Des scientifiques découvrent un moyen de transformer le CO2 en carburant pour avion

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero, Journaliste-reporter, responsable de l'actu.
Publié le 28 décembre 2020 à 16h24
Un A380 d'Emirates, sur le tarmac de l'aéroport Paris-Charles de Gaulle (© Alexandre Boero pour Clubic)
Un A380 d'Emirates, sur le tarmac de l'aéroport Paris-Charles de Gaulle (© Alexandre Boero pour Clubic)

Une équipe de chercheurs issus pour la plupart de l'Université d'Oxford affirme avoir réussi à convertir du dioxyde de carbone en carburéacteur.

Depuis des décennies, notre société repose sur la combustion d'hydrocarbures fossiles. Mais la dégradation de l'environnement et du climat à l'aide du catalyseur qu'est le dioxyde de carbone (CO2) a lancé un mouvement de décarburation dans certains secteurs, pour tenter de limiter l'impact nocif de l'activité de l'Homme sur notre planète. Concernant l'aérien, l'idée est de transformer le traditionnel CO2 extrait de l'air en carburéacteur. L'opération a l'avantage d'être neutre en carbone.

Un procédé qui aboutit à un carburant neutre en carbone

Pour mettre au point ce carburéacteur, les chercheurs, à l'aide de la méthode de combustion organique, ont préparé un catalyseur Fe-Mn-K (fer, manganèse et potassium) qui permet de convertir le dioxyde de carbone en carburéacteur d'aviation liquide à hauteur de 38,2%. Par ce procédé d'hydrogénation, les scientifiques n'ont relevé qu'une faible sélectivité en monoxyde de carbone (5,6%) et en méthane (10,4%).

« Comme ce dioxyde de carbone est extrait de l'air et réémis des carburateurs lorsqu'il est brûlé en vol, l'effet global est un carburant neutre en carbone », expliquent les chercheurs, conscients du fait que l'utilisation de combustibles fossiles continue de croître, à un rythme prédit de 1,3% jusqu'en 2030.

Ici, la méthode tranche radicalement avec les carburants à réaction, qui sont produits à partir de sources fossiles d'hydrocarbures, où la combustion vient libérer le carbone fossile directement dans l'atmosphère, sous forme de dioxyde de carbone.

Le recyclage du dioxyde de carbone, une alternative à l'électrique et à l'hydrogène

Là où le travail de l'équipe de chercheurs d'Oxford peut se révéler payant, c'est en considérant le coût de cette conversion du CO2 en carburéacteur. Car il est faible, si l'on en croit l'étude publiée dans la revue Nature Communications. Les matériaux utilisés, comme le fer, sont en effet très courants, et l'approche peu onéreuse. L'opération est en tout cas moins coûteuse que celle qui consiste à transformer l'hydrogène et l'eau en carburant.

La transformation du dioxyde de carbone en carburéacteur peut être vue comme une véritable alternative à d'autres solutions renouvelables et durables, comme l'avion électrique ou l'avion à hydrogène, sans doute davantage destinées à des vols court et moyen courriers. Et permettre aux compagnies de conserver certains appareils jugés trop consommateurs de kérosène. « Le recyclage du dioxyde de carbone en tant que source carbone pour les carburants et les produits chimiques de grande valeur offre un potentiel considérable pour les industries aéronautique et pétrochimique », confirment les chercheurs.

Pour l'heure, cette expérience (qui n'est pas la première en matière de conversion CO2-carburéacteur) a livré des résultats très positifs dans un environnement clos, en laboratoire. Reste désormais à l'appliquer en pratique. Les scientifiques cherchent à présent des partenaires industriels, des constructeurs notamment, pour accélérer cette expérimentation prometteuse.

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero
Journaliste-reporter, responsable de l'actu

Journaliste, responsable de l'actualité de Clubic. En soutien direct du rédacteur en chef, je suis aussi le reporter et le vidéaste de la bande. Journaliste de formation, j'ai fait mes gammes à l'EJCAM, école reconnue par la profession, où j'ai bouclé mon Master avec une mention « Bien » et un mémoire sur les médias en poche.

