Looper : et si le temps n'était qu'un éternel recommencement ?

05 octobre 2021 à 15h50
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SF Looper

Le voyage dans le temps est un concept vieux comme la SF… Pourtant, en détournant malicieusement les règles établies, Looper parvient à apporter sa pierre à l'édifice.

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Nous nous donnons 5 citations et 5 paragraphes pour vous convaincre.

Looper (2012)

de Rian Johnson

Si vous suivez un tant soit peu l'actualité du cinéma, vous n'êtes probablement pas passé à côté de Rian Johnson. Et pour cause, il est l'auteur et le réalisateur de Star Wars : les Derniers Jedi, le huitième opus de la saga, controversé (doux euphémisme) par les fans comme par le grand public.

Mais avant de sauter à pieds joints dans une galaxie lointaine, très lointaine, Rian Johnson avait déjà approché l'univers de la SF avec Looper, un film d'apparence modeste, dont l'ambition était de revisiter le concept de voyage dans le temps (rien que ça).

Sujet casse-gueule par excellence, le réalisateur-scénariste avait toutes les chances de se prendre les pieds dans le tapis… Pourtant Looper fut pour moi une petite claque cinématographique, et le début de mon admiration pour un jeune auteur particulièrement doué.

"La cible est éliminée du futur et j'ai fait disparaître un corps qui, sur le papier, n'existe pas"

Il est difficile de résumer Looper en quelques phrases, mais je vais tout de même me prêter au jeu. Nous sommes en 2074, à Kansas City. Le voyage dans le temps vient d'être inventé et rapidement interdit, ce qui n'a pas empêché la mafia de s'emparer de cette technologie pour faire disparaitre ses ennemis dans le passé, et ne laisser aucune trace.

Les cibles de l'organisation criminelle sont ainsi envoyées 30 ans, plus tôt, à une époque où des tueurs à gage appelés « Loopers » sont chargés de les exécuter à coup de tromblon. Joe, notre « héros » du jour, est l'un d'entre eux et compte parmi les plus doués.

Soulignons aussi que les Loopers peuvent être envoyés dans le passé pour être abattus… par eux-mêmes. C'est ce qu'on appelle « boucler sa boucle ». Une fois son contrat terminé, un tueur dispose donc de 30 ans maximum pour profiter de la vie avant d'être capturé et tué par son jeune double.

© SND Films
© SND Films

"Parlons pas de cette saloperie de voyage dans le temps"

C'est évidemment ce qui va arriver au jeune Joe, qui va voir débarquer devant lui son double plus âgé. Sauf que le vieux Joe ne va pas se laisser tirer dessus comme ça, et va réussir à s'échapper.

Commence alors un jeu du chat et de la souris entre les deux Joe, l'un souhaitant boucler sa boucle et gagner sa liberté, l'autre espérant changer le cours du passé pour protéger son futur.

Ce qui m'a plu, dès les premières minutes de Looper, c'est la façon dont Rian Johnson joue avec la notion du temps. En lieu et place de la fameuse ligne temporelle, chère à la trilogie Retour vers le Futur, le réalisateur choisit ici le concept de boucle, ce qui lui permet de s'affranchir des glorieux modèles, et de faire un pas de côté.

"Les films que vous singez sont les copies d'autres films. Toutes ces coquetteries à la con datent du XXe siècle"

Looper imagine finalement le futur comme un prolongement du passé sans transition notoire, ce qu'appuie la direction artistique de Rian Johnson. Ses années 2047 ou 2077 sont ainsi très éloignées du cyberpunk d'unBlade Runner 2049. Dans Looper, au contraire, le cinéaste saupoudre des éléments de SF sur une Amérique finalement très contemporaine, aux rues sales et à la pauvreté galopante.

Les gangsters voyagent dans le temps, mais s'habillent comme dans les films noirs des années 50. Les voitures, à un aéroglisseur et quelques drones près, sont les mêmes que les nôtres, simplement équipées d'un module électrique à la place du réservoir à essence. Tout semble finalement assez proche de notre époque, et seul un petit quelque chose étrange ou décalé nous faire croire en ce futur.

La mise en scène est à l'avenant et refuse les plans séquences alambiqués - qui, avouons-le, ne servent pas souvent à grand chose - ou la profusion d'effets numériques. À la place Rian Johnson mise sur un nombre incalculable de gros plans pour faire ressentir les doutes de ses personnages, en évitant des dialogues interminables. Le tout est contrebalancé par des plans panoramiques et quelques cadres très travaillés, diablement efficaces pour les séquences d'action. Bref, à nouveau, on retrouve un mariage subtil et réussi, entre cinéma classique et modernité.

© SND Films
© SND Films

"Je me rappelle de ce que tu as fait dès que tu l'as fait. Et c'est douloureux"

Finalement, après une bonne heure de course poursuite à travers Kansas City, le film prend une direction à laquelle je ne me serais jamais attendu, abandonnant les ruelles sombres de la ville pour une ferme typiquement américaine au milieu des champs de maïs.

