Qui aurait pu prévoir ces fissures dans les glaciers en Antarctique ? Les satellites de l'ESA s'y mettent

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
11 janvier 2023 à 15h35
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La banquise du glacier Thwaites se morcèle en fonction de ses fissures © ESA / Copernicus
La banquise du glacier Thwaites se morcèle en fonction de ses fissures © ESA / Copernicus

Une équipe scientifique a entraîné une intelligence artificielle à reconnaître des fissures sur les images radars des satellites Sentinel-1. Les résultats sur le glacier Thwaites en Antarctique montrent des changements de rythme rapides sur les 6 dernières années. Cet outil servira au suivi de long terme.

Les résultats seront aussi corrélés aux autres mesures (épaisseur, température, salinité, etc.).

Fissures sur le glacier Thwaites

L'outil principal d'observation des glaciers d'Antarctique résidait pour l'instant dans la capacité à les photographier régulièrement. Ce qui est important d'ailleurs, tout comme l'étude de la température de l'eau ou de l'atmosphère qui surplombe le continent gelé. Mais cela ne reflète pas toujours toute la complexité des processus en cours. L'un des plus grands glaciers de l'Antarctique, Thwaites, déploie depuis la terre une impressionnante langue de glace qui se fractionne au fil du temps en icebergs. Pour mieux comprendre ce processus, une équipe s'est intéressée aux données radars de la constellation Copernicus, obtenues avec les satellites Sentinel-1. Les amas de glace peuvent ainsi être observés en profondeur, et pas juste en surface avec les images optiques.

Les scientifiques de l'université de Bristol ont choisi de cartographier les fissures relevées par le radar sur la langue de glace en utilisant un algorithme d'intelligence artificielle (ici plutôt de machine learning) qui n'était pas prévu pour ça. En effet, il délimitait initialement des cellules sur les images prises par des microscopes. Et ça marche ! Ils ont ainsi traité plus de 6 années de données radars collectées au-dessus du glacier Thwaites.

Un glacier qui ne craque pas comme prévu

La langue de glace issue du glacier Thwaites est considérée comme un indicateur important pour l'ensemble de l'Antarctique. Le glacier dans sa totalité contient un volume d'eau suffisant pour augmenter celui des océans de 60 cm à lui seul ! Son retrait, l'épaisseur de sa glace ainsi que ses fissures et craquements sont donc d'un grand intérêt scientifique, car l'analyse des données montre aussi les changements de vitesse du flux de glace qui s'écoule en permanence.

Il y a d'ailleurs eu des surprises en observant les données. Les chercheurs s'attendaient à une très lente augmentation du flux à cause du réchauffement climatique de la région, mais les cycles sont plus rapides que prévu. En 6 ans, ils ont isolé deux accélérations et freinages dans l'extension de la langue de glace, de 4 à 6 kilomètres par an. De plus, ils ont réussi à montrer le rôle complexe de la fracturation des glaces dans la vitesse du flux.

Les fissures identifiées par la nouvelle IA sur les clichés radars © ESA / Copernicus / Université de Leeds
Les fissures identifiées par la nouvelle IA sur les clichés radars © ESA / Copernicus / Université de Leeds

Enfin, il faut souligner que l'objectif de cette équipe scientifique n'était pas seulement d'observer le comportement du glacier Thwaites, mais aussi de développer un outil qui pourra être généralisé ailleurs (en Patagonie, au Groenland, etc.), et surtout, qui portera ses fruits à long terme. D'autres missions radars, y compris dans le programme Copernicus, continueront d'observer l'Antarctique au cours des décennies à venir. C'est à cette échelle de temps que les changements profonds (et non seulement cycliques) pourront être observés.

Source : ESA

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (8)

