Son nom ne vous dira peut-être rien. Pourtant, Bruce Schneier est l’une des références américaines en cybersécurité. Aujourd’hui, il regarde avec sérieux du côté de la France et de l’Europe, convaincu qu’ils possèdent de solides arguments pour proposer une IA plus transparente, loin des pratiques opaques des grands groupes privés.

- Bruce Schneier critique l'opacité des IA commerciales et défend une IA européenne plus transparente et rigoureuse.
- Il soutient Current AI, un projet français mettant l'accent sur l'ouverture et l'égalité des chances en IA.
- L'Europe impose des règles strictes sur l'audit des IA à haut risque, influençant globalement la tech.
Bruce Schneier se montre de plus en plus inquiet, car l’IA se glisse partout dans la vie quotidienne. Il redoute un système dans lequel les entreprises imposent leurs propres intérêts et s'assoient ainsi sur celui de l’utilisateur. C'est pendant une conférence à San Francisco qu'il a pris l’exemple d’un assistant virtuel qui suggère des hôtels ou des compagnies aériennes.
Pour lui, rien ne garantit que le conseil serve vraiment la personne qui consulte. Il résume sa méfiance en posant la question suivante : « Votre chatbot a-t-il recommandé une compagnie aérienne ou un hôtel en particulier parce que c’est la meilleure offre pour vous, ou parce que la société d’IA a reçu un pot-de-vin de ces sociétés ? »
Bruce Schneier se crispe dès qu’il observe l’opacité des IA commerciales et préfère le modèle européen
Dès que la discussion aborde l’intelligence artificielle venue des grandes entreprises, Bruce Schneier serre les dents. Il repère immédiatement les logiques commerciales derrière les moteurs de recherche, qui mettent en avant certains partenaires. Selon lui, les IA génératives reprennent le même schéma. Il insiste : tant qu’un système ne détaille pas ses critères, la confiance ne suit pas. Il cite un exemple concret : un juge optera volontiers pour un assistant numérique qui partage ses opinions, exactement comme il le ferait pour un assistant humain.
Bruce Schneier réclame des règles précises. Il salue la législation européenne et l'IA Act : depuis août 2024, chaque entreprise doit documenter ses outils, accepter des audits réguliers et publier le processus de décision des IA à haut risque. Il considère ce cadre plus robuste et mieux adapté que ce qu’il observe aux États-Unis. À ses yeux, l’Union européenne a le poids nécessaire pour orienter la réflexion mondiale.
Pour lui, l’initiative doit venir à la fois des États et des universités. Il plaide pour des IA ouvertes, auditées, vraiment transparentes. « C’est là que les gouvernements et le monde universitaire peuvent contribuer en créant des modèles d’IA transparents qui servent de contrepoids aux systèmes commerciaux », explique Bruce Schneier.

Current AI, un projet français qui mise sur l’ouverture, la rigueur et l’équité
Bruce Schneier observe de près l’initiative Current AI, annoncée à Paris lors du Sommet d’action sur l’IA. Cette démarche réunit le gouvernement français, des grands noms comme Google et Salesforce, mais aussi plusieurs fondations. Dès le départ, le projet dispose de 400 millions de dollars, avec l’objectif d’atteindre 2,5 milliards en cinq ans. La ligne reste claire : bâtir une intelligence artificielle fiable, ouverte et vérifiable.
Martin Tisné, à l’origine du projet, veut aller droit au but. Sa conviction : l’IA ne deviendra un progrès pour la société que si elle s’adresse à tous. Il l’affirme simplement : « L’IA a le pouvoir d’améliorer l’accès à l’emploi, aux soins de santé et à l’éducation, mais seulement si nous agissons maintenant ». Dix gouvernements soutiennent déjà l’initiative, dont l’Allemagne, la Finlande, le Nigéria et le Chili. Emmanuel Macron résume l’ambition : « Current AI peut changer le monde de l’IA. En donnant accès aux données, aux infrastructures et à la puissance de calcul d’un grand nombre de partenaires, Current AI contribuera au développement de nos propres écosystèmes d’IA en France et en Europe ».
L’équipe place l’accès à la donnée, l’open source et la responsabilisation auditable au cœur du projet. Plusieurs personnalités, comme Reid Hoffman (LinkedIn), Clément Delangue (Hugging Face) et Arthur Mensch (Mistral), affichent leur soutien.
Bruce Schneier le dit ouvertement : il préfère « une IA non corporative ». Il résume son regard par ces mots : « Nous avons échoué avec les réseaux sociaux. Nous avons échoué avec la recherche, mais nous pouvons y parvenir avec l’IA ». D’après lui, tout repose sur un équilibre entre la technique et le politique.
L’avenir de Current AI et le déploiement des règles européennes retiennent de plus en plus l’attention. La législation rend obligatoires la documentation et l’audit pour les IA à haut risque. Ce cadre touche des secteurs variés, parmi lesquels les ressources humaines. Plusieurs acteurs de la tech suivent la situation de près, conscients que ces évolutions pourraient faire évoluer leurs méthodes. Bruce Schneier considère que tout progrès dépendra de la capacité à rapprocher le développement technique et la volonté politique.
Source : The Register, PR Newswire