Le jeune Joe y rencontre une mère de famille et son enfant, recherché par le plus âgé du duo, pour une vengeance personnelle anticipée… Dont je ne dévoilerai pas les contours, au cas où vous n'auriez pas encore vu ce film.

Quoi qu'il en soit, les personnages sont fatalement enfermés dans un cercle sans fin. La plus belle idée du film, selon moi, sont les souvenirs du vieux Joe qui s'effacent progressivement, remplacés par ceux de son jeune double. Les deux héros luttent pour un destin différent. Le seul moyen pour eux de se sortir de cet engrenage semble être de revenir sur leur passé et d'y modifier un élément.

Mais sommes nous destinés à vivre une vie déjà écrite ou pouvons nous prendre de réelles décisions qui changeront le cours des choses ?

"Le mieux ce serait d'y mettre le feu. De tout raser"

Si je vous ai parlé de Star Wars en préambule, ce n'est pas pour rien. Je vois en effet Looper comme le point de départ de ce qu'entreprendra Rian Johnson avec la saga cinq ans plus tard.

Le film nous invite finalement à prendre appui sur notre vécu pour construire un avenir plus en accord avec nos désirs, et à ne pas nous complaire dans notre passé, ou refaire éternellement les mêmes erreurs.

Looper est l'un de mes vrais coups de cœur de ces dix dernières années ; profond sans être assommant, malin sans être prétentieux il devrait, j'en suis certain, plaire à nombre d'entre vous.

Looper © SND

Looper est disponible en DVD, Blu-Ray et VOD chez SND Films

Mathieu Grumiaux

Grand maître des aspirateurs robots et de la domotique qui vit dans une "maison du futur". J'aime aussi parler films et séries sur les internets. Éternel padawan, curieux de tout ce qui concerne les n...

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Grand maître des aspirateurs robots et de la domotique qui vit dans une "maison du futur". J'aime aussi parler films et séries sur les internets. Éternel padawan, curieux de tout ce qui concerne les nouvelles technologies.

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Commentaires (7)

LeToi
J’avais globalement bien aimé, mis à part la transformation Gordon-Levitt/Willis un peu tirée par les cheveux, le scénario franchement original et bien filmé, avec juste ce qu’il faut de FX !
SlashDot2k19
Il m’avait pas fait beaucoup d’effet quand je l’avais vu à l’époque de sa sortie, assez mitigé. Après cette lu cette critique, ça me donne envie de le revoir, je suis peut être passer à côté de quelque chose…
backsec
Idem.<br /> Il fait partie de ces films qu’on a eu envie de regarder car il présentait un pitch original et attirant. Mais une fois le concept découvert dans les débuts du film, le reste est archi classique, presque du déjà vu.<br /> Le film le plus récent que j’ai vu et qui m’a fait la même sensation, c’est Tenet. Une fois le concept expliqué dans le premier quart, j’ai trouvé le reste bien moins accrocheur (pas forcément ennuyeux, mais pas non plus mémorable).
Kerri
J’ai trouvé le film très bête.<br /> Déjà rien le fait que l’on demande à une personne de tuer sa version future c’est idiot, pourquoi ne pas demander à quelqu’un d’autre ?<br /> Par ailleurs si, comme dans le film, j’étais un mafieux avec un appareil pour envoyer quelqu’un n’importe où dans le temps et l’espace, pas besoin d’un système si compliqué d’assassins qui attendent qu’on leur envoie une victime du futur: J’envoie mes ennemis au milieu d’un océan, 500 000 ans avant jc…
pecore
Je n’emploierai pas le mot «&nbsp;bête&nbsp;» mais je suis globalement assez d’accord : le film fait l’impasse sur beaucoup de choses, nous demandant de les accepter sans les expliquer : pourquoi ne pas tuer les gens dans le futur et ensuite envoyer le corps dans le passé, pourquoi faire tuer les loopers par eux-même (même si cela permet d’envoyer la prime de fin de contrat à l’intéressé) et ainsi de suite. Le film n’était pas mauvais en soi, il y a de bonnes idées mais qui auraient mérité un peu plus de cohérence.
Wen84
Film au concept qui se veut original (Mais bon pour trouver un concept original pour un film SF, il suffit d’ouvrir un ou deux bouquins), mais effectivement peu cohérent. Sympa à regarder, mais ça reste de la «&nbsp;petite&nbsp;» SF.
Ch4rOon
Je ne vois toujours pas ce que ça vient faire sur clubic. Quand je veux une critique cinéma je vais sur un site spécialisé (surtout pour un film sorti il y a des années).
pecore
Au risque de te choquer je t’informe que Clubic parle aussi de livres et de séries SF, mais plus pour inciter les lecteurs à les (re)découvrir que pour pour faire une critique. Pas la même démarche donc.
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