Comment l’aéroport Paris-Charles de Gaulle a aidé les compagnies aériennes pendant la crise (Interview)

Alexandre Boero
Chargé de l'actualité de Clubic
24 juillet 2020 à 18h05
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INTERVIEW VIDÉO – Marc Houalla, directeur du deuxième aéroport européen, s’est exprimé au micro de Clubic pour détailler comment Paris-CDG a surmonté le gros de la crise.

Premier aéroport national et deuxième du continent européen, Paris-Charles de Gaulle a été quasiment à l'arrêt total durant plusieurs semaines. Depuis le mois de juin, l'activité a doucement repris, même si elle reste très en-deçà des standards habituels. Avant la reprise progressive du trafic, il a fallu gérer une situation de crise avec les compagnies aériennes, impactées par les coûts de location des avions.

De son côté, l'aéroport a mis en place plusieurs mesures sanitaires pour assurer la reprise de l'activité. Pour discuter de ces divers sujets, nous sommes allés à la rencontre de Marc Houalla, directeur général adjoint du groupe ADP et directeur de l'aéroport Paris-Charles de Gaulle, du côté du Lounge Emirates, qui fêtait le premier atterrissage d'un Airbus A380 depuis le confinement.

Marc Houalla, le 15 juillet 2020 (© Alexandre Boero pour Clubic)
Marc Houalla, le 15 juillet 2020 (© Alexandre Boero pour Clubic)

Interview de Marc Houalla, directeur de l'aéroport Paris-Charles de Gaulle

Clubic : L'actualité tourne toujours et encore autour du coronavirus. Une première question assez générique, un peu bateau même et qu'on a déjà pu vous poser peut-être : comment s'opère cette reprise du trafic aérien ?

Marc Houalla : Très sincèrement, ce n'est pas si mal que cela, si on compare au trafic passager du mois de mai, où nous avions 5 000 passagers par jour. Nous en avons, aujourd'hui, 50 000, c'est-à-dire dix fois plus. Ceci dit, cela correspond à peu près entre 20 et 25% à ce que nous avions par rapport au même jour de l'année dernière, ce qui est assez faible. Cette reprise se fait essentiellement et en grande partie par le domestique, à hauteur de 70%. Nous avons 70% du trafic domestique que nous avions l'année dernière, environ 25% de la partie Union européenne et Schengen et plus péniblement sur les vols au grand large, hors UE et Schengen, où nous sommes plutôt entre 5 et 10% du trafic passager de l'année dernière, selon les différentes régions.

"Du côté du groupe ADP et des deux grands aéroports parisiens, nous faisons tout pour faire en sorte que nos aéroports soient des bulles sanitaires"

Si fait la comparaison entre début juillet et maintenant, est-ce que vos notez déjà une évolution significative du trafic ?

Nous avons des petits sauts. Le 15 juin, nous devions être à peu près autour de 20 000 passagers. Au début du mois de juillet, date des grands départs en vacances, nous sommes passés à 35 000 contre 220 000 à 250 000 passagers journaliers habituellement. Et aujourd'hui, nous avons donc atteint les 50 000. Par pas successifs et au fur et à mesure de l'organisation des grands départs de nos compatriotes ou des passagers étrangers, nous avons ces sauts réguliers et espérons être à 70 000 passagers quotidiens dans le courant du mois d'août.

Air France Cargo - Emirates A380 (© Alexandre Boero pour Clubic)
Air France Cargo - Emirates A380 (© Alexandre Boero pour Clubic)

Financièrement, pour ADP, cette période a-t-elle été très compliquée à gérer ? Comment appréhende-t-on une potentielle seconde vague au sein de l'aéroport, aujourd'hui ?

La crise a été un choc pour l'ensemble des acteurs du transport aérien, dont le groupe ADP. Et concernant la seconde vague, c'est clair, nous faisons tout pour que nos aéroports soient des bulles sanitaires, des endroits où on n'a pas de propagation du virus entre passagers mais aussi entre personnels et passagers et entre personnels entre eux. On ne peut pas présager de ce que sera l'avenir, mais du côté du groupe ADP et des deux grands aéroports parisiens, nous faisons tout pour faire en sorte que nos aéroports soient des bulles sanitaires.

"Nous avons proposé aux compagnies de stationner au large les avions qui ne bougeaient pas, et ce de manière gratuite"

Évoquons si vous le voulez bien les relations avec les compagnies aériennes. On sait que, par exemple, pour les compagnies qui louent leurs appareils, la période a été très pénible sur le plan économique. Comment se sont passées les négociations, quelles ont été les relations avec la crise ? Y a-t-il eu des demandes particulières des compagnies ?