toug19
C’est une pique à Macron le titre?
_Ludo
Un hommage disons ;D
Lemeur
Je pense qu’avant d’avoir la prétention d’écrire un article de ce genre on se doit d’avoir une culture glaciologique minimale qui fait qu’on ne confonde pas la banquise (océan qui gèle) avec un glacier (neige qui vient des précipitations et qui s’est transformée en glace)…
ebottlaender
Personnellement, je pense qu’on en apprend beaucoup sur la politesse ou le mépris de son interlocuteur avec le ton et la forme des phrases qu’il utilise.<br /> J’ai écrit l’article, et en effet je ne le savais pas mais banquise est bien un terme impropre. Puisque vous le signalez si aimablement je suis allé me renseigner et le bon terme est celui d’une langue de glace, issue du glacier (ce qui était d’ailleurs correct). L’article a été corrigé. Et je confesse bien volontiers être un spécialiste espace plus qu’un glaciologue. Merci en tout cas d’avoir signalé cette erreur.<br /> Pourrais-je vous suggérer un peu plus de gentillesse la prochaine fois ?
Lemeur
Ma remarque ne fait état d’aucune forme d’impolitesse …elle est le résultat d’un constat tout ce qu’il y a de plus objectif… désolé si vous en prenez ombrage…la vérité n’ est pas toujours bonne à dire… Vous dites être un spécialiste de l’espace mais pas de glaciologie… Je vous suggérerais donc de rester dans votre domaine ou à défaut de bien vous renseigner avant de vous aventurer sur des domaines hors de votre expertise. Il ne me viendrait pas à l’idée d’écrire un article sur l’espace justement parce que j’ai l’humilité de me savoir incompétent en la matière<br /> … Tout au plus écrirais-je un article de glaciologie avec éventuellement une digression vers une thématique connexe (comme le spatial par ex…) mais pas sans m’être au préalable bien renseigné sur le domaine…<br /> Vous avez corrigé votre article…tant mieux… ça aura au moins servi à ça et ça limitera la prolifération d’articles ‹ faciles › mais malheureusement erronés qui prolifèrent sur les réseaux sociaux (c’est tellement facile puisqu’ il n’y a pour ainsi dire aucun contrôle éditorial ) lesquels in fine amènent plus de confusion qu’autre chose …<br /> Cordialement… si si…
Blackalf
La critique envers les articles et la ligne éditoriale d’un site (qui, faut-il le rappeler, a des propriétaires qui sont libres de décider de cette dernière) est toujours facile quand on n’exerce pas la même activité.<br /> Les « conseils éclairés » formulés sur un certain ton sont d’autant plus mal perçus lorsqu’il s’agit d’un tout premier message après inscription, parce qu’ils posent généralement le premier jalon du comportement à venir du nouveau membre. Clubic n’est effectivement pas un réseau social au même sens que les autres, c’est bien pourquoi l’équipe de modération veille à garder une bonne ambiance et éviter que la discorde et la zizanie trop fréquentes ailleurs ne deviennent la norme ici aussi.<br /> Les critiques constructives sont toujours appréciées, l’attitude « vous devriez faire ceci et ne pas faire cela » l’est beaucoup moins.
ebottlaender
Etre à l’écoute, oui. Corriger ses erreurs, tout à fait. J’en ai écrit, j’en referais, vous aussi même si vous ne l’admettez peut-être pas aussi facilement. On corrige, on progresse.<br /> Ecouter les « conseils » de ne pas quitter son domaine d’expertise sous prétexte qu’on y a pas l’entièreté de la sémantique, c’est non. La transmission de la connaissance, ici de la simple actualité d’un domaine ne doit pas se limiter à une question de vocable. La découverte et l’intérêt qu’on porte à un sujet ne doivent pas s’arrêter à un mot, sans quoi jamais il ne sera possible de s’aventurer sur de nouveaux territoires. Et c’est valable pour le spatial comme pour la glaciologie, la vie de tous les jours ou l’écriture d’articles.<br /> En vous souhaitant de bonnes découvertes, et en renouvelant mes souhaits pour plus de gentillesse de votre part (sachez au demeurant que l’usage ad nauseam des … est une autre source d’exaspération quand on aime la lecture).
Lemeur
En effet nous n’exerçons pas la même activité. Faire de la vulgarisation scientifique (noble tâche s’il en est…) ne dispense pas d’un minimum de rigueur, l’un des préceptes d’une démarche scientifique de qualité. Si j’ai la prétention de faire de la dissémination des connaissances (c’est en partie mon métier) c’est parce que je la fais dans le cadre académique qui, de par son fonctionnement (contrôle par les pairs entre autres…), garantit cette rigueur.<br /> Que vous vous prettiez à ce jeu, libre à vous …en effet nous sommes en démocratie et chacun peut s’exprimer comme il l’entend sur les supports de son choix… mais à ce moment là, ne prenez pas la mouche et arrêtez les mauvais procès lorsque l’on pointe vos manquements.<br /> Il m’arrive souvent de travailler avec des journalistes (comme quoi je ne me cantonne au seul milieu académique) avec j’en conviens des réussites diverses… mais je peux dire que les trop rares fois où ça s’est bien passé, c’est quand le-dit journaliste avait au préalable pris soin de bien étudier son sujet et surtout quand il nous laissait un droit de relecture.<br /> Je pense donc que l’article ici incriminé aurait énormément gagné en qualité si l’auteur avait suivi une démarche analogue.<br /> C’est en effet une première inscription, mais rassurez-vous, je ne vais pas encombrer votre forum… je suis tombé sur cet article par hasard et si j’ai fait la démarche de m’inscrire c’est parce que son contenu m’a fait bondir et s’avérait selon moi plus nuisible qu’utile à la connaissance … maintenant il a été corrigé et c’est tant mieux comme quoi cette démarche (même si pas forcément agréable ) n’aura pas été vaine.<br /> Enfin la discorde peut parfois s’avérer nécessaire et constructive tant que la ligne rouge n’est pas franchie …vos remarquerez qu’il n’y a rien d’injurieux dans mes messages… il faut parfois ‹ bousculer › un peu pour faire avancer le débat et je pense que le fait d’avoir 'fustigé ’ l’auteur a joué pour beucoup dans la correction rapide de l’exercice (même si je pressens que vous allez arguer le contraire)<br /> Cdt
ebottlaender
Ne vous inquiétez pas, la profession meurt déjà, bientôt vous n’aurez plus la chance de vous indigner que contre des IA, ou que de regretter que l’on ne parle plus du tout du sujet. Une belle victoire, en somme.<br /> Resteront les papiers académiques, une joie pour chacun.
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