Dans un aveu d'une rare franchise, l'ancien P.-D.G. d'Intel, Pat Gelsinger, a reconnu avoir largement sous-estimé l'ampleur de la vague de l'intelligence artificielle. Une erreur de jugement stratégique qui a laissé le champ libre à son concurrent direct, Nvidia, pour s'imposer comme le leader incontesté du secteur.

- Pat Gelsinger, ex-P.-D.G. d'Intel, admet avoir sous-estimé l'impact de l'IA, laissant Nvidia dominer.
- Intel a misé sur l'IA d'inférence, négligeant l'entraînement des modèles, où Nvidia excelle avec ses GPU.
- Intel, sous Gelsinger, vise à intégrer l'IA partout, misant sur sa fabrication pour rattraper Nvidia.
L'hégémonie d'Intel sur le marché des semi-conducteurs, bâtie sur des décennies de domination des processeurs (CPU), a été sérieusement bousculée par l'émergence de l'IA. Cette technologie a en effet privilégié une architecture matérielle différente, celle des processeurs graphiques (GPU), domaine de prédilection de NVIDIA.
Un mea culpa qui révèle les failles d'un géant
« J'ai, comme presque tout le monde, sous-estimé l'impact de l'intelligence artificielle », a déclaré Pat Gelsinger dans une intervention reprise par plusieurs médias. Cette confession illustre à quel point la direction d'Intel, y compris son dirigeant le plus emblématique de ces dernières années, n'a pas anticipé la rapidité avec laquelle l'IA générative allait redéfinir les besoins en puissance de calcul. La firme s'est concentrée sur des marchés traditionnels, laissant passer une opportunité qui se chiffre désormais en centaines de milliards de dollars.
Ce manque de clairvoyance s'explique en partie par une vision trop conservatrice. Intel a longtemps misé sur l'IA dite d'inférence, qui consiste à exécuter des modèles déjà entraînés, un segment où ses CPU restaient pertinents. Cependant, la véritable explosion du marché est venue de l'entraînement (training) des grands modèles de langage, une tâche massivement parallèle pour laquelle les GPU de NVIDIA se sont avérés bien plus efficaces. L'abandon précoce de projets comme Larrabee, une tentative de GPU basé sur l'architecture x86, apparaît rétrospectivement comme un tournant manqué.
Cette erreur d'appréciation a créé un boulevard pour NVIDIA et son P.-D.G., Jensen Huang. Pat Gelsinger a lui-même reconnu que son rival avait eu « de la chance » que son architecture GPU soit parfaitement adaptée aux besoins de l'IA. Mais il a aussi salué l'excellente exécution de NVIDIA, qui a su bâtir des « douves protectrices solides » autour de son activité. Une reconnaissance qui fait écho aux deux atouts majeurs de NVIDIA que nous avions déjà analysés : son écosystème logiciel CUDA et sa technologie d'interconnexion NVLink, qui ont fidélisé les développeurs et les entreprises.
Intel à la reconquête d'un terrain perdu
Conscient du terrain à regagner, Intel a, sous l'impulsion de Gelsinger durant son mandat, orchestré sa contre-attaque autour de la stratégie « AI Everywhere ». L'objectif est simple : intégrer des capacités d'intelligence artificielle dans chaque produit, du PC grand public aux serveurs pour data centers, en passant par les solutions pour l'edge computing. Le fondeur ne veut plus considérer l'IA comme un marché à part, mais comme une charge de travail transversale qui irriguera toute l'industrie technologique.

Pour mener à bien ce retour, Intel mise sur son avantage historique : la maîtrise de la fabrication. Le modèle IDM 2.0, qui combine production interne et ouverture de ses usines à des clients tiers, est au cœur de cette ambition. Le groupe investit massivement pour accélérer sa feuille de route technologique, avec en ligne de mire le prometteur processus de fabrication 18A. Contrôler l'ensemble de la chaîne est perçu comme un atout fondamental à long terme.
Ce combat pour la pertinence d'Intel dans l'ère de l'IA est aussi un défi personnel pour Pat Gelsinger. L'homme, qui a consacré une grande partie de sa carrière à l'entreprise avant d'en être évincé, a vécu son départ comme un véritable déchirement, comme nous l'avions évoqué lors de ses révélations sur son éviction passée. Son retour aux commandes en 2021 était motivé par une volonté de restaurer la gloire d'antan d'Intel, une mission rendue encore plus complexe par le virage manqué de l'IA.
Alors qu'Intel prépare de nouvelles puces comme les GPU Jaguar Shores pour tenter de combler son retard, la question demeure. La puissance de sa nouvelle stratégie industrielle et sa capacité à se réaligner sur les besoins du marché de l'IA seront-elles suffisantes pour ébranler la forteresse érigée par NVIDIA ? La course est loin d'être terminée, mais Intel part avec un handicap certain.
Source : WCCFTECH