Chiffrement : WhatsApp prêt à quitter le Royaume-Uni si les règles se durcissent

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero, Journaliste-reporter, responsable de l'actu.
Publié le 12 mars 2023 à 14h30
© Shutterstock
© Shutterstock

Un projet de loi britannique sur la sécurité en ligne pourrait interdire le chiffrement de bout en bout, utilisé par WhatsApp. La messagerie du groupe Meta menace, en retour, de quitter le pays.

Nos voisins du Royaume-Uni pourraient-ils être privés de WhatsApp ? C'est en tout cas ce que l'application de messagerie instantanée menace de faire. Il s'agit là d'une conséquence directe du projet de loi « Online Safety Bill » sur la sécurité en ligne, dont l'une des mesures consisterait à détecter les contenus illégaux, pédopornographiques plus particulièrement, échangés avec l'application. Mettre en place un tel système reviendrait à casser le chiffrement de bout en bout, qui ne pourrait plus respecter sa promesse de départ de messages vus par les seuls expéditeurs et destinataires.

Toucher au chiffrement, la ligne rouge que WhatsApp ne veut pas franchir

Le projet de loi n'explique pas comment l'analyse et la détection des messages et contenus illégaux seraient opérées, mais les spécialistes en cybersécurité sont unanimes pour affirmer que cela rendrait impossible le chiffrement de bout en bout des échanges. Aujourd'hui, le chiffrement est appliqué par défaut à toutes les conversations, sauf si un message est signalé comme inapproprié, ce qui fait tomber cette protection.

Cela n'embêterait d'ailleurs pas que WhatsApp puisque des services comme Signal ou Telegram (et toutes les autres messageries adeptes du end-to-end encryption) utilisent ce système pour garantir la confidentialité des messages.

Sauf que WhatsApp, fort de sa toute-puissance et de sa place de leader mondial des messageries instantanées (avec 2 milliards d'utilisateurs mensuels actifs), ne l'entend pas de cette oreille. La filiale du groupe Meta considère le chiffrement de bout en bout comme une ligne rouge à ne pas franchir.

WhatsApp n'est pas prêt à tailler dans la sécurité

Le patron de WhatsApp, Will Cathcart, a d'ores et déjà promis qu'il ne comptait pas modifier ni dégrader le service actuel. « La réalité est que nos utilisateurs du monde entier veulent la sécurité », a-t-il réagi. « Ils ne veulent pas que nous réduisions la sécurité du produit, et ce serait un choix étrange pour nous de la réduire d'une manière qui affecterait 98 % de nos utilisateurs ».

Officiellement, le gouvernement britannique dispose déjà du pouvoir de demander la suppression du chiffrement, avec une loi adoptée en 2016. Sauf que de l'aveu même de WhatsApp, aucune demande légale n'est jamais arrivée sur leur bureau. Le projet de loi émanant à l'origine de l'ancien premier ministre Boris Johnson actuellement discuté outre-Manche pourrait renforcer ce pouvoir et pousser la messagerie à abdiquer.

Si le pouvoir britannique allait au bout de son idée, WhatsApp ne pourrait qu'appliquer les politiques de modération de contenu. S'y refuser, pour ne pas menacer son modèle autour du chiffrement de bout en bout, l'exposerait alors à une amende pouvant aller jusqu'à 4 % de son chiffre d'affaires annuel. WhatsApp, qui a rappelé avoir été bloquée en Iran, soulève l'hypothèse de cesser toute activité au Royaume-Uni si le gouvernement était décidé à lui forcer la main. La bataille des idées est lancée.

Source : The Guardian

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero
Journaliste-reporter, responsable de l'actu

Journaliste, responsable de l'actualité de Clubic. En soutien direct du rédacteur en chef, je suis aussi le reporter et le vidéaste de la bande. Journaliste de formation, j'ai fait mes gammes à l'EJCAM, école reconnue par la profession, où j'ai bouclé mon Master avec une mention « Bien » et un mémoire sur les médias en poche.

Vous êtes un utilisateur de Google Actualités ou de WhatsApp ?
Suivez-nous pour ne rien rater de l'actu tech !
Commentaires (0)
Rejoignez la communauté Clubic
Rejoignez la communauté des passionnés de nouvelles technologies. Venez partager votre passion et débattre de l’actualité avec nos membres qui s’entraident et partagent leur expertise quotidiennement.
Commentaires (10)
serged

On s’insurge que le RU bannisse un réseau social, par contre on n’en a rien à taper quand c’est l’Iran, la Russie ou la Chine !

Quimporte

J’ai failli rire.
J’espère que vous êtes au courant que tous les gouvernements voient déjà vos messages dans WhatsApp…

wannted

Pour avoir eu affaire à la justice je peux te confirmer que c’est pas du tout le cas !

kroman

Online Safety Bill qui supprime la sécurité des messageries🤡
C’est un peu comme si on faisait une loi sur la sécurité routière qui supprime les ceintures

pecore

Quelques dizaines de millions d’utilisateurs britanniques Vs deux milliards d’utilisateurs dans le monde, le choix sera vite fait, je pense.
Mais je serai très étonné qu’on en arrive là.

ilyon

Whatsapp qui se pré-positionne comme chantre de la liberté avant les annonces de coupures de tiktok et telegram pour essayer de racoler les ci-devant complotistes et autres méchants du darknet…
Meta qui essaie de se racheter une virginité, c’est cocasse, franchement.

bennukem

Même s’ils pouvaient regarder dans les conversations whatsapp, cela poussera les utilisateurs peu scrupuleux à aller sur un autre système encore plus dur à contrôler. Donc la cible n’est que le pauvre péquenot du coin qui pige rien à l’informatique.

FortyTwo

Je n’en pense pas moins que toi ! C’est une imposture pour tenter de redorer la façade, le fond ne change pas, ça reste WhatsApp dans la maison Meta (Facebook, Instagram, Messenger WhatsApp).

Ne vous fiez pas aux annonces et prises de position racoleuses, n’ayez jamais confiance en Meta, et changez vite votre messagerie pour Signal.

gothax

En effet mes collègues du dessus ! J’ai quitté whatsapp quand facebook a racheter cette messagerie : plus aucune confiance.

Squeak

L’UE a aussi un projet de loi similaire dans les cartons. D’ailleurs sur le site

https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2020/12/14/encryption-council-adopts-resolution-on-security-through-encryption-and-security-despite-encryption/

Il y a cette phrase :

« L’UE s’efforce d’engager une discussion active avec le secteur des technologies afin de trouver un juste équilibre entre la poursuite de l’utilisation de technologies de chiffrement fort et le fait de veiller à ce que les pouvoirs des services répressifs et du système judiciaire s’exercent dans les mêmes conditions que dans le monde hors ligne. »

La partie « veiller à ce que les pouvoirs et services répressifs… » laisse supposer que sans doute l’utilisation du chiffrement pourrait être régulée à l’avenir.