Nous avons tenté d'être solidaires des compagnies aériennes. Très rapidement, nous leur avons proposé de stationner au large, pour les avions qui ne bougeaient pas, de manière gratuite. Nous avons pris en compte le fait qu'elles ont des difficultés de paiement et avons donc étalé les créances qu'elles avaient vis-à-vis de nous. Nous faisons le maximum pour faire en sorte que les transporteurs repartent. Après tout, notre bonne santé financière et opérationnelle dépend directement de celle des compagnies aériennes.

Un gros travail a effectivement été fait, on a pu le constater, notamment avec la signalétique au sol ou sur les murs, des distributeurs de gel hydroalcooliques et la totalité des gens masqués, à quelques exceptions près.

Nous avons souhaité que, tout au long du parcours passager, vous puissiez avoir du gel hydroalcoolique. Nous avons aussi installé des marqueurs de distanciation et fait en sorte que le port du masque soit totalement obligatoire partout. Pour nos passagers à l'arrivée, nous avons aussi mis en place des caméras thermiques qui font que la température de chacun des passagers est contrôlée. C'est l'un des éléments de plus qui va nous permettre d'éviter la propagation de ce virus.

Caméra thermique à l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle (© Groupe ADP)
Caméra thermique à l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle (© Groupe ADP)

Concernant la caméra thermique, un premier test est effectué. Ensuite, si vous redoutez ou faux-positif ou l'inverse, un second test est pratiqué, c’est bien ça ?

Si un passager est détecté comme ayant plus de 38 °C de fièvre à l'aide de la caméra thermique, il y a ce que l'on appelle un « lever de doute », c'est-à-dire que l'on procède à une deuxième prise de température, mais par un thermomètre à main. Si le résultat supérieur à 38 °C est confirmé, alors nous allons conseiller à notre passager de faire un dépistage COVID-19. Ces tests sont organisés par l'AP-HP mais aussi par le groupe ADP s'il le souhaite.

"Comme pour la sécurité, on procède par diminution des risques. Il y a des pare-feux, le premier étant le dépistage COVID-19 à moins de 72 heures, et le second la caméra thermique"

Aujourd'hui, des pays sont sur liste verte. Ce sont des pays où le virus ne se propage pas plus vite qu'en France, voire moins vite. On considère ainsi qu'il n'est pas plus dangereux d'avoir des passagers qui proviennent de ces pays-là, puisque nous avons, en France, des habitants qui sont, en pourcentage, au global, plus porteurs que les passagers qui viennent de ces pays.

Ensuite, nous avons les pays de la liste rouge. Pour eux, il y a toujours les mêmes restrictions, c'est-à-dire qu'il faut être Français, résident français ou avoir une raison impérieuse d'être en France. Et malgré tout, on demande à ces passagers en provenance des pays de la liste rouge de montrer qu'ils ont fait un dépistage COVID-19 durant les dernières 72 heures. Par la suite, on les fait aussi passer par la caméra thermique, en leur conseillant de faire un test si besoin.

Il est bien évident qu'on ne peut pas supprimer tous les risques qu'un passager soit porteur. Mais c'est comme la sécurité, on procède par diminution des risques. Il y a des pare-feux, le premier étant le dépistage COVID-19 à moins de 72 heures, et le second la caméra thermique.

Si nous sommes présents ici aujourd'hui, c'est pour accueillir l'Airbus A380 d'Emirates qui atterrit pour la première fois depuis le début du confinement. Il est évidemment important, pour vous, d'être là pour marquer cet événement très symbolique ?

C'est symbolique, d'abord parce que cela marque la confiance retrouvée de nos passagers dans la prise en compte de nos mesures sanitaires. Et c'est la confirmation que le trafic repart, et le trafic long-court qui plus est, et notamment via Emirates la possibilité de desservir l'ensemble de l'Asie du Sud-est et de l'Asie tout court.

Emirates A380 Roissy-CDG (© Alexandre Boero pour Clubic)
Emirates A380 Roissy-CDG (© Alexandre Boero pour Clubic)

Un dernier mot sur l'A380. On sait qu'Airbus doit mettre fin à sa production en 2021, Air France a jeté l'éponge, Lufthansa met l'exploitation de ses appareils en pause pendant deux ans au moins... est-ce, pour vous, un regret de voir cet appareil disparaître après seulement une grosse dizaine d'années d'exploitation, ou comprenez-vous les enjeux environnementaux et financiers ?

