Les dirigeants français accumulent les tentatives d'enlèvement depuis le début de l'année. David Balland de Ledger, des patrons de la crypto, des dirigeants du CAC 40 : tous deviennent des cibles. Les agences de protection pointent du doigt les réseaux sociaux et l'exposition numérique.

- Depuis janvier, les dirigeants français font face à des tentatives d'enlèvement, touchant les domaines de la crypto et entreprises traditionnelles.
- Leur exposition numérique sur les réseaux sociaux est pointée du doigt, favorisant la collecte d'informations par les criminels.
- Les entreprises de sécurité adaptent les mesures, incluant protection renforcée, due à une menace aussi numérique que physique.
La série s'accélère. Nantes le 26 mai, Paris le 13 mai, encore Paris le 1er mai. Sans oublier Vierzon en janvier avec l'enlèvement brutal de David Balland, cofondateur de Ledger. Le patron a eu un doigt coupé avant que la BRI ne le libère.
Cette série noire touche aussi bien les magnats de la cryptomonnaie que les dirigeants traditionnels. Comme on vous l'annonçait sur Clubic, certains demandent maintenant à porter des armes. Éric Larchevêque, figure connue du secteur crypto, a réclamé une autorisation pour un pistolet de catégorie B.
Les professionnels de la sécurité rapprochée observent une évolution claire. Jean-François Rosso dirige Maegis Group, leader français avec 150 agents. Il confirme : « Nous sommes de plus en plus sollicités ». Les demandes explosent, particulièrement depuis que les liens entre cryptomonnaie et home-jacking se renforcent.
Les réseaux sociaux transformés en outils de renseignement
Les dirigeants alimentent eux-mêmes le système qui les piège. Ils publient sans réfléchir aux conséquences. «
Les dirigeants ne se rendent pas toujours compte de ce qu'ils postent sur les réseaux sociaux », explique Jean-François Rosso. « Ils donnent ainsi souvent l'événement auquel ils assistent, leur lieu de vacances », ajoute-t-il.
Chaque publication devient un indice. Photo du restaurant où ils dînent. Géolocalisation du bureau. Selfie devant la villa de vacances. Les criminels collectent ces informations méthodiquement.
Maegis Group a développé une « unité digitale » spécialisée dans l'analyse de l'empreinte numérique. L'entreprise propose même un « passeport d'hygiène numérique » à ses clients car les patrons sous-estiment les risques.
Le problème va au-delà des publications imprudentes. Les enfants des dirigeants utilisent aussi les réseaux sociaux. Ils publient des photos de famille, mentionnent leurs parents, géolocalisent leurs sorties. « Si les enfants sont identifiés, c'est une source supplémentaire d'information », précise l'expert en sécurité.

Une mine d’informations accessibles à tous
Les réseaux sociaux ne sont que la partie émergée de l'icerberg de la vie privée. Sur Internet, une foule de données reste accessible librement : actes notariés, immatriculations de sociétés, registres cadastraux, articles de presse, interviews, profils d’entreprise… Il suffit de croiser les sources pour reconstituer une cartographie très précise d’une cible.
« Même les adresses des résidences secondaires peuvent apparaître, notamment si elles sont détenues via une SCI », précise Jean-François Rosso. En quelques clics, un criminel motivé peut dresser un portrait complet : lieux de vie, habitudes, actifs détenus, liens familiaux.
Thomas Rossi, fondateur de Wagram Protection, constate le même phénomène. Ses équipes protègent régulièrement des dirigeants étrangers en déplacement à Paris. « Les Américains sont très conscients du risque numérique. En France, cette prise de conscience est plus récente », note-t-il.
Crypto, finance, aéronautique : certains secteurs deviennent plus exposés que d’autres. Les attaquants, eux, montent en gamme. Ils repèrent les habitudes, planifient leurs actions, exploitent les failles de sécurité personnelle. Et forment, bien souvent, des groupes organisés.
Les agences adaptent leurs services. Protection physique, surveillance des trajets, sécurisation des domiciles : les dispositifs se multiplient. Les tarifs dépendent du niveau de menace, mais restent confidentiels. Pour les anciens policiers ou militaires, ces entreprises offrent une reconversion dans un secteur en plein essor — tiré par une menace devenue numérique avant d’être physique.
Source : Le Parisien (accès payant)