-son, riches de thèmes inoubliables, au premier rang desquels les tonitruantes tracks de Unkai et Colony !

Le mythique géant de lave du cinquième niveau nous a, à tous, décroché la mâchoire

Alors, Axelay référence indiscutable du genre ? En dépit de notre enthousiasme intact à son endroit, il faut reconnaître que le titre accuse tout de même quelques faiblesses. À peine six petits niveaux assez inégaux des points de vue artistique et level-design, des ralentissements assez fréquents qui révèlent à quel point le hardware de la Super Nintendo est sollicité par le jeu et un rythme très posé qui pourra chagriner les amateurs d'action explosive. Les dévoreurs de shmup bien hardcore le trouveront peut-être aussi un peu léger niveau challenge (ce qui n'est pas notre cas, vous l'aurez compris).

Mais qu'importe ! Bien qu'il n'ait jamais eu le droit à une suite – annoncée avant d'être jetée aux oubliettes – et malgré son succès somme toute assez confidentiel, Axelay aura fait date dans l'histoire du genre sur console. Il fut d'ailleurs le dernier titre développé pour le compte de Konami par ceux qui, quelques temps après, créeront un petit studio qui devient grand, très grand : Treasure. Oui vous savez, les p'tits gars à qui l'on doit Radiant Silvergun et Ikaruga, deux autres classiques indémodables du shmup.

Un petit air de Robocop ? Nooooon, à peine !