Je ne peux pas vous dire si l'appareil était intéressant à opérer ou pas. Ce que je peux vous dire, à titre totalement personnel, c’est que j'étais sur la piste de Toulouse-Blagnac lors du premier vol de l'A380. J'ai eu la chance de faire un certain nombre de vols de test comme passager. Donc quelque part, le fait qu'il disparaisse momentanément, en tout cas de la flotte d'Air France, a provoqué un petit pincement au cœur. Maintenant, d'autres compagnies aériennes continueront de l'exploiter, comme Emirates, peut-être Etihad, et éventuellement une compagnie thaïlandaise.

Merci pour toutes vos réponses Marc Houalla, bonne continuation.

Je vous en prie, merci.

Alexandre Boero

Chargé de l'actualité de Clubic

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Journaliste, chargé de l'actualité de CLUBIC. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJC...

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Journaliste, chargé de l'actualité de CLUBIC. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJCAM), pour écrire, interroger, filmer, monter et produire au quotidien. Des atomes crochus avec la Tech, certes, mais aussi avec l'univers des médias, du sport et du voyage. Outre le journalisme, la prod' vidéo et l'animation, je possède une chaîne YouTube (à mon nom) qui devrait piquer votre curiosité si vous aimez les belles balades à travers le monde, les nouvelles technologies et Koh-Lanta :)

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Commentaires (11)

