Chacun son tour. Meta emboîte le pas de Google et renonce à la publicité politique payante dans l’Union européenne avant l’entrée en vigueur du règlement TTPA. Cette décision annonce une révolution pour les partis politiques et la communication numérique.

Entre Meta et l'UE, le mariage est consommé sur la pub politique - ©Visuals6x / Shutterstock
Entre Meta et l'UE, le mariage est consommé sur la pub politique - ©Visuals6x / Shutterstock
L'info en 3 points
  • Meta et Google arrêtent les publicités politiques payantes en Europe avant le règlement TTPA, prévu pour octobre 2025.
  • Le règlement TTPA impose transparence et restrictions sur les publicités politiques, rendant leur gestion complexe pour les plateformes.
  • Les partis politiques doivent repenser leurs stratégies numériques, avec un contrôle accru par la CNIL et l'Arcom.

Google avait déjà suspendu la diffusion des publicités politiques en Europe fin 2024. Meta a confirmé qu’elle ferait de même dès octobre 2025, en réponse au règlement européen TTPA qui impose de nouvelles règles strictes sur la transparence et le ciblage des publicités à caractère politique.

Ces arrêts touchent les formats payants sur des plateformes largement utilisées comme Facebook, Instagram et YouTube. Cette réorganisation implique de nombreuses implications pour les partis et organisations politiques qui devront repenser leurs stratégies numériques.

Anticipation et retrait des plateformes face à la réglementation européenne

Comme on vous l'annonçait sur Clubic, Google a pris de l’avance dès novembre 2024 en annonçant l’arrêt des publicités politiques dans l’Union européenne, bien avant l’entrée en vigueur du règlement européen sur la transparence et le ciblage de la publicité politique (TTPA), prévue en octobre 2025. Meta a suivi l’exemple, annonçant ce 25 juillet 2025 qu’elle cesserait de vendre et diffuser ces publicités sur Facebook, Instagram et ses autres plateformes à partir d’octobre 2025.

Nos confrères de TechCrunch relaient le communiqué publié ce 25 juillet sur le site de Meta, qui juge que ces obligations créent « un niveau intenable de complexité et d’incertitude juridique pour les annonceurs et les plateformes opérant dans l’UE ». Google parle, de son côté, d’un cadre « difficile à appliquer », notamment en raison de la définition élargie de la publicité politique, qui englobe des contenus très variés.

Le texte qui entre en application le 15 octobre 2025 impose des conditions de diffusion précises. Chaque publicité politique devra afficher clairement qu’elle en est une, indiquer qui la finance, les montants engagés, les critères de ciblage utilisés, et renvoyer vers un registre public. Il faudra aussi démontrer que l’utilisateur a donné son consentement explicite pour recevoir ce type de contenu.

Certaines données deviennent inexploitables : l’origine ethnique, les opinions politiques, la religion, l’orientation sexuelle ou la santé ne pourront plus être utilisées à des fins de ciblage. Les mineurs seront également exclus du périmètre.

Un cadre européen de transparence et de protection renforcée

Que les plateformes restent ou non, les partis sont tenus de se conformer à la nouvelle réglementation. Le texte s’adresse aussi bien aux formations politiques qu’aux agences de communication, éditeurs d’outils AdTech, prestataires techniques ou hébergeurs.

Comme le précise le cabinet spécialisé en droit des nouvelles technologies Deshoulières Avocats, les partis devront établir des registres précis de chaque campagne numérique. Ces documents devront contenir les messages diffusés, les publics ciblés, les budgets engagés, les dates de diffusion et les supports utilisés. La CNIL pourra demander à les consulter à tout moment, pendant une durée de cinq ans. Même les newsletters ou les bannières en ligne sont concernées.

Les agences et outils de publicité programmée devront garantir la traçabilité complète de leurs traitements. Toute plateforme de diffusion devra publier une bibliothèque des campagnes visibles par les citoyens et les autorités. Le simple fait d’avoir une base de données de contacts ne suffira plus. Il faudra pouvoir prouver que chaque contact a donné son accord spécifique pour recevoir du contenu politique.

La CNIL et l’ARCOM se partageront la supervision de ces obligations. En cas de non-respect, les amendes pourront atteindre jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires mondial ou 1 % des dépenses publicitaires globales.

L'Arcom va ajouter une corde à son arc en matière de surveillance numérique - ©T. Schneider / Shutterstock

La communication numérique va devoir s’inventer de nouveaux chemins

Pour continuer à exister en ligne, les partis devront diversifier leurs outils. Les canaux de diffusion automatisés deviendront plus difficiles à utiliser. Le recours à des newsletters segmentées, à des messageries privées ou à des contenus organiques publiés sur les comptes officiels pourrait redevenir central.

D’autres choix stratégiques apparaîtront. Certaines campagnes miseront sur des influenceurs, des formats collaboratifs ou des communautés locales. D’autres investiront davantage dans les médias traditionnels, ou dans leurs propres outils, plus coûteux mais plus faciles à maîtriser.

Dans l’immédiat, la priorité consiste à réviser les bases de données, former les équipes, vérifier les formulaires d’inscription et mettre en place des registres complets. La CNIL a déjà entamé un cycle de consultations avec les acteurs concernés, et publiera des recommandations pratiques à la rentrée.

Nouvelles responsabilités, contraintes et opportunités pour les acteurs politiques

Le dispositif confie un rôle accru aux autorités de contrôle, notamment la CNIL, qui vérifie la conformité des campagnes, le consentement des utilisateurs, et la tenue des registres relatifs aux publicités. Les partis, agences et plateformes doivent désormais former leurs équipes, documenter chaque campagne en détail, et assurer une sureté maximale sur la collecte et l’usage des données.

Bien sûr, si l'obligation légale motive cette nouvelle donne, cette conformité compte aussi renforcer la confiance entre électeurs et institutions politiques. Les risques financiers et réputationnels en cas de manquements peuvent être importants, ce qui oblige les partis et organismes politiques à repenser leur stratégie numérique pour respecter les nouvelles règles.

Un contrôle renforcé du pluralisme par l’Arcom

Le gendarme français de l'audiovisuel, la bien nommée Arcom, veille déjà au respect du pluralisme des courants politiques dans les médias traditionnels. Dans sa délibération de juillet 2024, elle estime nécessaire de mesurer équitablement la parole de chaque tendance, y compris hors période électorale, et couvre maintenant les formats numériques comme les interviews de personnalités politiques en ligne.

Avec la mise en place du règlement TTPA, l’Arcom devra compléter ses missions en contrôlant la publicité politique numérique, en coordination avec la CNIL. Cette double surveillance vient garantir une représentation équilibrée et transparente des opinions politiques sur tous les supports, médias classiques et plateformes numériques.

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