Les clowns effrayants qui se baladent dans la rue et inquiètent les passants ont fait parler d'eux plus tôt dans l'année en Grande-Bretagne, mais en France, le phénomène est récent. Il a inspiré certains vidéastes plus ou moins amateurs, comme en témoigne un canular réalisé dans les rues de Guingamp par Alex Ouada, un adepte des caméras cachées. Dans sa ville, il poursuit les gens habillé en clown.
La démarche a inspiré d'autres amuseurs - au goût plutôt douteux d'ailleurs - et, malheureusement, des personnes qui se cachent désormais sous des costumes de clowns pour agresser physiquement des gens qui n'ont rien demandé. Différentes affaires liées à des personnes habillées façon Ça ont ainsi alimenté les colonnes des faits divers ces derniers jours. Dernière agression en date : celle d'un homme de 35 ans résidant à Montpellier, roué de coups. Les arrestations se multiplient, de même que les chasses aux clowns.
Des clowns et des chasseurs
Sur les réseaux sociaux et plus spécifiquement sur Facebook, les groupes qui appellent à la « chasse aux clowns » se multiplient. Ils comptent de quelques dizaines à plusieurs milliers de membres, et inquiètent la Police nationale. Sur sa page Facebook officielle, cette dernière republie fréquemment un communiqué mis à jour, et appelle à la mesure : « La Police nationale a été saisie de nombreux signalements de clowns effrayant les passants, mais beaucoup sont fantaisistes et de la part d'enfants [...] En revanche des initiatives sont apparues sur les réseaux sociaux pour promouvoir la chasse aux clowns. À Bordeaux et Mérignac, les policiers de la Sécurité Publique ont interpellé 4 adolescents qui cherchaient à en découdre avec des clowns suite à la diffusion de ce phénomène sur les réseaux sociaux. »La police explique par ailleurs que peu d'agressions ont réellement été commises par des clowns, la plupart d'entre eux étant dotés d'armes factices. « La rumeur qui se diffuse autour de ce phénomène peut permettre à certains délinquants de commettre de vraies agressions, comme ce fut le cas à Montpellier dans la nuit du 26 octobre : un homme de 35 ans a été agressé par trois individus (dont un déguisé en clown) qui souhaitaient avant tout le dépouiller de ses valeurs. »
Les autorités appellent donc à un retour au calme et demandent aux personnes qui seraient confrontées à un clown de « composer immédiatement le 17 ou le 112 », ajoutant de ne pas « relayer ce phénomène sur les réseaux sociaux », l'accent étant mis sur la sensibilisation des jeunes face aux risques de propagation de la rumeur.
Un phénomène amplifié par Internet
Pour le commandant Franck Dehay, porte-parole de la Police nationale interrogé par nos soins, les réseaux sociaux ont un effet grossissant sur la situation. « Si on s'en tient seulement aux réseaux sociaux, on a l'impression d'être face à un phénomène de masse. Mais en réalité, nous n'avons enregistré à ce jour que 19 plaintes » explique-t-il. « Il y a une très grande quantité de messages que l'on considère comme étant fantaisistes, car ils ne sont suivis d'aucun fait. »Présente sur les réseaux sociaux depuis deux ans, principalement sous la forme d'une page Facebook et d'un compte Twitter, la Police nationale fait, dans ce cadre, de la prévention. « Nous avons des personnes qui font de la veille sur les réseaux sociaux et voient émerger des phénomènes. On a récemment pu voir les défis "A l'eau ou resto" et le Neknomination » poursuit Franck Dehay. Mais pour lui, l'affaire des « clowns maléfiques » est différente. « Dans le cas du défi "A l'eau ou resto", au moment où un homme est mort noyé avec son vélo, les gens ont pris conscience de la dangerosité potentielle de cette histoire et le phénomène s'est éteint de lui-même. Avec les clowns, il y a tout un folklore, alimenté par les réseaux sociaux mais également par les vidéos qui sont publiées sur Internet, qui font enfler les rumeurs et font parler perpétuellement de l'affaire, pour au final entretenir le mythe. »
Quant aux groupes et événements Facebook mis en place pour des « chasses aux clowns », ils vont parfois plus loin que la simple plaisanterie en ligne : « Il y a des rendez-vous qui sont donnés sur les réseaux sociaux. Une constatation qu'on a pu faire en réalisant des interpellations, c'est que les gens qui participent aux "chasses" ne se connaissent pas entre eux : Ils s'inscrivent à un groupe en ligne, viennent au lieu de rencontre, et sont entre inconnus. »
Si la Police nationale fait beaucoup de prévention sur Internet autour du phénomène, Franck Dehay assure que les forces de l'ordre « traitent le problème dans sa globalité. » Les festivités d'Halloween vont donner du fil à retordre aux autorités. « En ligne ou sur la voie publique, la Police Nationale est mobilisée » conclut le commandant.
Au regard des différents phénomènes de propagation d'information que l'on peut voir sur Internet, la situation décrite par les autorités n'a finalement pas grand-chose d'original. Les réseaux sociaux sont, depuis de nombreuses années, des vecteurs de diffusion de rumeurs et autres données qui ne sont pas toujours avérées, comme les fameux hoax, qui ont souvent comme point de départ des sujets d'actualité déformés pour attiser la curiosité, la peur ou la colère des internautes. Un phénomène peut-être pas aussi vieux que les clowns eux-mêmes, mais potentiellement tout aussi effrayant !