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Commentaires (10)
max_971

On pourrait transformer le CO2 en carbone solide et O2 mais je crois que ce n’est pas neutre en carbone.

iksarfighter

C’est une solution, mais ça continuera de puer !

jardinero

L’odeur ne vient pas du co2 inodore et mortel mais des impuretés du carburant ou des additifs .
Merci pour cet article technique .
Pourvu que ça marche !

MattS32

Pour le côté « neutre en carbone », c’est quand même en faisant quelques approximations : supposer que la production des réactifs utilisés (et en particulier l’hydrogène) se fait sans rejeter de CO2, tout comme la production de l’énergie nécessaire pour chauffer la mixture…

Reste à voir si au final leur solution permet de développer plus de puissance dans le moteur de l’avion que la même quantité d’hydrogène dans un moteur à hydrogène ou un moteur électrique couplé à une PAC.

fg03

C’est quoi l’équation bilan ?
Parce que j’entends parler de catalyseur à base de Fer-Manganèse-Potassium
Et je lis rejet de Méthane et monoxyde de carbone.
Est-ce qu’il y a des composés dérivés de Fer, Mn ou K suite à cette réaction ?
Est-ce que le méthane et le monoxyde de carbone ont été évalué en quantité car il me semble que le méthane fait partie des gaz a effet de serre plus nocifs que le CO2. Quant au CO il est inodore et mortel, on déplore chaque année des morts à cause de mauvaise combustion de cheminué ou de chaudière pas entretenue…
Pour régler le problème du CO2, y a des solution simples ça s’appelle les puits à carbone, la nature en fabriqué naturellement tout le temps comme les marais ou les tourbiers. … la matière organique se décompose et le carbone reste piégé et ne part pas en fumée.

oeildefeu

Salut,
La réaction est dans la source.
Normalement, j’ai pas tout lu, pas de pollution Fe K Mn car c’est des catalyseurs et donc régénérés pendant la réaction et normalement bien accrochés sur des supports inorganiques.
Pour le méthane on peut imaginer sans problème faire le tri -pour le purifier et hop en bouteille- dans le réacteur de synthèse… ce n’est pas, de mon point de vue, un problème.

Enfin, dire « neutre en carbone » c’est bisounours: la réaction, pour hydorgéner du CO2 bah il faut du H2, qu’il faut bien produire par un moyen ou un autre plus de l’énergie pour faire tourner le système (capter le CO2 puis le réacteur de synthèse)

Lerian

Oui, du coup, entre ce que ça coûte en énergie d’extraire le CO2 de l’air et ce que ça coûte en énergie de fabriquer le H2 par hydrolyse ce serait probablement plus rentable de faire des avions à hydrogène, lequel serait produit grâce à de l’électricité nucléaire pour être à bilan carbone négatif.
Mais pour cela, il faudrait multiplier les réacteurs nucléaires, préférentiellement des sur-régénérateurs …
On fait ce qui marche ou on continue de laisser croire à la planète que la recherche va trouver une solution de science-fiction au problème de l’énergie ?

Brobok

Intéressant mais, au mieux idéaliste: l’article ne dit pas combien d’énergie est nécessaire pour provoquer cette réaction, sans doute bien plus que celle qui est produite.

blackdoor

Si ce système devait voir le jour il faudrait déjà l’appliquer sur l’automobile qui représente plus de pollution et qui n’a pas les mêmes contraintes sur la masse que l’aviation.
Entre nous, je ne pense pas qu’il ait un avenir.
En attendant , il faut interdire les vols car il n’y a aucun système de dépollution sur les avions.

AlexLex14

On demeure encore au stade expérimental.

Mais quoi qu’il arrive, c’est une première pierre posée, et elle a l’air assez solide.

N’oublions pas aussi qu’elle pourrait éviter de fabriquer des appareils entiers destinés à l’électrique ou à l’hydrogène, et là, cette fabrication aurait un coût colossal. Pensons aussi au fait qu’elle pourrait permettre aux avions que l’on connaît aujourd’hui de ne pas être démantelés et de continuer à voler, mais bien plus proprement.