Shoryas
“Le journalisme consiste à publier quelque chose que quelqu’un d’autre préfèrerait garder secret: le reste n’est que relations publiques.”<br /> On peut pas dire que vous mettiez vos interlocuteurs corporate en difficulté avec des questions aussi complaisantes, qui ressemblent effectivement plus à du PR qu’autre chose.
AlexLex14
Merci pour cette critique gratuite qui n’apporte strictement rien au sujet -_-’<br /> En quoi cette interview, qui a été réalisée pour être purement informative, est-elle complaisante ? Tu m’expliques ? Avoir des informations, c’est de la complaisance ?<br /> Si tu me connaissais un minimum (ce qui n’est absolument pas le cas), tu saurais que j’ai toujours posé des questions en toute liberté aux dizaines de personnes (voire plus) que j’ai pu interviewer ces trois ou quatre dernières années dans mon activité. Ça c’est la première chose. Ici, le temps était limité, l’interview ne s’est faite qu’au dernier moment, donc il a fallu un peu improviser…<br /> La deuxième chose, c’est que dans cette interview, tu as plusieurs informations à relever, dont une, qui pour moi est essentielle : Paris-CDG a fait une fleur en «&nbsp;offrant&nbsp;» les frais de parking aux compagnies aériennes déjà sous l’eau.<br /> Troisième chose : pour avoir faire le tour d’une partie de l’aéroport sur deux journées, je peux te dire que, oui, les mesures barrières étaient parfaitement respectées. Bien sur, il y a des exceptions, mais bon, tu ne portes pas ton masque quand tu manges ? Si ? <br /> Dernière chose : toi qui semble si bien connaître le journalisme, tu ne t’es pas dit qu’un papier, un dossier, une interview ou autre doit être «&nbsp;anglé&nbsp;», c’est-à-dire partir d’un sujet et tourner autour dans la mesure du possible, sans trop s’éloigner de son angle.<br /> Bref, je suis navré que tu perçoives l’interview de cette façon, tu comprendras bien que je trouve ton commentaire un peu vexant, car il sous-entend des choses qui sont fausses.<br /> À moment donné, il faut clairement arrêter de taper sur tout et n’importe quoi, et apprécier (ou pas) un contenu, sans pour autant le remettre à cause d’un point de vue déontologique.<br /> Bon week-end à toi (et à toutes et tous )
Fulmlmetal
Je trouve que c’est une bonne chose d’avoir ce type d’interview réalisé par vos soins. Je préfère ça à un sujet repris d’un autre site, qui a lui meme repris le sujet d’un autre site, etc et au final ça fait un article mal foutu, qui a perdu des infos en route (le fameux téléphone arabe).<br /> La au moins c’est de la création de sujet et vous avez été au contact. C’est bien.<br /> Pour le contenu les questions étaient légitime et intéressante, et dans l’actu. je regrette juste la dernière questions qui auraient pu etre plus pertinentes sur l’abandon de l’A380. il aurait plutot été interessant de savoir comment ADP allait réorganiser ses terminaux dédiés aux A380 (et qui ont nécessité de gros investissements), parce que demander à un patron d’aéroport s’il comprend les raisons de l’abandon de l’A380 par Air France ça n’a aucun sens, ce n’est pas son domaine. C’est comme demander aux patrons des gestionnaires d’Autoroute s’ils comprennent l’abandon de la Renault Espace.<br /> Il aurait été bon de savoir également si l’arret des A380 allait avoir un impacte sur une augmentation du trafic vu qu’un A380 transportait deux fois plus de passager qu’un autre avion.
cirdan
Cette citation vise le journalisme d’investigation, qui est une forme de journalisme noble, mais le journalisme c’est aussi, et tout simplement, informer sur des sujets d’actualité ou sur des sujets qu’il y a un intérêt à découvrir.<br /> Dans ces cas-là, la pertinence des questions ne se résume pas à mettre en difficulté ses interlocuteurs mais à bien informer les lecteurs. Je crois que c’était le but ici.
KlingonBrain
En même temps, quelqu’un de ma famille est bien mort du Coronavirus. Et il y a eu 30000 morts malgré un confinement sévère. Donc prétendre qu’il n’y a aucune crise <br /> Cela dit, cela n’empêche pas de s’interroger sur la limitation de certains droits au nom de la crise sanitaire, sachant que la situation ne va pas durer seulement quelques semaines, mais vraisemblablement des mois, voir des années. Attention au risque de pérennisation sur une longue durée de certaines mesures d’exceptions pouvant avoir des effets néfastes sur nos libertés. Je pense en particulier à tout ce qui touche au droit de manifester.
lapin-tfc
A mon avis dans moins de 10 ans tu seras suicidé par des écologistes qui étudieront par IA toutes les vidéos du monde et qui trouveront scandaleux que tu encenses l’arrivée d’un avion aussi polluant, tu as pris un pris un très grand risque pour ton avenir… <br /> Merci c’était très intéressant
Batc
J’aime bien le virage que prend clubic, pas que de la tech même si j’adore ça.<br /> À refaire, c’est top, notamment avec des acteurs de la tech, leur vision du monde après coronavirus, leur innovation en santé ? biotech ? transport ? Industrie agro. Des petits acteurs qui ce sont mis à innover pendant le confinement et qui continuent telles que les coopératives d’agriculteurs ou le business des sociétés de cartes de restaurants/bars via QR code est devenu monnaie courante alors que cela ne prenait pas avant coronavirus.<br /> Merci pour cette ITW !
Paraphe
Le transport aérien a été et reste le principal vecteur de la contagion virale. La limitation des déplacements reste un impératif et les frais de dépistage, «&nbsp;levée de doute&nbsp;», et quarantaine éventuelle doivent être supportés par le voyageur et intégré au prix du billet, comme pour toute externalité négative, toute nuisance. L’actuelle économie du transport aérien est subventionnée et malsaine.
philumax
Moi je me dis, que cette année, il n’y a pas eu de canicule. comme il n’y a pas eu beaucoup d’avions qui ont volé, je me dis aussi, qu’il y a peut être une relation de cause à effet.<br /> En ce qui concerne la bestiole, il est aussi évident, que l’avion a facilité sa diffusion.<br /> Donc, si on veut vivre, l’avion doit rester au sol.<br /> Pourquoi ne pas privilégier le Zeppelin?
juju251
Paraphe:<br /> Le transport aérien a été et reste le principal vecteur de la contagion virale.<br /> Ben tiens … Va dire cela à ceux qui ont été contaminés lors de fêtes de familles ou autres …<br /> philumax:<br /> Moi je me dis, que cette année, il n’y a pas eu de canicule. comme il n’y a pas eu beaucoup d’avions qui ont volé, je me dis aussi, qu’il y a peut être une relation de cause à effet.<br /> …<br /> Tu as évidemment les moyens de prouver tes dires ?
Comcom1
On est bien d’accord que ce que tu racontes c’est juste parce que tu es rigolo car si tu le penses vraiment c’est affligeant
philumax
ce n’est pas très gentil comme réponse. elle me fait penser que tu as une très haute opinion de toi.<br /> ne t’excuse pas, je comprend.
philumax
aucun! je ne suis pas patron.
philumax
j’ai oublié : le virus est né en ASIE : il est pas venu à pieds? si? mince, c’est SONIC!
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