Le nouveau pape américain fait de la régulation de l'intelligence artificielle sa priorité. Il veut un traité international contraignant contre l'avis de la Silicon Valley.

- Le pape Léon XIV, inspiré par Léon XIII, veut réguler l'IA pour protéger la dignité humaine et le travail.
- Les géants de la tech, comme Google et Microsoft, cherchent à éviter une régulation stricte par le Vatican.
- L'Église craint la déshumanisation par l'IA, surtout pour les enfants, et prône un traité international contraignant.
Le pape Léon XIV a choisi son nom en référence à son prédécesseur Léon XIII, défenseur des ouvriers durant l'Âge d'or américain. Deux jours après son élection, le pontife a exposé sa vision devant le Collège des cardinaux. « Aujourd'hui, l'Église offre son trésor d'enseignement social pour répondre à une autre révolution industrielle et aux innovations dans le domaine de l'intelligence artificielle qui posent des défis à la dignité humaine, à la justice et au travail », a-t-il déclaré.
Cette prise de position n'est pas tout à fait en phase avec le plan de séduction de la Silicon Valley. Depuis dix ans, les géants de la tech multiplient les visites au Vatican pour gagner son soutien moral. Google, Microsoft, Meta et IBM ont tous envoyé leurs dirigeants à Rome. Ils espèrent éviter une régulation trop stricte de leurs outils.
Une concentration du pouvoir qui rappelle l'Âge d'or
On doit le parallèle historique choisi par Léon XIV à son prédécesseur en prénom Léon XIII. Ce dernier écrivait en 1891 dans son encyclique Rerum Novarum : « L'embauche de main-d'œuvre et la conduite du commerce sont concentrées entre les mains d'un nombre relativement restreint de personnes ; de sorte qu'un petit nombre d'hommes très riches ont pu imposer aux masses grouillantes de travailleurs pauvres un joug à peine meilleur que celui de l'esclavage lui-même ».
Le Vatican craint aujourd'hui une reproduction de ce schéma. Le document publié en janvier 2025 avertit qu'une poignée d'entreprises technologiques pourrait s'enrichir au détriment du plus grand nombre. Les cardinaux africains ont exprimé leurs inquiétudes concernant l'exploitation des minerais nécessaires aux puces électroniques. Leurs homologues européens dénoncent le risque que l'IA remplace la place de Dieu dans la société moderne.
Ce vent d'inquiétude semble être remonté jusqu'aux principaux incriminés. Brad Smith, président de Microsoft, rencontrera prochainement les responsables vaticans. Google a également sollicité un entretien avec le nouveau pape. Qui vivra verra.

La déshumanisation programmée par les algorithmes
L'église n'a pas attendu le quatorzième Léon pour s'alarmer de l'érosion de l'humanité par la technologie. François avait déjà averti que l'humanité ferait face à « un avenir sans espoir » si les « choix des machines » remplaçaient les décisions individuelles. Cette vision hante également son successeur.
L'Église redoute particulièrement l'impact sur les enfants. Ils risquent de grandir dans un monde déshumanisé, guidés par des chatbots plutôt que par des relations humaines authentiques. Les armées pourraient développer des armes autonomes dépourvues de jugement moral. Cette automatisation progressive effacerait progressivement l'essence même de l'humanité.
Le père Eric Salobir rapporte une anecdote révélatrice. François avait mis en garde les dirigeants technologiques : « Vous manquez leur humanité parce que vous ne pouvez pas réduire l'être humain à ses données ». Cette philosophie guide désormais l'action de Léon XIV. Le cardinal Giuseppe Versaldi confirme : « Léon XIV veut que le monde scientifique et politique s'attaque immédiatement à ce problème sans permettre au progrès scientifique d'avancer avec arrogance ».
Le Vatican héberge cette semaine une conférence internationale sur l'IA réunissant Google, Meta, IBM, Anthropic et Palantir. L'institution religieuse milite pour un traité international contraignant, là où les entreprises préfèrent l'autorégulation volontaire. L'administration Trump a abrogé les règles de l'ère Biden et critique la régulation européenne. Ces vues diamétralement opposées promettent des négociations tendues entre le nouveau pape et la Silicon Valley.
Source : Wall Street Journal